Juché sur une estrade en bois, encadré par une poignée d’hommes armés en uniforme, le général Justin Gaceri, du groupe rebelle congolais M23, s’adresse aux quelques habitants de la ville de Kirumba, où il vient de prendre pied, ce dimanche 30 juin. Dans cette cité de 120 000 habitants située sur le territoire de Lubero, dans la province du Nord-Kivu (dans l’est de la RD-Congo), il leur annonce « qu’il va à Butembo et Beni, puis à Kinshasa (capitale de la RDC) ». Et d’ajouter à l’adresse de ceux venus l’écouter et l’applaudir, « nous allons vous libérer (…) Allez dire à la population de Butembo que nous sommes en route ». Deux jours plus tôt, le M23 s’est emparé de Kanyabayonga, dans le même territoire, après plusieurs semaines de combats contre l’armée congolaise et ses supplétifs miliciens. La prise de cette ville de 60 000 habitants lui a ouvert le Lubero.
Une offensive sur trois axes
S’il est difficile, à ce stade, de savoir jusqu’où la percée du M23 va le conduire, il est clair, en revanche, que le groupe a décidé d’étendre sa mainmise dans le Nord-Kivu. Au début du mois de janvier, de son fief de Bunagana (à la frontière avec l’Ouganda), le M23 a d’abord relancé son offensive en direction de Goma jusqu’aux abords de Sake, à une trentaine de kilomètres de la capitale régionale. Parallèlement à ce premier mouvement, il a aussi attaqué dans le Masisi, enlevant aux mains des forces gouvernementales une demi-dizaine de chefs-lieux au mois de mars. Et depuis la fin mai, le voici donc en opération dans le Lubero, en direction de la ville de Butembo. Une triple manœuvre à laquelle il faut aussi ajouter ses vues sur la province du Sud-Kivu et sa capitale, Bukavu, alors que la force onusienne y a fermé sa dernière base mardi 25 juin.
Une coalition politico-militaire
Ce mouvement général n’est pas sans rappeler celui de la fin des années 1990, qui avait vu la coalition de groupes armés conduite par le Rwanda marcher effectivement jusqu’à Kinshasa pour y mettre au pouvoir Laurent-Désiré Kabila et renverser le maréchal Mobutu. Presque trente ans après, le M23 s’est associé à d’autres groupes congolais pour créer une nouvelle coalition politico-militaire, l’Alliance fleuve Congo, dirigée par Corneille Nangaa, l’ancien président de la Commission électorale. Et dans laquelle on trouve aussi des proches de Joseph Kabila, fils et successeur de Laurent-Désiré Kabila, à la tête de la RDC jusqu’en 2020.
L’armée congolaise, appuyée par des milices d’autodéfense et par une force régionale d’Afrique australe (dont des Sud-Africains), tient toujours le verrou de Sake, sur la route de Goma. Mais sa récente défaite à Kanyabayonga est des plus inquiétantes pour Kinshasa, d’autant qu’elle s’expliquerait par des défections dans ses rangs au profit de l’Alliance fleuve Congo.
À l’occasion de son discours célébrant le 64e anniversaire de l’indépendance de la RDC, samedi 29 juin, le président Félix Tshisekedi a assuré les Congolais de sa « détermination inébranlable à défendre l’ensemble de notre territoire », en évoquant l’avancée du M23. Et d’affirmer : «Nos vaillants soldats sont en première ligne et, ensemble, nous triompherons de cette agression injustifiée. Des instructions claires et fermes ont été données pour la sauvegarde de l’intégrité territoriale de notre pays. »
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