Cultiver l’indépendance des femmes au Ghana et en Eswatini

Ce texte fait partie du cahier spécial Coopération internationale

« Enseignez-lui à pêcher et il n’aura plus jamais faim » : ce dicton pourrait bien être la devise de deux projets de coopération internationale, l’un développé par SOCODEVI et l’autre financé par Carrefour international. Les deux organismes offrent une réponse à la question suivante : « Comment aider des femmes au Ghana et en Eswatini à lutter contre la précarité alimentaire et les violences genrées ? » La réponse : en les aidant à développer leurs compétences.

« Notre but, ce n’est pas d’arriver avec nos bottes de colons », confirme Nicolas Demers-Labrousse, directeur de pays pour SOCODEVI, en direct de son bureau de la région d’Ashanti, au Ghana. Depuis deux ans, lui et ses collègues travaillent à tisser des liens avec 150 communautés locales au coeur de cette région productrice de cacao — le pays est le second cultivateur de cacao au monde. « On souhaite plutôt aider les locaux à développer de nouvelles sources de revenus, pour renforcer la sécurité alimentaire. »

Malgré une forte hausse de la valeur de la graine chocolatée sur les marchés mondiaux, « il n’y a pas beaucoup de cet argent qui se retrouve dans les poches des agriculteurs, notamment celles des femmes et des jeunes », constate le directeur. Couplées à une inflation galopante, ces conditions mènent plusieurs agriculteurs à se tourner vers des activités illicites pour subvenir à leurs besoins de base en dehors des périodes de récolte. C’est ainsi que des mines illégales se sont multipliées dans la région, menaçant à la fois la santé et la vie des travailleurs ainsi que la riche forêt tropicale.

Coopérer pour mieux manger

Selon Nicolas Demers-Labrousse, une piste de solution pour freiner cette tendance se trouve dans le modèle coopératif. « Nous sommes allés à la rencontre des communautés, avons discuté avec des gens variés et partout on nous parlait des “village savings and loans associations” », constate le directeur. Ces associations à petite échelle permettent à un groupe de personnes d’épargner leur argent et, en le collectivisant, d’offrir des prêts à des projets locaux. Ce modèle, qui rappelle les débuts des caisses Desjardins chez nous, est populaire dans les pays d’Afrique de l’Ouest, notamment. « Ça change des vies ! En mettant de l’argent ensemble, la communauté peut acheter des grains pour les planter au bon moment, du fertilisant pour optimiser les récoltes, des équipements pour labourer la terre. »

Lors de ces rencontres, les communautés ont aussi exposé à Nicolas Demers-Labrousse leurs idées pour lutter contre la précarité alimentaire. « On nous a parlé de culture de manioc, qui est à la base du fufu, un mets populaire ici. D’autres parlaient de boulangerie, de culture du maïs, de tomates », liste-t-il. Certaines propositions sortaient parfois de l’ordinaire : à Krachikrom, une femme a eu l’idée d’élever des escargots, une source de protéine recherchée. Dans tous les cas, le directeur accompagne les communautés dans la mise sur pied de leur entreprise, depuis l’analyse de marché jusqu’au marketing et à la tenue de livres. Une enveloppe de 10 millions de dollars sur cinq ans permet à SOCODEVI de financer l’achat des premiers équipements — comme des cages, pour que les escargots vivent confortablement sans pouvoir s’échapper.

« Nous utilisons les ressources en place pour favoriser le leadership des communautés et des individus », résume Nicolas Demers-Labrousse. Particulièrement celui des femmes, que le directeur souhaite voir prendre la tête des entreprises ainsi créées. « On veut inspirer une nouvelle génération. Et ça marche : les femmes prennent déjà plus souvent la parole, elles développent leurs compétences pour donner leur opinion. »

Cultiver la résilience

Plus au sud du continent, en Eswatini, c’est aussi l’avenir des femmes qui intéresse Carrefour international, où une bourse a été octroyée par l’organisme à un projet intitulé, dans la langue locale, « Upscaling Adult Woman and Female Youth Farmer’s Agri-business Development Skill » et porté par la Women Farming Foundation (WFF). Dans ce pays, où près de 60 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, « les femmes sont particulièrement marginalisées dans les sphères économiques et sociales », relève Emma Sandona, agente du projet au Canada. Celles-ci sont aussi responsables de 70 % de l’activité agricole du pays.

C’est pourquoi l’initiative du WFF, qui a pendant deux ans offert des formations en gestion d’entreprise agricole et en adaptation des cultures aux changements climatiques et qui visait à sensibiliser les participantes aux violences sexistes, a retenu l’attention du Carrefour international. Chaque année, ce dernier finance deux projets en Afrique via le fonds Karen Takacs, du nom de l’ancienne directrice générale de l’organisme et leader canadienne de la coopération internationale.

Grâce à ces dix mille dollars, WFF a touché 30 femmes, dont plusieurs étaient encore des adolescentes. « On a aussi atteint indirectement presque 150 femmes et 65 hommes », se réjouit l’agente de projet. Ces derniers ont été mis en contact avec un organisme partenaire, Kwakha Indvodza, qui offre du mentorat sur la masculinité positive pour transformer les relations genrées.

Tous ces efforts ont eu un effet mesurable : les participantes ont, grâce aux compétences ainsi acquises, pu augmenter leurs revenus de 12 %, dépassant l’objectif que l’organisme s’était donné. « En devenant meilleures pour cultiver des produits commercialisables, elles ont aussi amélioré leurs possibilités d’approvisionnement des marchés locaux, note Emma Sandona. Le projet a de plus permis de faire tomber certaines barrières entre les genres. Les agricultrices étaient plus confiantes et se sentaient plus à l’aise d’exprimer leur opinion. »

Pour Carrefour International, les initiatives d’autonomisation de ce type sont la voie pour aider les populations plus marginalisées sans heurter les sensibilités culturelles. « La collaboration avec des organismes locaux est cruciale, conclut l’agente de projet. On les soutient s’ils ont des besoins, mais ce sont eux qui décident. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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