d’ex-détenus racontent l’horreur des prisons des paramilitaires au Soudan

Dix hommes masqués ont fait irruption chez lui à Khartoum et l’ont jeté en prison avec six compatriotes sous « l’accusation absurde d’espionnage », raconte-t-il à l’AFP, assis sur un canapé dans le village d’Abou Chanab, dans la région du Fayoum, à une centaine de km au sud-ouest du Caire.

En octobre 2024, le chef des FSR, Mohamed Hamdane Daglo, a accusé l’Egypte d’aider l’armée soudanaise en guerre contre les paramilitaires depuis le 15 avril 2023, ce que Le Caire dément.

« Nous n’étions que des commerçants, mais pour eux, tout Egyptien était suspect. Ils ont inspecté nos téléphones et fouillé notre domicile, sans rien trouver », explique l’homme de 44 ans, qui a retrouvé la liberté début mars.

« Pourtant, ils nous ont bandé les yeux (…) et emmenés vers un de leurs centres de détention à Khartoum », poursuit-il.

« Dormir à côté des cadavres »

M. Mouawad dit s’être retrouvé dans un bâtiment universitaire transformé en prison : des cellules minuscules et surpeuplées avec à peine assez de nourriture et d’eau pour survivre.

Parmi les prisonniers: des vieillards, des enfants et des personnes souffrant de déficience mentale.

La nourriture, quand elle arrivait, était à peine comestible. « Ils nous apportaient de l’eau chaude mélangée à de la farine de blé. Une bouillie sans goût », assure Ahmed Aziz, un ex-codétenu.

Selon lui, la rare eau qu’il pouvait boire était à forte salinité. Les prisonniers souffraient de fièvre et de diarrhée. Les soins médicaux étaient inexistants.

« Si vous étiez malade, vous vous prépariez à mourir », déclare M. Aziz, qui a souffert du paludisme. « Les prisonniers ressemblaient à des squelettes », soutient M. Mouawad.

« Chaque jour, cinq personnes, parfois plus, parfois moins, mouraient. Leurs corps étaient souvent laissés dans les cellules pendant plusieurs jours, obligeant leurs codétenus à dormir à côté des cadavres », témoigne Emad.

Selon lui, les geôliers « ne lavaient pas les corps comme le veut la religion, ils les enveloppaient dans un sac en plastique et les jetaient » dans un lieu inconnu.

Les Nations unies estiment que des dizaines de milliers de personnes incluant des femmes et des enfants ont été enlevées dans la rue au Soudan, arrachées à leurs maisons pour disparaître sans laisser de traces.

Les FSR, qui contrôlent la vaste région occidentale du Darfour et certaines parties du sud, ont transformé des immeubles, des commissariats et même des écoles en centres de détention non officiels, selon un récent rapport de l’ONU.

Les détenus, arrêtés souvent à des barrages, ont été fouettés, torturés à l’électricité ou soumis à des travaux pénibles, indique le rapport.

L’armée aussi a été accusée de torture, passages à tabac et décharges électriques, ajoute l’ONU.

Ni l’armée ni les FSR n’ont répondu aux questions de l’AFP sur ce sujet.

« En toute impunité » 

Selon l’ONU, 6.000 détenus se trouvaient à la mi-2024 à Soba, une prison des FSR à la sinistre réputation, dans le sud de Khartoum.

Ahmed Aziz y a passé environ un mois. « Il n’y avait pas de toilettes (…), des insectes grimpaient sur le corps des prisonniers », souligne-t-il.

Souvent, les détenus restaient enfermés 24h sur 24 dans des cellules sans fenêtres. « Nous avions le sentiment de ne plus appartenir à l’humanité », déplore Mohamed Chaabane, un autre Egyptien de 43 ans.

Les geôliers de Soba « nous obligeaient à nous mettre nus puis nous frappaient avec des bâtons et des fouets, nous insultaient, nous humiliaient », témoigne ce commerçant originaire aussi du Fayoum.

Les FSR et l’armée ont toutes deux été accusées d’atrocités, et leurs dirigeants sont sous le coup de sanctions américaines.

Si les deux camps ont arrêté des civils, les militants des droits humains accusent les FSR d’être responsables de la majorité des arrestations arbitraires. « Les FSR opèrent en toute impunité », dénonce Mohamed Osman, chercheur soudanais à l’ONG Human Rights Watch.

« L’armée, au moins, dispose d’un cadre juridique. Les FSR, en revanche, gèrent des centres secrets où disparaissent des personnes arrêtées », dit-il à l’AFP.

Les trois Egyptiens ont eu de la chance. Ils ont été libérés début mars avec six autres compatriotes lors d’une opération conjointe des services de renseignement égyptiens et soudanais.

Malgré leur calvaire, ils sont prêts à retourner au Soudan. « Dès que la sécurité sera rétablie, nous y retournerons et nous prendrons un nouveau départ », promet M. Aziz.

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