Crise du logement social : « On ne prend pas assez en compte les changements de mode de vie », selon Jean Viard

Ils veulent mettre fin au logement social « à vie ». Deux députés macronistes, Stephane Vojetta et Guillaume Kasbarian présentent lundi 24 mars 2025 une proposition de loi visant à augmenter les surloyers des occupants de logements HLM qui dépassent les plafonds de ressources. Ils proposent également de renforcer les conditions de sortie pour les locataires dont les revenus dépassent les seuils exigés.

franceinfo : Le logement social a été créé dans les années 1950 pour permettre aux Français les plus modestes d’accéder ensuite à un logement privé. Aujourd’hui, 2 millions de locataires attendent un logement social. Pourquoi le modèle est-il grippé ?

Jean Viard : Quand on a fait les HLM en 1948, d’un côté, il y avait une allocation logement qui permettait aux salariés d’avoir de l’argent et de l’autre, on s’est mis à construire massivement des bâtiments publics. À l’époque, il y avait la règle du maintien dans les lieux. Mais lorsque vous entrez dans un logement en couple, ensuite vous avez des enfants, ils grandissent, ils s’en vont, est-ce bien la peine d’avoir un F4 quand d’autres familles sont dans l’attente ? Dans le même temps, partir c’est quitter un quartier, vos amis, vos habitudes.

Aujourd’hui, les modes de vie ont complètement changé. La définition du couple a changé. Quel modèle de logement faut-il proposer aux couples pour démarrer ? C’est la même question pour les personnes âgées. Si vous êtes dans le parc privé, vous allez peut-être essayer de rapprocher vos parents de vous. Il y a beaucoup de vieux parents qui viennent près de leurs enfants pour s’occuper des petits-enfants. Dans le parc social, ce n’est pas possible. Le parc social a une idée de la sédentarité de l’habitat qui correspond à une autre époque. La politique du logement a été mauvaise depuis 2017, mais il y a une crise dans tous les pays d’Europe, parce que les modes de vie ont changé.

La liste d’attente pour accéder à un logement social s’allonge d’année en année. Il y a aussi un problème de construction. À quel moment cela a-t-il dérapé ?

D’abord parce qu’on a énormément augmenté les normes ce qui a augmenté le coût des logements. Peut-être qu’on a été un peu loin, rapidement, sans entendre les opinions publiques. De l’autre côté, on a réduit les zones de construction et on manque de terrain public. Il y a une réflexion à remettre sur l’ouvrage. Je pense qu’il faut être accueillant à la vie et ses changements. Je peux prendre l’exemple de Cherbourg dans la Manche où 4 000 emplois sont disponibles dans le nucléaire. Ils n’ont pas d’espace pour construire des logements. Est-ce rationnel ?

Est-ce qu’on peut, selon vous, rattraper le retard pris dans notre politique de logement social ou est-ce que c’est déjà trop tard ?

Ce n’est pas trop tard, mais il faut revoir notre façon de penser le logement. Il ne faut pas traiter l’habitant du HLM comme un objet. Il faut tenir compte de ses désirs et de ses projets. La population se déplace vers les rivages et vers l’Ile-de-France. J’ai le sentiment qu’on ne s’est pas posé sérieusement les bonnes questions concernant les modes de vie, les espaces géographiques, les relations intergénérationnelles. Il y a aussi des familles qui ont acheté une résidence secondaire mais qui habitent en HLM. Il y a des familles qui construisent une maison au Portugal ou en Algérie ou ailleurs pour leur retraite, mais qui vivent en HLM. Évidemment, on peut se dire que s’ils ont de l’argent pour construire une maison, ils doivent quitter leur HLM pour laisser leur place à un jeune. Je crois que la proposition de loi veut mettre fin à ces situations.


Crédit: Lien source

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.