Trois journalistes, tunisienne, algérien et marocain, livrent leur vision sur cet entre-deux-tours inédit en France.
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Quel regard portent les pays du Mahgreb sur la situation politique française ? De l’autre côté de la Méditerranée, les liens sont forts avec le Maroc, l’Algérie et la Tunisie et ces pays s’inquiètent de la possible arrivée au pouvoir du RN en France. Le parti envisage de réduire l’immigration, de limiter l’accès à certains secteurs pour les binationaux et de revenir sur certains accords migratoires. Les pays du Maghreb se sentent particulièrement visés et redoutent la montée du parti d’extrême droite.
En Tunisie, « on va plonger dans l’inconnu »
Journaliste à Tunis pour le média indépendant Inkyfada, Zeïneb Ben Ismaïl suit avec attention l’actualité française : « C’est un peu la douche froide. C’est une tendance qui est en train de rattraper même notre voisin direct, un des plus gros partenaires de la Tunisie, où on se dit ‘ah oui, en fait, c’est réellement ce qui est en train de se passer’. » Zeïneb est franco-tunisienne et en tant que binationale, même sur l’autre rive de la Méditerranée, la montée du RN l’inquiète. « On va plonger dans l’inconnu. Mais on sait aussi que, malgré les prises de position du parti ou en tout cas leurs idéaux, dans les faits, ce n’est pas très réaliste de se dire que les relations seront peut-être sciées du jour au lendemain », se rassure la journaliste de 29 ans.
En Algérie, « on n’attend plus grand-chose »
Avec le voisin algérien, les relations sont déjà un peu distendues, souligne Lounes Guemache, le directeur du quotidien électronique Tout sur l’Algérie qui a titré un de ces articles, « Le RN aux portes du pouvoir » au lendemain du premier tour en France. « On a l’impression, vu d’Algérie, que la France n’est plus un partenaire fiable, assure le journaliste. On a vu quand même des discours de Madame Le Pen de Monsieur Bardella sur l’Algérie à la limite du manque de respect. Ils annoncent qu’ils vont mettre fin à l’accord de 1968 [un régime spécial pour les titres de séjour accordés aux ressortissants algériens], qu’ils vont arrêter les visas, ça va impacter une partie de la population. »
Et Lounes Guemache rappelle que « l’histoire de ce parti est très particulière, son fondateur [Jean-Marie Le Pen] a été accusé de torture en Algérie pendant la guerre. On sait que ça va être compliqué, ajoute-t-il. Mais le problème, c’est que ce n’est pas uniquement avec le RN, cette montée de l’extrême droite en France et en Europe, c’est même une tendance qui est appelée à durer aujourd’hui. Donc les gens disent ‘on n’attend plus grand-chose' ».
Au Maroc, deux visions se disputent
Étonnamment, certains Marocains attendent, eux, quelque chose du RN. Plusieurs membres du parti se sont prononcés en faveur de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, un territoire contesté réclamé par le royaume. Pour Abdellah Tourabi, journaliste politique et chroniqueur marocain, cela explique les deux points de vue qui se disputent dans son pays : « La question numéro un pour les Marocains, c’est la question du Sahara. Donc pour une partie des Marocains, on considère que la montée de l’extrême droite serait favorable à la position marocaine, décrypte-t-il. De l’autre côté, le RN est xénophobe, islamophobe et hostile aux étrangers. Il va prendre des mesures qui vont pourrir la vie à des milliers de Marocains qui vivent en France. » Si le RN arrivait au pouvoir, tous les trois s’inquiètent du sort réservé aux Maghrébins vivant en France et de la possibilité, pour eux, de se rendre sur la rive opposée de la Méditerranée.
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