des membres d’un mouvement politique enlevés ; les atteintes à la liberté d’expression se multiplient

L’opposition à la junte continue d’être durement réprimée au Burkina Faso. Quatre membres du mouvement politique SENS, qui a récemment dénoncé des massacres de civils attribués à l’armée burkinabée et à ses supplétifs, ont été enlevés samedi, comme un autre militant mardi, a annoncé cette organisation dans la nuit de samedi à dimanche.

Depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré par un coup d’Etat, en septembre 2022, de nombreux cas d’enlèvements de voix considérées comme hostiles au régime militaire ont été rapportés à Ouagadougou et dans d’autres villes du pays.

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« Samedi 22 mars, quatre autres membres de la coordination nationale, dont deux mères de famille, ont été enlevés et emmenés vers une destination inconnue », a écrit le mouvement SENS (Servir et non se servir) dans un communiqué. Mardi, le journaliste Idrissa Barry, membre de la coordination nationale du mouvement SENS, a été enlevé près de Ouagadougou après que son mouvement a dénoncé des « vidéos insoutenables » de massacres de civils peuls à Solenzo (Ouest) entre le 10 et le 11 mars, attribués à l’armée burkinabée et à ses supplétifs civils sous couvert de lutte antidjihadiste.

L’ethnie peule visée

Depuis dix ans, le Burkina Faso est pris dans une spirale de violences djihadistes qui ont fait plus de 26 000 morts, civils et militaires, selon l’ONG Acled, qui recense les victimes de conflits. En parallèle, des massacres de civils attribués aux militaires et à leurs supplétifs ont plusieurs fois été dénoncés, notamment par les populations locales, des associations et l’ONG Human Rights Watch (HRW). Selon ces sources, ces tueries ciblent souvent l’ethnie peule, discriminée car accusée de fournir le gros des troupes djihadistes, ou de collaborer avec eux.

La junte nie les tueries, mais la justice burkinabée a récemment ouvert une enquête en réaction aux multiples appels sur les réseaux sociaux à « l’extermination » d’une ethnie, qu’elle n’a pas citée. L’essentiel de ces messages vise la communauté peule. Le procureur du Burkina Faso a également lancé un appel à signaler les comptes concernés et leurs auteurs.

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Les enlèvements des cinq militants de SENS « visent d’abord à briser notre détermination puis à museler notre voix et enfin à installer la peur et le renoncement dans toute la société », a affirmé le mouvement politique. Ce dernier « dénonce fermement cette nouvelle vague de répression politique et appelle le gouvernement à plutôt empêcher les tueries d’innocentes populations au lieu de s’en prendre à ceux qui les dénoncent ». Sens appelle également à « faire barrage à la dérive dictatoriale du MPSR2 », le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, organe dirigeant de la junte.

Le coordinateur national de SENS, l’avocat et figure de la société civile Guy Hervé Kam, a été victime de deux enlèvements, avant d’être inculpé et placé sous contrôle judiciaire pour « complot ».

Fermeture des médias indépendants

Jeudi, Human Rights Watch a demandé aux autorités burkinabées de libérer « immédiatement » le journaliste et militant politique Idrissa Barry. De son côté, l’Association des journalistes du Burkina Faso (AJB) a dénoncé des atteintes à la liberté d’expression et à la liberté de la presse « jamais égalées », depuis l’arrivée au pouvoir par un coup d’Etat d’une junte militaire, en septembre 2022, dans des déclarations transmises dimanche à l’AFP.

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Le président de l’AJB, Guézouma Sanogo, a dénoncé une « totale mainmise » de la junte « sur les médias publics, dont la RTB (Radio-télédiffusion du Burkina) et l’AIB (Agence d’information du Burkina) sont devenus les deux outils principaux de propagande ». En outre, « le pouvoir a expulsé tous les médias indépendants et manœuvre pour fermer les médias indépendants au plan national », a-t-il dit.

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Le pouvoir militaire a suspendu l’accès ou la diffusion de plusieurs médias, notamment étrangers, accusés de freiner ses efforts pour reconquérir le territoire face aux violences des djihadistes qui minent le pays. « Une autre caractéristique de la haine et de la diabolisation des médias se traduit par les enlèvements et les séquestrations de journalistes et chroniqueurs », a poursuivi M. Sanogo.

Plusieurs journalistes portés disparus

Selon Phil Roland Zongo, membre de l’AJB, « en 2024, au moins trois journalistes et quatre chroniqueurs des médias ont été enlevés, dont certains sont toujours portés disparus : il s’agit d’Atiana Serges Oulon, de Bienvenu Apiou, de James Dembelé, de Mamadou Ali Compaoré, de Kalifa Seré, d’Adama Bayala et d’Alain Traoré dit “Alain Allain” ». L’ONG Reporters sans frontières (RSF) avait dénoncé le sort de ces journalistes en fin d’année dernière.

« D’autres sont poussés à l’exil, craignant pour leur sécurité », a ajouté M. Zongo, appelant à leur libération. « Ces atteintes à la liberté d’expression et de presse constatées ont atteint un niveau jamais égalé », a affirmé Guézouma Sanogo.

Le Monde avec AFP

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