Décryptage de la Charte de la transition et de son application : le regard des Gabonais | Gabonreview.com

 

La transition gabonaise patine-t-elle et s’embourbe-t-elle déjà dans les dérives de l’ancien régime ? Alors que le Comité de transition restaure l’espoir, ses premiers pas trébuchants sèment le doute. Entre promesses d’ouverture et tentations absolutistes, le pays retient son souffle, guettant le moindre faux pas avec une vigilance de Sioux. Entre réminiscences de l’ancien régime et questionnements sur la règle de droit, la plongée des Gabonais au sein d’un document clé qui se doit d’être l’aiguillon d’une période charnière pour le pays.

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Les Gabonais ont suivi hier sur les antennes de Gabon Première, le débat relatif à la charte de la Transition dont le contenu est de plus en plus controversé. Mais beaucoup plus que son contenu, c’est davantage le décalage qui existe entre les dispositions qu’elle contient et les décisions qui sont prises par le CTRI qui fait débat. Cette charte qui compte 62 articles structurés autour de 4 titres et de 10 chapitres, en dépit de quelques coquilles et manquements, est pourtant assez exhaustive pour servir d’aiguillon pendant une période de transition.

Du caractère non exhaustif comblé par la constitution du 26 mars 1991

Là où elle peut s’avérer insuffisante ou inexplicite, elle se réfère aux dispositions de la constitution du 26 mars 1991. Cette dernière étant référencée dans 6 articles au moins sur les 62. C’est dire combien ce texte est susceptible de venir en appoint à la charte dont les rédacteurs reconnaissent implicitement, par sa convocation, le caractère non exhaustif. Mais que retiennent à ce stade les Gabonais de cette charte et de son application ? Force est de reconnaître que les décisions prises ces derniers jours par le CTRI semblent avoir fait quelques infidélités à la charte.

Des infidélités faites à la charte

En effet, les Gabonais estiment que beaucoup trop de décisions sont prises en contradiction ou en violation des dispositions pourtant claires de cette charte. Sans parler de celles qui sont prises sans qu’elles soient clairement prévues et encadrées par ladite charte. Et fatalement, des doutes légitimes apparaissent dans l’opinion qui commence à émettre des critiques pertinentes pouvant gêner aux entournures. Parmi les critiques les plus entendues, il y a celles qui relèvent (1) de la volonté de maintenir coûte que coûte des équilibres anciens, et celles qui relèvent (2) du simple mépris de la règle de droit.

De la volonté de maintenir des équilibres anciens

Ces critiques émises par les Gabonais de toutes conditions et tous horizons sont celles qui dérangent le plus et jettent un coup de froid sur l’euphorie populaire des premiers jours. Certains vont jusqu’à estimer que malgré la fin du régime ancien, le logiciel Bongo-PDG semble demeurer la boussole du CTRI. Pour cause, i) les mêmes figures décriées ont été portées aux responsabilités en dépit de la désapprobation du peuple ; ii) les mêmes institutions décriées ont été reconduites dans les mêmes formes ; iii) de nombreuses fonctions dont le rôle paraît accessoire en période de transition, ont été maintenues ; iv) les pouvoirs semblent concentrés aux mains du seul président.

Du mépris de la règle de droit

En plus de donner l’impression, ces derniers jours, de ne plus être attentif aux desideratas du peuple, il est reproché au CTRI de ne pas respecter les règles qu’il s’est lui-même imposées à travers la charte de la transition. Par exemple, v) cette charte n’a pas été validée par les forces vives de la nation et s’applique en violation de l’article 60 ; vi) par conséquent, le Président de la transition aurait prêté serment sur une charte non légitimée par le peuple ; vii) celà est peut-être la cause du choix de ces personnalités, décriées, présentes dans les organes de la transition et ne respectant pas les critères édictés par la charte; ix) enfin, l’approche genre semble avoir perdu de son caractère équitable au regard du nombre réduit des femmes dans les différents organes de la transition.

