Un peu plus de 4 ans après le décès de Claude Jean-Pierre dit « Klodo », le journal d’information Mediapart dévoile les conclusions des expertises médicales et met en lumière les incohérences relevées dans les déclarations des gendarmes impliqués.
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Une interpellation brutale aurait causé une tétraplégie immédiate, menant au décès de Claude Jean-Pierre. C’est en substance ce que révèlent les expertises médicales, réalisées dans le cadre de la procédure autour de ce dossier, dévoile l’enquête de Mediapart.
Le 21 novembre 2020, Claude Jean-Pierre, connu sous le nom de Klodo, 67 ans, était arrêté pour un contrôle routier, dans le bourg de Deshaies, par deux gendarmes. Ces derniers ont affirmé que le septuagénaire conduisait en état d’ivresse et qu’il aurait refusé de les suivre à la caserne.
En mai 2021, les images de vidéosurveillance dévoilées donnaient une idée plus précise des faits. On y voyait les gendarmes tenter d’extraire Claude Jean-Pierre de son véhicule, à plusieurs reprises. Lorsqu’ils y arrivent, l’homme retombe inerte sur la chaussée. Sa tête heurtant même le bitume. Il ne se relèvera jamais.
La journaliste Marion Briswalter, dans son enquête, révèle que les cinq rapports médicaux commandés dans le cadre de l’enquête judiciaire confirment un traumatisme cervical sévère. Selon les conclusions d’un neurologue, un cardiologue et un urgentiste, la luxation-fracture de la colonne vertébrale de Claude Jean-Pierre a causé une tétraplégie immédiate. C’est donc l’intervention des gendarmes qui est mise en cause.
Autre élément de l’article de Mediapart, l’attitude de l’adjudant Philippe C., présent sur les lieux. Il contacte le SDIS (Service départemental d’incendie et de secours), minimise la situation et ne signale pas d’urgence. Il souhaite avant tout que soit réalisée une prise de sang afin de confrmer l’ivresse suspectée de Claude Jean-Pierre. Pourtant, l’homme gît au sol, durant une quinzaine de minutes. Seul un chapeau posé par un gendarme et tenu par le pied l’abrite du soleil.
L’adjudant lui ironise, « il fait le mort« , « il sera chez lui dans une heure s’il ne fait pas l’andouille« , affirme-t-il.
Pourtant, il sait que le cou de l’homme âgé a heurté le montant de la portière et il a remarqué « une trace rouge sur le front ». Le maçon à la retraite, qu’il décrit comme une personne d’un « certain âge », vient même d’encaisser deux chocs supplémentaires et consécutifs. Car à peine effondré, l’adjudant lui tire sans précaution le bras, déplaçant l’axe fragile du tronc et du crâne, puis c’est au tour du gendarme mobile de le traîner sur le côté engendrant un choc de la tête contre le bitume.
Peu après, les gendarmes livrent leur version de ce contrôle. Des versions contradictoires. Dans un premier temps, ils déclarent que Klodo s’est « laissé tomber« . Des propos contredits par les images de vidéosurveillance sur lesquelles il est possible de voir que l’homme est tiré de force de son véhicule.
Selon le témoignage d’un sapeur-pompier, sur l’intervention, les gendarmes ont ensuite affirmé que la victime s’était « cognée elle-même« .
Durant l’enquête, Philippe C. se disant rompu aux « spécificités des contrôles outre-mer » affirme alors avoir « aidé à faire passer la tête » de la victime. Son collègue, lui, parle d’un « choc » et d’un « bruit« .
Dans les premiers jours après le contrôle, la famille de Claude Jean-Pierre pose des questions et met en doute la version des gendarmes. La veille du décès du septuagénaire, sa fille, Fatia Alcabélard, porte plainte. La famille réclame la tenue d’un procès et l’établissement des responsabilités des gendarmes impliqués.
Pourtant, en février 2023, le procureur de la République de Basse-Terre, Xavier Sicot, sollicite le non-lieu, estimant que les gendarmes étaient légitimes dans leurs actions.
Quelque temps avant, le rapport de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale, l’IGGN, avait conclu que « la même extraction sur un individu sain n’aurait entraîné aucune fracture ».
Une conclusion remise en question par les avocats de la famille. La juge d’instruction de Basse-Terre demande alors de nouvelles investigations s’interrogeant sur une possible faute médicale ayant entraîné la tétraplégie.
L’an dernier, deux professeurs de médecine de Strasbourg ont réfuté cette hypothèse et confirmé que l’extraction brutale du véhicule était à l’origine de la luxation-fracture de la colonne vertébrale de Claude Jean-Pierre.
Maritza Bernier, avocate de la famille, réclame aujourd’hui que les gendarmes soient à nouveau interrogés et mis en examen.
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