Des respirateurs nantais au secours des Ukrainiens. Une technologie pour tous que « n’importe qui peut fabriquer »

Un respirateur artificiel conçu à Nantes pendant la pandémie de COVID-19 est envoyé en Ukraine pour sauver des vies. Le collectif à l’origine de cette innovation forme aujourd’hui leurs homologues ukrainiens, pour qu’ils puissent utiliser la machine au mieux, dans n’importe quelles conditions.

C’est un collectif français qui est à l’origine de cette innovation technologique. « Makers for life », a vu le jour en 2020 pendant la pandémie de Covid-19. Les cinq fondateurs nantais étaient bien décidés à sauver des vies durant la crise sanitaire, mais ils étaient loin d’imaginer le potentiel de leur invention.

Cette innovation, c’est le MakAir, un respirateur artificiel. Aujourd’hui, leur machine est utilisée à l’étranger, et notamment en Ukraine où elle vient soulager des hôpitaux en manque de matériel.

En trois jours, ils développent un nouveau type de respirateur artificiel. En trois semaines, ils créent un prototype et en trois mois, ils arrivent à passer tous les protocoles nécessaires à l’utilisation de la machine, ce qui, en temps normal, aurait dû prendre trois ans.

On est les seuls au monde à avoir construit un produit et respecter la législation en si peu de temps 

Pierre-Antoine Gourraud

Professeur et praticien hospitalier au CHU de Nantes

Créer pour venir en aide aux victimes de la pandémie de COVID-19, la machine nantaise ne rencontre pas le succès escompté en France. Le marché est déjà saturé et les hôpitaux déjà équipés.

Malgré ce revers, le MakAir n’est pas tombé aux oubliettes. Après la déception, les fondateurs de ce projet un peu fou ont vu d’autres possibilités pour leur création.

À la conception, la finalité du respirateur artificiel était bien de répondre à une situation de crise sanitaire. À ce moment-là, ils ont également envisagé que la technologie puisse être utilisée à l’étranger, notamment dans des pays en voie de développement.

On a envoyé assez rapidement des respirateurs à l’étranger

Pierre-Antoine Gourraud

Professeur et praticien hospitalier au CHU de Nantes

Mais la particularité de MakAir c’est qu’il n’y a pas de propriété intellectuelle. Tout est en accessible gratuitement en open source. Selon l’un des fondateurs, Pierre-Antoine Gourraud, il est possible de construire, dans le monde entier, ce respirateur avec les moyens du bord.

La machine respecte tous les critères médicaux requis, et on peut télécharger sur internet, à la manière d’une simple recette, le mode d’emploi et de fabrication.

« C’est une machine de crise, explique Pierre-Antoine Gourraud, on l’a pensé pour une crise sanitaire, mais aujourd’hui, elle sert aussi en temps de guerre ».

« Il a deux ans, au début de la guerre en Ukraine, nous avons envoyé 75 machines dans le pays », raconte le professeur et praticien du CHU de Nantes. Il ajoute, « nous n’avons eu aucune nouvelle. Mais grâce à notre programme d’accueil à l’université de jeunes Ukrainiens, j’ai eu un élève originaire du pays. Je lui ai demandé de contacter la liste des hôpitaux à qui nous avions envoyé les machines ».

Le hasard fait bien les choses, sans cet étudiant, nous n’aurions pas de nouvelles des respirateurs envoyés en Ukraine

Pierre-Antoine Gourraud

Professeur et praticien hospitalier au CHU de Nantes

Finalement, grâce aux efforts de ce jeune étudiant, la trace des respirateurs artificiels a été retrouvée. Sur les 75 envoyés, un tiers est arrivé à bon port. Les 25 restants se sont volatilisés, « ils ont dû être interceptés et sûrement récupérés par la Russie », avance le professeur Gourraud.

« On sait que sur les 31 hôpitaux, 24 ont utilisé la machine et sept ont demandé une formation », soutient le scientifique. Les retours des hôpitaux permettent à « Makers for life » d’avoir des chiffres et d’identifier l’utilité ou non de leur création. « D’après les retours qu’on a eus, il y a 3 chances sur 4 que les machines soient utilisées, c’est extraordinaire », se félicite-t-il.

Le 17 juillet dernier, le collectif « Makers for life » organisait une formation à distance pour leurs homologues ukrainiens. Aux sept hôpitaux qui ont sollicité un accompagnement, deux autres se sont ajoutés, au total neuf hôpitaux ont ainsi assisté à la vidéoconférence.

Après une brève présentation de la machine, les hôpitaux ukrainiens ont eu droit aux détails des fonctionnalités des respirateurs MakAir : outils, interfaces, maintenance et démonstration. Un point a également été fait sur la production et l’entretien des appareils. Enfin, pour conclure, un temps d’échange et de discussion était prévue.

On n’avait pas forcément pensé que MakAir puisse servir en temps de guerre, mais c’est une machine très simple, très robuste, moins coûteuse et en plus, en opensource

Pierre-Antoine Gourraud

Professeur et praticien hospitalier au CHU de Nantes

Les destructions de matériel affectent considérablement les capacités des hôpitaux. Une machine simple d’usage et de fabrication permet de répondre rapidement aux besoins des territoires touchés par la guerre.

« On peut fabriquer cette machine avec des matériaux facile à trouver, comme une batterie de scooter par exemple », souligne Pierre-Antoine Gourraud. Il ajoute, « n’importe qui peut la fabriquer ».

Pour lui, le parcours hors norme du respirateur est une leçon presque philosophique,  » MakAir nous montre une culture d’ouverture, de communication entre les différents services et les différents pays. Il nous montre que tout est possible lorsque l’on joue collectif, ce projet ne cesse de nous surprendre ».

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