Deux « piroguiers » s’en sont allés

Samedi 4 mai, le tout Bétou a accompagné à leur dernière demeure, deux « enfants du pays », deux Malekat, le père et le fils que le destin a réuni dans la mort. En tous, les souvenirs du passage de ces deux hommes sur terre ont ressurgi. Autant d’actes qui marquent la mémoire, à l’instar de cette mémorable chorale des piroguiers de la Basilique Sainte Anne du Congo, que le père et le fils éclairèrent de leur empreinte.

Lorsque le 1er novembre 1949, l’église qui deviendra basilique est consacrée, l’évènement est également marqué par l’avènement d’une chorale qui déjà marque par son originalité, avec la Messe des Piroguiers composée pour cette occasion par Paul Biéchy.

Mgr Jean-Baptiste Fauret, vicaire apostolique de Pointe-Noire, Mgr Reggio, nonce apostolique de Kinshasa, Mgr Six vicaire apostolique de Kinshasa, Bernard Cornut-Gentille le haut-commissaire ont honoré la célébration de leur présence.

Depuis, on ne peut vraiment parler de l’historique de Sainte-Anne-du-Congo sans faire le lien avec la messe et la chorale des piroguiers.

La chorale des chanteurs à la Croix d’Ebène (affiliée aux Pueri Cantores de Mgr Fernand Maillet) devenue plus tard Chorale de Sainte-Anne, est créée le 1er novembre 1949. Elle est mieux connue sous le nom de « Chorale des piroguiers du Congo ».

Sa genèse remonte à 1936, quand quatre anciens élèves et membres du cercle culturel se retrouvaient en cachette auprès de l’organiste d’origine angolaise Joseph Dacosta, ancien élève des Frères des Ecoles Chrétiennes de Léopoldville (Kinshasa, pour faire des vocalises. En effet, ils voulaient faire une surprise à leurs supérieurs religieux, les pères Lecomte et Bureth et leur offrir la joie d’une messe chantée.

En quête d’originalité, le père Lecomte contacte en 1947 le couple de musicologues Henri et Eliane Barat-Pepper pour introduire une note d’africanité dans les chants liturgiques.

Les partitions de la « Messe des piroguiers », une adaptation pure des chœurs Banda, sont remis au père le 14 mai 1948. C’est un tel triomphe que chaque messe est retransmise en direct à radio-Brazzaville. Les différents chefs de la chorale sont le père Lecomte, le père Bureth et Emile Oboa.

Sur invitation de la chaine radiophonique ‘’Europe 1’’ et du périodique ‘’Le Pèlerin’’, la chorale anime le Noël 1959 en France. Non, devant le Général de Gaulle ni Édith Piaf comme certains l’ont souvent prétendu. C’est la période de gloire pour ces jeunes enfants et leurs encadreurs qui débarquent à Paris en plein hiver.

La messe est chantée par les Piroguiers du Congo « , chorale dirigée par Émilie Oboa dans la cathédrale de Troyes (Aube). La seule chanteuse de variétés qui ait eu un contact avec cette chorale s’appelait Annie Cordy qui a appris au groupe en visite à Lille, son air à succès : »le ptit quinquin » chante en patois « chti » typique de cette région. C’est la période de gloire.

La chorale comprenait quarante enfants et une vingtaine d’adultes lorsque le disque « Les Piroguiers du Congo » est enregistré. Son chef de chœur était Emile Oboa et un des solistes était Laurent Botseké, qui devint journaliste quelques années plus tard.

Âgé d’à peine 8 ans, Félix Malekat est le benjamin du groupe. Il n’est certes pas être ténor, mais plutôt « alto  » comme son aîné Bienvenu, lui aussi membre de la chorale, ainsi que leur père Félix Malekat, qui introduisit le lokolé dans la partie liturgique de la messe des Piroguiers, en particulier dans le Kyrie, l’église, et le sanctus.

Il sied de relever tout de même que la voix que l’on entend dans « Mwana Nzessi » n’est pas celle de Felix Malekat, très jeune du reste pour conduire ce lead, 8 ans. Elle est plutôt celle de Botseké Laurent qui conduit un chœur de sopranos et altos jusqu’au refrain où interviennent les voix des adultes de la chorale en ténors et basses.

Les solistes de la chorale n’ont jamais chanté en « voix de tête « , Émile Oboa l’interdisait. Il s’agit de Botseke Laurent, Enga Philippe, Centrafricain d’origine et de Nganga alias Blodex, tous élèves de l’école Saint Vincent de Poto-poto.

L’album 25 cm « Les Piroguiers du Congo » composé de 11 titres, contient des musiques entraînantes, de style religieux ou folklorique, passant de la berceuse, à l’instar de ‘’Mwana Nzesi’’ une berceuse qu’Émile Oboa composa pour sa fille Régine Oboa qui fit carrière dans la communication, à la chanson de scouts, de la mélodie populaire au chant improvisé, du conte traditionnel congolais chanté au chant religieux aux tonalités africaines.

Les voix enjouées des enfants, pétillant de jeunesse, des adultes qui les accompagnent, le rythme impétueux du tam-tam parlant lingala de Félix Maléka, sont un vrai moment d’émotion mêlant la tradition africaine et la musique chrétienne.

La chorale comprenait quarante enfants et une vingtaine d’adultes lorsque le disque « Les Piroguiers du Congo » est enregistré. Son chef de chœur était Emile Oboa et un des solistes était Laurent Botseké.

Les titres sont : 1. Suzanna (Chant profane)

2. Mwana Nzesi Lalea (Chant profane, une berceuse composée par Emile Oboa pour sa fille Régine Oboa)

3. Domini Yansula (Chant profane)

4. W’otai Moro (Chant profane)

5. Tandale ( Chant profane)

6. Mbel’Ingoba (Chant profane)

7. Ngando (Le Crocodile – Chant profane)

8. Lelo Eyenga ya Biso (Notre joie de ce jour – Chant de noël)

9. Toyi Kotalo yo Jésus (Jésus, nous sommes venus te rencontrer- Chant de noël)

10. O Kati ya Butu (En pleine nuit – Chant de noël)

11. Yaka Mokosoli (Chant de noël)

Composés par la musicologue Mme Eliane Barat-Pepper, après un séjour auprès du peuple Banda, en république centrafricaine, le Kyrie, le Gloria, le Sanctus et l’Agnus Dei, sont « …un surprenant mélange de rythmes et de silences, d’harmonisation classiques et de dissonances quasi contemporaines », accompagnés du tam-tam et de l’orgue.

La chorale compte à ce jour, plus d’une centaine de choristes, jeunes et adultes, et a à son actif, près de quatre disques mis sur le marché et qui font la fierté des chants liturgiques dans l’archidiocèse de Brazzaville.

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville

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