Les insurgés du nord du Mali vont-ils reformer leur alliance ? Selon une information révélée par le journaliste Wassim Nasr sur la chaîne France 24 lundi 3 mars, les rebelles indépendantistes à majorité touareg, unis au sein du Front de libération de l’Azawad (FLA), ont entamé des négociations en ce sens avec les djihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaida). « Chaque camp est prêt à faire des concessions. Nous voulons vraiment nous réconcilier et aller plus loin ensemble », explique un cadre du FLA joint par Le Monde Afrique.
Si aucun accord n’a encore été formellement signé, indépendantistes et islamistes armés, qui s’étaient unis pour chasser l’armée malienne du nord du pays en 2012 avant que les seconds évincent les premiers, auraient trouvé un compromis. Le FLA accepterait de se conformer aux prescriptions religieuses du GSIM, en instaurant la charia – la loi islamique – dans le nord du Mali, mais par l’entremise de cadis (juges religieux) indépendants de l’organisation djihadiste et sans renoncer à son projet d’indépendance de l’Azawad. Le GSIM du Malien Iyad Ag Ghali, lui, serait « prêt à se dissocier d’Al-Qaida, ce qui a toujours été la condition principale à notre alliance », poursuit le même cadre.
Le chemin vers la concrétisation de cette union pourrait toutefois être encore long. Plusieurs sources au sein du FLA soulignent que les deux parties doivent encore s’accorder sur un mécanisme conjoint d’administration du nord du Mali, si elles venaient à l’emporter sur l’armée malienne. Epaulée par les mercenaires russes de Wagner, cette dernière a commencé à reprendre pied dans le septentrion malien, après l’opération de reconquête lancée en août 2023. Kidal, le fief rebelle, a ainsi été repris par l’armée en novembre 2023.
Dans ces négociations, les rebelles du FLA veulent éviter une nouvelle trahison. Après avoir évincé les soldats maliens du nord du pays et conquis la zone en s’alliant aux indépendantistes, les islamistes armés avaient fini par mener la chasse à leurs alliés. Depuis, la porosité entre les mouvements a perduré, mais Iyad Ag Ghali, figure de la rébellion indépendantiste des années 1990 avant de rejoindre la bannière du djihad, continue de susciter la méfiance d’une frange du FLA.
Inspiré par les djihadistes syriens
Mais « Iyad est en train de changer. La politique du GSIM n’est plus la même depuis quelques mois. On observe une forme de déradicalisation de l’intérieur, avec un agenda certes toujours islamiste, mais réformiste et non révolutionnaire. Un palier a été franchi. le GSIM pense à l’après-guerre », relate une source occidentale au fait des négociations.
Iyad Ag Ghali, selon plusieurs sources proches des groupes armés au Sahel, serait notamment inspiré par la trajectoire d’Ahmed Al-Charaa, alias Abou Mohammed Al-Joulani, dont l’offensive a fait chuter en Syrie le régime de Bachar Al-Assad en décembre 2024. Le fondateur en 2012 du Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaida, a officiellement rompu avec le djihadisme pour former une coalition toujours islamiste mais moins rigoriste : Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), qui dirige aujourd’hui la Syrie, sans réprobation internationale.
Un signe que Iyad Ag Ghali semble aujourd’hui poursuivre la même ambition au Sahel : dans un communiqué publié le 17 février, le GSIM s’est contenté de fustiger l’« indifférence » de la communauté internationale vis-à-vis des « massacres et des crimes » commis par l’armée et Wagner, tout en appelant « les hommes politiques, militants des droits de l’homme, journalistes et personnes de conscience à s’élever contre l’injustice ».
Le FLA cherche lui aussi un rapprochement avec le GSIM. Dans un communiqué publié le 30 novembre 2024 pour annoncer la création de leur coalition, les rebelles s’étaient implicitement adressés aux combattants d’Iyad Ag Ghali en appelant « tous les fils de l’Azawad ayant d’autres idéologies à s’ouvrir à l’union ». Depuis l’été 2023, les deux groupes ont déjà coordonné leurs actions contre l’armée malienne et les paramilitaires de Wagner. Mais les pactes de non-agression et les soutiens apportés lors de certains combats n’avaient jusqu’ici pas débouché sur une alliance plus large.
Une question de survie
Pour le FLA, le rapprochement avec le GSIM est devenu une question de survie. En dépit des pertes infligées à l’armée malienne et aux mercenaires russes lors de la bataille de Tin Zaouatine en juillet 2024 – 47 soldats et 84 paramilitaires avaient été tués, selon les rebelles –, les insurgés n’ont pas réussi à reprendre les positions reconquises par la junte dans le nord du pays. Depuis l’été 2023, leurs sollicitations auprès des chancelleries occidentales en vue d’obtenir un soutien financier et opérationnel plus conséquent contre les putschistes maliens et leur allié russe ont peu porté.
Newsletter
« Le Monde Afrique »
Chaque samedi, retrouvez une semaine d’actualité et de débats, par la rédaction du « Monde Afrique »
S’inscrire
La formation à l’usage de drones armés, dispensée par le renseignement militaire ukrainien début 2024, a été ponctuelle et sans suite. Une reprise de cet appui apparaît de plus en plus hypothétique depuis que le président américain, Donald Trump, a décidé, le 3 mars, de geler l’aide militaire à Kiev, en parallèle de son alignement croissant avec Moscou.
Crédit: Lien source