Le pays, frappé par des bandes criminelles responsables de meurtres et violences, subit un regain de violence depuis février, les gangs contrôlant désormais 85% de Port-au-Prince.
Publié
Temps de lecture : 3min
/2025/04/07/000-39c83t2-67f393767f893237583074.jpg)
Le Festival international de jazz de Port-au-Prince (PaPJazz) a offert, le temps d’un week-end, un répit à une centaine d’amateurs de musique, en plein cœur de la violence des gangs qui secoue Haïti. En raison de l’insécurité chronique dans la capitale, l’édition 2022 avait été reportée et celle de 2023 avait été délocalisée au Cap-Haïtien (Nord). En 2024, le festival était revenu à Port-au-Prince, bien que réduit de huit à quatre jours, se déroulant dans un quartier résidentiel sécurisé, sur l’esplanade boisée de l’hôtel Karibe, qui abrite des bureaux des Nations unies. L’édition de cette année, la 18e, a été encore plus restreinte, ne durant que deux jours, à l’hôtel Karibe et au restaurant Quartier Latin.
Le samedi, jazz, rara – la musique du carnaval haïtien –, rap et slam ont fusionné pour offrir une soirée vibrante, portée par des artistes locaux. Les organisateurs, cette fois, n’ont pas pu inviter d’artistes étrangers, le principal aéroport étant fermé depuis novembre en raison de la violence des gangs. « Les amours. Balles perdues », intitulé d’un des spectacles, mélangeait slam, jazz et rap, abordant des thèmes de deuil, de sang et de violence, interprété entre autres par le comédien et slameur Eliezer Guérismé et le musicien Joël Widmaier.
Eliezer Guérismé, ceint d’une couronne d’épines en fil barbelé, explique à l’AFP : « C’est précisément cela, la force de l’art: dépasser les frontières, même les plus redoutables. » Il souligne également : « Il y avait sans doute, ce soir, des gens qui ont franchi des barricades simplement pour venir écouter de la poésie, de la musique – en plein temps de guerre. » Il poursuit : « Nous habitons une ville assiégée, où la parole est devenue un acte de résistance. »
Le pays, en proie depuis longtemps aux bandes criminelles accusées de meurtres, viols, pillages et enlèvements, dans un contexte d’instabilité politique, fait face à un regain de violence depuis mi-février. Les gangs, qui contrôlent environ 85 % de Port-au-Prince selon l’ONU, ont intensifié les attaques dans plusieurs quartiers jusque-là échappant à leur emprise, semant la terreur parmi la population. La centaine de spectateurs présents a apprécié cette trêve artistique dans un quotidien angoissant.
Arnoux Descardes, l’un d’eux, confie : « C’est une bouffée d’air que nous vivons en ce week-end. » Charles Tardieu ajoute : « C’est important pour les Haïtiens de se retrouver, pour célébrer la musique, et la culture qui nous unissent et nous définissent. » Milena Sandler, directrice de la Fondation Haïti Jazz, organisatrice du festival, déclare : « Tous les Haïtiens éprouvent ce besoin. On ne peut pas simplement subir ce qui nous arrive. Il faut aussi qu’on ait des moments de convivialité comme celui-là, des moments de création, des moments de résistance. »
Pour un autre spectateur, « trouver des amis dans ces festivités, c’est une nouvelle façon d’habiter Port-au-Prince. C’est aussi une façon de nous mettre ensemble pour dire que le pays nous appartient, que nous n’en avons pas d’autre. »
Crédit: Lien source