Du 31 janvier au 9 février, quelques membres d’Afdi (Agriculteurs français et développement international) Loire se sont rendus au Sénégal pour leur mission annuelle d’échange et d’accompagnement des paysans locaux. Rappel du rôle de la structure et bilan des projets avec son président, Gérard Gallot.
Pouvez-vous nous présenter l’association Afdi et son rôle dans la coopération agricole internationale ?
Gérard Gallot : « Afdi (Agriculteurs français et développement international) a été créé dans le département de la Loire sous le nom de Criad (Centre de relations et d’animations pour le développement) en 1974. Le premier président était Robert Duclos. Aujourd’hui, Afdi est structuré au niveau départemental, régional et national, avec une présence au sein de la FNSEA. Son initiative a pris naissance dans la Loire, notamment suite à une sécheresse dramatique au Sahel, qui a motivé sa création. Cette association se concentre sur l’échange entre agriculteurs du monde entier, avec une présence particulièrement forte en Afrique, mais aussi en Asie et en Europe de l’Est. Afdi Loire, en particulier, a un partenariat avec l’association Popkadifa dans la zone de Kaolack, au Sénégal. »
Vous revenez tout juste d’une mission là-bas, quels étaient les objectifs ?
G.G. : « Nous sommes partis du 31 janvier au 9 février avec trois membres de l’Afdi Loire et un représentant de la délégation régionale. L’objectif principal était de dresser un bilan des projets initiés ces dernières années, d’évaluer leur progression et d’échanger avec Popkadifa sur les orientations à venir. »
À quoi ressemble l’agriculture là-bas ?
G.G. : « C’est une agriculture en grande partie vivrière. À Kaolack, la zone est semi-désertique avec trois ou quatre mois de pluie, de juin à septembre. À cette période, on fait du mil, de l’arachide et des cultures vivrières, mais on récolte aussi un peu de fourrages pour les animaux. Le reste de l’année, les agriculteurs n’en sont plus vraiment, exception faite des éleveurs : ils sont artisans, commerçants ou font d’autres métiers, car c’est une agriculture relativement saisonnière. Son caractère temporaire n’aide pas à la structuration de la profession. »
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Quels sont les projets en cours ?
G.G. : « Nous en avons plusieurs, notamment les jardins maraîchers mis en place depuis 2019-2020. L’idée est de permettre aux agriculteurs de cultiver des légumes en période sèche, à des fins personnelles et commerciales. Malheureusement, nous avons constaté un manque d’activité sur certains périmètres maraîchers, en raison de problèmes d’accès à l’eau et de dégradations par les animaux. On voyait que les agriculteurs avaient baissé les bras, mais après plusieurs échanges avec eux et Popkadifa, nous avons ressenti un regain de motivation pour relancer l’initiative. Cette idée de jardins, c’est aussi une manière de maintenir les jeunes sur place. Je précise d’ailleurs que les femmes sont importantes et ont un rôle déterminant sur cette agriculture : elles sont le pilier de la famille, elles veulent nourrir les enfants, les emmener à l’école et les soigner. »
Vous avez également développé un projet autour de l’élevage ?
G.G. : « Oui, nous avons démarré un projet de moutons de case, fin 2023. Il s’agit d’accompagner des femmes à travers l’élevage de petits troupeaux de trois à quatre moutons (deux femelles et un bélier). L’objectif est à la fois économique et structurel : renforcer les capacités financières de ces femmes, leur donner accès à un suivi vétérinaire et leur permettre de développer une activité durable. Pour le moment, le projet est très encourageant, avec des bénéficiaires motivées et un réseau qui commence à se structurer. »
Vous mentionnez souvent la structuration des agriculteurs locaux. Pourquoi est-ce un enjeu central ?
G.G. : « L’objectif ultime de nos actions est que Popkadifa devienne une structure autonome, capable d’accompagner et de développer des projets de façon indépendante. La mise en place de projets concrets, comme les jardins maraîchers ou l’élevage, est un moyen de les amener à mieux s’organiser et à structurer leur activité sur le long terme. »
Vous travaillez aussi sur un projet de transformation de céréales dans la zone de Tukar. En quoi consiste-t-il ?
G.G. : « En 2020, nous avons initié un projet de transformation du mil via un moulin, destiné à l’alimentation humaine, et de l’arachide par une presse, pour en extraire de l’huile et obtenir des sous-produits pour l’alimentation des animaux. Ce projet a simplifié le travail des femmes et leur a fait gagner du temps. Mais il faut maintenant aller plus loin, peut-être en développant une activité de transformation et de commercialisation plus poussée. »
La langue constitue-t-elle un frein à vos actions sur place ?
G.G. : « Oui. Même si la langue officielle du Sénégal est le français, de nombreux agriculteurs ne le parlent pas couramment. Nous nous adressons aux responsables qui le maîtrisent, mais lorsque l’on s’éloigne, la communication devient plus difficile. Nous veillons à ce que tout soit bien traduit, mais certaines incompréhensions subsistent, parfois d’ordre culturel. »
Envisagez-vous d’intensifier la fréquence de vos missions au Sénégal ?
G.G. : « Actuellement, nous nous y rendons une fois par an, mais nous nous interrogeons sur la pertinence d’augmenter cette fréquence. Un an est une période longue, et nous réfléchissons à l’idée d’y aller tous les six mois avec des équipes plus légères, afin d’assurer un meilleur suivi. »
Quel est votre espoir pour l’avenir de ces coopérations agricoles ?
G.G. : « Nous espérons voir Popkadifa se structurer durablement et devenir un acteur fort du développement agricole dans la région. Le véritable succès serait que les agriculteurs locaux puissent mener à bien leurs projets sans notre intervention. Nos actions ne sont qu’un levier pour les aider à gagner en autonomie et en organisation. »
Axel Poulain
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