De l’absence de référence à la durée de la transition

Au-delà des griefs ci-dessus faits par les Gabonais, ils estiment par ailleurs que la charte fait sournoisement l’impasse sur la nécessaire durée de la transition qui fixe le retour à l’ordre constitutionnel. L’opinion soupçonne, dans cet oubli volontaire, une envie non assumée de prolonger indéfiniment la transition, même si le Président de la Transition a clairement indiqué que cette durée serait proposée et fixée par les forces vives de la nation. Si on peut lui accorder le bénéfice du doute sur cette question, l’analyse de certains aspects non écrits de cette charte soulève d’autres interrogations dont : a) le pouvoir du Premier ministre et b) le sort du Président de la transition.

Du pouvoir du Premier ministre

En parcourant la charte de la Transition dans son Titre II, chapitre 3, on se demande à quoi sert Raymond Ndong Sima, au regard de ce que ses ministres sont nommés par le Président de la transition, sous l’autorité duquel ils sont placés et à qui ils rendent directement compte. J’avais déjà écrit sur une autre tribune que le succès du Premier ministre sera fonction de deux paramètres essentiels : 1) son pouvoir d’agir et 2) son autorité sur ses ministres. Visiblement, la charte ne l’a doté d’aucun de ses deux leviers pour espérer donner un cap et s’y tenir. C’est d’autant plus ennuyeux pour lui qu’il ne pourra pas se porter candidat à la prochaine élection présidentielle.

Du sort du Président de la transition

En effet, la charte dispose explicitement que le 1) Vice-Président, 2) le Secrétaire Général de la Présidence, 3) les membres du gouvernement, 4) le Président de l’Assemblée Nationale, 5) le Président du Sénat, 6) le Président de la Cour Constitutionnelle, ne peuvent être candidats à la prochaine élection présidentielle. La même charte a pris soin de ne pas traiter clairement du sort réservé au Président de la transition. Sa mutité sur cette question importante laisse prospérer un soupçon de candidature du Président de la transition. Si tel devait être le cas, les Gabonais estiment qu’il ne fait pas beau jeu d’éliminer de probables concurrents en recourant à un moyen certes légal, mais malicieux. Une nécessaire clarification sur ce dernier point serait bien accueillie.

De la bonne intention à la mauvaise foi

On ne le dira jamais assez, le CTRI a été majoritairement accueilli par les Gabonais comme une œuvre de salubrité publique. Il est venu restaurer notre liberté, notre fierté et notre dignité bafouées par un pouvoir à bout de souffle et décadent en tous points de vue. Du nord au sud et de l’est à l’ouest de notre pays, il ne se trouve personne pour condamner ce renversement de régime qui relève désormais d’un passé douloureux pour lequel il ne subsiste plus aucun nostalgique. Globalement, les mesures prises par le CTRI depuis son avènement sont porteuses d’espoir. Il a réussi l’exploit de réunifier le pays grâce à la nouvelle espérance qu’elle a suscitée au sein du peuple. Son intervention procède d’une bonne intention.

De la mauvaise foi à la mauvaise ambition

Cependant, tout heureux qu’on soit d’avoir été sauvés de l’enfer, nous ne sommes pour autant pas encore au paradis auquel on aspire. Et toute action qui nous rappellerait l’ordre ancien, susciterait légitimement des doutes. Et ces doutes ne seront levés que par une clarification sans équivoque du CTRI sur les aspects ci-dessus relevés. Le peuple gabonais veut croire que les manquements observés tant dans la charte et dans les décisions prises, seront vite compensés et redressés par le truchement des organes de la transition en cours de constitution. Sinon, le «coup de liberté» offert par le CTRI et perçu comme tel par les gabonais, partira très vite de la bonne intention à la mauvaise foi et de la mauvaise foi à la mauvaise ambition.

ABSLOWMENT VRAI !

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