Crise : Régression spectaculaire des droits des femmes en Haïti

Par Charilien Jeanvil

P-au-P., 7 mars 2025 [AlterPresse] — Des dirigeantes d’organisations féministes dressent un tableau sombre de l’évolution en Haïti des droits des femmes, à l’occasion du 8 mars 2025, journée internationale des droits des femmes.

Elles dénoncent une régression spectaculaire des droits des femmes en Haïti, dans des interviews accordées au magazine « FwoteLide » d’AlterRadio 106.1 FM et en ligne.

La situation de crise exacerbée en Haïti affecte davantage les femmes et les petites filles, en proie au viol, à la violence et à l’exploitation, regrette Pascal Solages, coordonnatrice de Neges Mawon, au cours de l’émission radiophonique suivie par AlterPresse.

La militante féministe croit que les avancées sur la question des droits des femmes en Haïti ont été compromises, dans un contexte de recul général des droits civils et politiques. Maintenant, les droits des femmes « n’existent tout simplement pas en Haïti ».

« Pour toutes les femmes et les filles : droits, égalité et autonomisation » est le thème retenu par les Nations-Unies cette année.

Ce thème constitue le socle des initiatives entreprises par Neges Mawon, explique Pascale Solages. Elle veut profiter de cette journée du 8 mars pour défendre l’égalité des droits et des chances pour toutes et tous.

La coordonnatrice de Nègès Mawon, y voit le moment pour intensifier les discussions sur la question des droits des femmes et sur le fléau du féminicide, qui a causé l’an dernier le décès d’environ 85 000 femmes dans le monde.

Elle interpelle la responsabilité de l’État, premier garant du respect des droits des femmes, tout en regrettant l’absence de politiques publiques en faveur des femmes. L’État ne respecte pas la constitution. Le gouvernement est incapable d’appliquer même le quota minimum de 30% de femmes en son sein, fait remarquer Pascal Solages.

Elle invite les organisations féministes et citoyennes à poursuivre leur plaidoyer pour la cause des femmes et à continuer de mettre la pression sur l’État. Car, l’équipe de transition en place ne fait montre d’aucune volonté d’avancer sur un agenda en faveur du respect et de la protection des droits des femmes : droit à la vie, au foyer, à l’emploi, à la sécurité, etc.

L’état a fait fi des recommandations de Negès Mawon et 100 autres organisations sur l’intégration des femmes dans la transition en cours, déclare la dirigeante féministe.



« Ce pouvoir ne fait pas de place aux femmes »

Marie Denise Claude, de Réseau pluriel de femmes politiques, regrette la faible présence des femmes en politique. L’État ne respecte pas le principe fixé par la constitution qui exige au moins 30% de femmes dans l’administration.

« Ce pouvoir ne fait pas de place aux femmes. L’objectif égalité homme-femme 2034 fixé par l’Onu ne sera pas atteint, prévient l’ancienne titulaire du Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes (Mcfdf).

Elle invite l’État à s’ouvrir aux femmes. La dirigeante du Réseau pluriel des femmes politiques défend la proposition de sièges réservés aux femmes.

« La société doit prendre un autre virage. On ne peut pas exclure plus de 52% de la population dans l’évolution du pays », fait-elle remarquer. Elle ajoute que l’avenir du pays passe par une meilleure intégration des femmes dans la vie sociopolitique.

L’état doit donner le ton et montrer la voie aux secteurs, public et privé, pour l’intégration des femmes dans le milieu socio-professionnel, soutient Marie Denise Claude.

Elle invite les autorités à mettre en application les propositions formulées en ce sens par des organisations de femmes.

Marie Denise Claude exige des moyens à dispositions du Mcfdf pour jouer correctement son rôle, par exemple pour mieux adresser la situation des jeunes filles exploitées sur le marché du travail. Elle croit nécessaire une collaboration entre le Mcfdf et des organisations féministes.



La lutte pour les droits des femmes doit être permanente

Staël Nirvania Antoine, responsable de programme interne de l’organisation Marijàn, s’interroge également sur la place des femmes dans l’administration politique, soulignant que les femmes évoluent dans des conditions non-idéales et en l’absence de mécanismes de protection en cas de discrimination et de harcèlement.

La lutte pour les droits des femmes doit être permanente. Staël Nirvania Antoine lance un appel à l’implication des femmes. « Il ne s’agit pas pour elles de réclamer leur place, mais de prendre leur place », déclare-t-elle, arguant que la société ne peut pas avancer sans les femmes.

La responsable de Marijan plaide en faveur d’une justice sociale forte, pour que les femmes ne se sentent plus discriminées, qu’elles ne soient plus victimes de stéréotypes et qu’elles aient la liberté de décider sur leur propre corps et leur propre santé.

Elle invite ses compatriotes à être solidaire en appliquant les principes de sororité, en suivant les valeurs morales et éthiques.



L’insécurité est dévastatrice pour les femmes

L’insécurité qui ravage le pays a des conséquences néfastes sur les femmes, surtout les mères et les petites filles, analyse Marie Denise Claude.

Les conditions sont déplorables dit-elle. La violence sexuelle contre les petites filles et les femmes ont atteint un seuil inédit, dénonce-t-elle, ajoutant que les femmes sont décapitalisées. Marie Denise Claude interpelle les responsables à agir dans l’urgence pour adresser cette problématique.

Marie Denise Claude croit également que cette violence provoque une régression des acquis de plus de 30 ans dans la lutte en faveur des droits des femmes en Haïti.

En plus de déshumaniser les femmes, cette période de crise sécuritaire et humanitaire, qui a causé des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés durant les 4 dernières années, dissuade également les femmes de s’engager dans leur communauté, pense également Pascale Solages.

Sur plus d’un million de déplacés dans les départements de l’Artibonite et l’Ouest, plus de la moitié sont des femmes, énumère Pascal Solages, tout en soulignant qu’en situation de conflit, les femmes et les enfants sont les plus affectés. Elle dénonce également les conditions de vie atroces des femmes et des petites filles dans les camps de fortune.

Marie Denise Claude insiste sur la nécessité absolue de résoudre le problème de l’insécurité, de garantir l’accès aux soins de santé et à de meilleures conditions de travail.

Pour elle, la résolution de la crise passe aussi par un meilleur accompagnement des femmes Marie Denise Claude encourage l’État à accompagner les petites et moyennes entreprises dirigées par les femmes dans tous les secteurs en mettant à leur disposition des crédits à des taux préférentiels, afin de remettre sur les rails l’économie.

Diverses activités sont prévues par les organisations de femmes pour marquer la journée du 8 mars. Projections de films et documentaires, discussions, conférences-débats, sont notamment au menu. [cj gp apr 07/03/2025 20 :00]

Photo logo : Nations-Unies

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