Dans la région de l’extrême-nord du Cameroun, à Mokolo, les humanitaires déplorent une baisse des aides dans la lutte contre la faim et attendent beaucoup du sommet mondial qui s’ouvre à Paris.
Publié
Mis à jour
Temps de lecture : 5min
En 2025, des enfants meurent encore de faim. Et alors que les États-Unis annoncent depuis plusieurs semaines la baisse de leurs principaux financements humanitaires, s’ouvre jeudi 27 mars et pour deux jours un sommet international à Paris pour lutter contre la faim dans le monde, « Nutrition For growth ». Tous les quatre ans, des chefs d’État et des bailleurs internationaux s’y engagent à réunir un maximum d’argent.
Ce sommet pourrait aider à financer les opérations des humanitaires dans ce village du nord du Cameroun, dans la région du Sahel. Ici, à Mokolo, la situation est de pire en pire. Une vingtaine de bébés aux visages émaciés, aux bras et aux jambes épais comme des brindilles, y sont hospitalisés.
Julienne, 5 mois, a les côtes saillantes et le regard éteint, elle est nourrie par une sonde. « Il y a quelques jours, j’étais très inquiète, raconte sa mère, ça va un peu mieux. » Les soignants confirment, mais restent vigilants. « Aujourd’hui, on est à trois kilos, c’est trop faible. Si elle n’était pas venue à temps, l’enfant serait décédé. » Dans cette région, des bébés meurent encore de faim. « En 2024, 2 500 enfants sont décédés, juste dans la région. Malheureusement, c’est énorme », se désole le Dr Fatime Aldjoune Adji, représentante du ministère de la Santé.
Une situation due à la grande pauvreté des habitants de cette zone désertique, mais également aux inondations, qui ont détruit l’an dernier encore de nombreuses récoltes, tout comme des troupeaux d’éléphants. Il y a aussi de l’insécurité, dans cette zone frontalière du Nigéria où sévit le groupe terroriste Boko Haram. « Il y a des attaques dans les villages par les groupes non-étatiques qui veulent s’en prendre à la population et souvent tuent la population. Du coup, tout un village se retrouve en train de se déplacer vers un village voisin », explique Fatime Aldjoune Adji.
Dans cette région où 50 000 enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition, de nombreuses ONG opèrent : la Croix-Rouge, Alima, Action contre la faim ou encore l’Unicef, l’agence des Nations Unies pour l’enfance. Ces humanitaires mènent dans les hôpitaux et dans les villages des opérations de prévention, de dépistage et de traitement de la malnutrition.
Aissatou Mairika, responsable de la nutrition à l’hôpital de Mokolo, distribue aux mères des bébés les plus atteints des sachets contenant une pâte marron. « C’est un aliment thérapeutique. L’enfant doit manger deux sachets par jour, un sachet le matin, un sachet le soir. »
Élisabeth, elle, va beaucoup mieux. Arrivée à l’âge de 3 mois à l’hôpital, elle pesait moins d’un kilo et demi, raconte Véronique, sa mère. « Quand je suis venue, elle ne faisait qu’un kilo et 390 grammes. Elle ne pleurait pas. Elle était pâle. Moi, je pensais qu’elle devait mourir. C’est grâce à l’hôpital que je vois ma fille normale. Elle fait tout maintenant. Elle se sent à l’aise et elle rampe. C’est ça que je veux, qu’elle grandisse normalement. »
Une vie normale pour les enfants, à condition que les aides internationales continuent d’arriver. Le Cameroun espère donc beaucoup du sommet qui s’ouvre à Paris pour réunir des fonds nécessaires à la lutte contre la faim, alors que les aides internationales sont déjà en baisse, se désole le Dr Fatime Aldjoune Adji, du ministère de la Santé. « Cela fait six ans que je suis ici et cela fait six ans qu’il y a des réductions progressives des financements. Plus de 12 000 enfants ne seront pas pris en charge cette année. Un enfant, c’est un enfant, et en prioriser certains, c’est difficile. »
À Mokolo, tout le monde a les yeux rivés sur ce que vont annoncer à Paris les États-Unis de Donald Trump, qui réduisent chaque jour davantage leur aide aux pays en développement. Le Dr Aimé Namululi est en charge de la nutrition pour l’Unicef dans cette région du Cameroun.
« C’est inquiétant parce que c’est un bailleur stratégique qui a toujours été aux côtés de l’Unicef. »
Aimé Namululi, en charge de la nutrition pour l’Unicefà franceinfo
« Dans le cas de la nutrition, on fait des évaluations pour regarder ce qu’on avait comme financement, avec quel impact ça va laisser s’il y en a moins et surtout s’il y en a moins, qu’est-ce qui va nous arriver ? Afin d’aider à ce qu’on puisse offrir à la maman et à son enfant tout ce dont ils ont besoin pour un développement harmonieux. »
Le dernier sommet international Nutrition For Growth, il y a quatre ans, avait totalisé 27 milliards de dollars de promesses de dons pour lutter contre la faim dans le monde, dont 11 milliards rien que pour les États-Unis, qui étaient alors le plus gros pays contributeur.
Crédit: Lien source