DECRYPTAGE. Affaire Jubillar : données Google, téléphones, bornage, GPS… pourquoi la technologie sera au cœur du procès
Accusé d’avoir tué son épouse, Cédric Jubillar sera jugé par la cour d’assises du Tarn à Albi à partir du 22 septembre. Le corps de Delphine Jubillar n’a jamais été retrouvé. Dans cette affaire, où le suspect nie tout en bloc, les enquêteurs ont exploité les nouvelles technologies pour tenter de faire la lumière sur cette disparition.
Dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, Delphine Jubillar s’évapore sans laisser de traces. Dès les premières heures, les gendarmes se plongent dans l’analyse des téléphones portables et de l’activité numérique des protagonistes, révélant des incohérences troublantes dans les déclarations du mari de la victime.
Entrave à l’enquête et activité numérique incohérente
Cédric Jubillar va d’abord fournir un faux mot de passe et une mauvaise réponse à la fameuse question de sécurité, pour empêcher l’accès à son compte Google. Une tentative manifeste d’entrave, selon les enquêteurs.
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Ensuite, les données extraites de son smartphone Doogee S55 contredisent sa version. Cédric affirme en effet que son téléphone s’est éteint à 22 heures, le 15 décembre, par manque de batterie. Les experts démentent, l’appareil ne serait jamais tombé « en rade ».
L’activité numérique du plaquiste interroge aussi, au matin de la disparition. Elle reprend par une connexion sur le site de rencontres Badoo à 3h53, heure à laquelle il affirme que les pleurs de sa fille l’ont réveillé. Dès 3h59 il écrit déjà à son épouse : « je te promets je vais appeler les flics. » Cédric Jubillar va aussi consulter Leboncoin à 4h43, et rechercher un plombier à 6h04, jouer à Game Of Thrones à 7h12… Un comportement difficilement compatible avec celui d’un mari inquiet, renforcé par les données de son podomètre indiquant un trop faible nombre de pas. Les expertises vont également révéler qu’après avoir constaté la disparition, le Tarnais contacte deux amies de Delphine. Lorsque la seconde lui répond, il n’essaie pas d’en joindre d’autres et appelle directement la gendarmerie à 4h09. 16 minutes après s’être réveillé.
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Les enquêteurs pointent enfin un changement d’attitude après 7h50 (déconnexion définitive du téléphone de sa compagne) : jusque-là, Cédric Jubillar compose près de 180 fois le numéro de Delphine. Mais dès qu’il constate que les appels sont redirigés vers la messagerie, il cesse progressivement de la joindre.
Données Google et effacements suspects
Côté géolocalisation, une première entraide judiciaire avec Google permettra de retracer l’itinéraire de Cédric Jubillar le 15 décembre, entre Cagnac-les-Mines et Albi. Si la plupart des points GPS concordent avec les lieux fréquentés par Cédric, certains déplacements demeurent inexpliqués.
L’analyse des scellés numériques (téléphones, carte SIM) montre également que certains fichiers ont été supprimés du téléphone du mari. Des applications présentaient des anomalies d’horodatage et des fichiers inaccessibles. Face à ces incertitudes, les enquêteurs vont encore se tourner vers Google via le département américain de la Justice. Fin 2021, puis début 2022, des packs de données ont été transmis, mais selon une source proche du dossier, ces éléments s’avéraient « très incomplets ». Impossible de déterminer si ces données ont été perdues ou volontairement effacées…
Le téléphone de Delphine n’a pas bougé du domicile
Le téléphone de Delphine Jubillar n’a, lui, jamais été retrouvé. Les gendarmes vont accéder au compte Google de Delphine et cloner sa carte SIM. Ils découvrent qu’elle a désactivé la géolocalisation, son mari ayant déjà tenté de la pister.
Reste le bornage de son appareil qui n’a montré aucun déplacement lors de la funeste nuit. Son dernier message a été envoyé à 22h58 à son amant. Entre 21 heures et 7h48, l’appareil est resté quasi immobile à Cagnac-les-Mines au niveau du domicile du couple. Le téléphone de Delphine Jubillar « n’a jamais été hors couverture réseau, éteint ou mis en mode avion jusqu’à sa déconnexion définitive à 7h48 » affirment les experts.
Une série de manipulations sur son appareil Huawei est détectée jusqu’à 6h52 : notamment à 00h09 (Whatsapp messenger), 1h33 (activation de la caméra) sans que l’on sache qui en est à l’origine. Huawei confirme qu’il faut une action humaine, Whatsapp ne fournit aucune explication.
Pour mieux comprendre la frise du temps, les magistrats ont croisé les expertises des téléphones. Au matin de la disparition, Cédric Jubillar pianote sans cesse sur son appareil, mais son téléphone est resté inactif entre 6h51 et 6h54, tandis que l’appareil de son épouse est déverrouillé par une action humaine à 6h52. Lors du procès, l’accusation va vouloir démontrer que c’est Cédric Jubillar qui manipulait l’appareil. Cet élément pourrait peser lourd.
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Mais si les nouvelles technologies ont révélé des contradictions dans le récit de l’accusé, elles n’ont pas permis de connaître le déroulement exact de la nuit du drame.
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