Des détenus meurent tous les jours dans les prisons surpeuplées du Congo

« Francis ne va pas bien du tout. Il fait beaucoup de fièvre. Il se sent abandonné », explique Emmanuel Adu Cole, président de la Fondation Bill Clinton pour la Paix, une institution qui a rencontré en début de semaine l’octogénaire belge, détenu depuis plus de neuf ans dans la prison centrale de Makala, à Kinshasa.

« Il est détenu pour viol, ce qui signifie qu’il ne peut espérer aucune remise de peine ou une libération conditionnelle. Mais son état de santé se dégrade très vite, il faut qu’on puisse requalifier sa condamnation pour qu’il puisse sortir rapidement, sans quoi il va mourir derrière les barreaux », poursuit M. Cole.

Un avocat belge empêché de quitter le Congo depuis 500 jours

Les avocats de Francis D., Maître Philippe Chansay-Wilmotte, du Barreau de Bruxelles, et Maître Charlène Yangazo Dimba, du Barreau de Kinshasa, ne disent rien d’autre et insistent pour que la diplomatie belge vienne au secours de leur client. « C’est un vieux Monsieur qui nie les accusations qui pèsent contre lui mais il est isolé et ne parvient pas à se faire entendre. La diplomatie belge a l’obligation de lui venir en aide. Notre client est indigent, le versement de sa pension a été suspendu il y a bien longtemps. »

14 000 prisonniers de trop !

« Il faut le soigner rapidement. Les conditions de détention sont terribles à Makala », continue le président de la fondation Bill Clinton pour la paix (FBCP).

Dans ses rapports réguliers, l’ONG souligne la « terrible surpopulation » dans la prison centrale de Kinshasa, un bâtiment construit sous la colonisation pour accueillir au maximum 1 500 détenus. « Aujourd’hui, ils sont plus de 15 000 détenus. Je vous laisse imaginer la promiscuité. Chaque jour, il y a des morts dans cette prison. Plus de 600 détenus sont décédés l’année dernière, certains étouffés par d’autres détenus vu la surpopulation. »

Le nouveau ministre congolais de la justice, Constant Mutamba, s’est rendu ce jeudi à Makala et a promis de désengorger la prison.

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« On n’en peut plus. Il y a de plus en plus de prisonniers, explique Daniel*, détenu au pavillon 1, comme Francis D., joint ce vendredi par téléphone. « Cela fait deux ans que je suis ici, sans avoir été condamné. Sans jamais avoir de juge », explique-t-il. Un cas qui est loin d’être une exception selon la Fondation Bill Clinton pour la Paix qui, au 16 juin 2024, a recensé 15 021 détenus mais seulement 2 520 condamnés. « Le reste est composé de prévenus ou de détenus jamais jugés ou officiellement en attente de jugement. Il y a aussi plus de 500 mineurs, 18 enfants et 350 femmes dont seules 35 sont condamnées. La très grande majorité des détenus n’ont rien à faire en prison. Tous vivent dans une promiscuité qui est la meilleure alliée pour toute forme de violence, de maladie ou même d’épidémie. »

Justice impayable

La prison centrale de Makala concentre tous les excès mais les problématiques se retrouvent dans toutes les prisons du pays. Les manquements de la justice congolaise sont criants et généralisés. « Les détenus ne connaissent généralement pas leurs droits », explique Emmanuel Adu Cole. « Souvent, ils ne peuvent se payer un avocat. Dans certaines régions du pays, il n’y a d’ailleurs simplement pas d’avocat ».

Le conseiller sécurité de Tshisekedi à la prison de Makala

« Le budget alloué à la justice est encore bien trop limité, rendant l’offre de justice faible et dysfonctionnelle. Compte tenu de l’immensité du territoire, le problème de la couverture géographique se pose avec acuité. Par ailleurs, l’accès à un avocat n’est pas garanti. En l’absence d’un système d’aide légal fonctionnel et subsidié, le coût des services d’un avocat demeure largement inabordable. En outre, la plupart d’entre eux étant basés dans les grandes zones urbaines, la majorité des Congolais ne peuvent recourir à leurs services », explique l’ONG Avocats sans frontières sur la page de son rapport consacré à la RDC.

« Pour désengorger les prisons, il faut que la justice fonctionne. Le fait que nous publiions de nombreux rapports pour souligner les dysfonctionnements de notre justice et le quotidien de nos prisons démontre que le pouvoir congolais ne se soucie pas des détenus. Une fois que vous être derrière ces murs, sauf si vous avez des moyens financiers, vous devez vraiment inquiéter », conclut le patron de la Fondation Bill Clinton.

* Prénom d’emprunt.

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