Dominique Baillet, sociologue : « La lumière de l’union des républicains et démocrates face à l’ombre de Weimar »

La dissolution de l’Assemblée nationale voulue par le président de la République et la convocation de nouvelles élections législatives les 30 juin et 7 juillet au moment où l’extrême droite française est en pleine ascension et obtient un score historique (40 %) rappellent à bien des égards la situation de novembre 1932 en Allemagne à la fin de la République de Weimar, situation que nous devons toujours garder à l’esprit. Pourquoi ?

Aux élections législatives anticipées de novembre 1932, le NSDAP avait obtenu 33 % des voix et 196 sièges au Reichstag, tandis que le SPD recueillait 20,4 % et 121 sièges, le KPD 16 % et 100 sièges et le Zentrum (parti catholique) 12 % et 70 sièges.

À l’issue de ces élections où le NDSAP a été largement en tête et où les deux partis de gauche, SPD et KPD, alors divisés, ont obtenu au total 36,4 % des voix, soit un score supérieur à celui du Parti national-socialiste, c’est le cabinet de Kurt von Schleicher, un militaire nationaliste, qui s’est formé. Mais alors qu’il ne parvenait pas à affermir son pouvoir, et craignait une motion de censure lors d’une nouvelle session parlementaire, l’ancien chancelier Franz von Papen est parvenu à convaincre le président Hindenburg de nommer un gouvernement de coalition NSDAP-DVNP (parti allemand nationaliste) avec Adolf Hitler à sa tête.

Finalement, le 30 janvier 1933, le maréchal Hindenburg nomma Hitler chancelier, qui forma alors un gouvernement avec des membres du NSDAP et du DNVP. On connaît la suite… Le Reichstag est incendié le 27 février 1933 et cet acte est attribué à un complot communiste, les dernières consultations électorales libres ont lieu le 5 mars 1933 à l’occasion de législatives et Hitler, ayant obtenu 43 % des voix (majorité absolue), recourt par la suite à la loi du 24 mars 1933, qui lui donne les pleins pouvoirs.

Alors, pourquoi aujourd’hui ce rappel est-il si important ?

Car si à l’époque le SPD et le KPD s’étaient unis, ils auraient formé une majorité et le chancelier allemand aurait été issu de leur rang. Aujourd’hui, quatre-vingt-dix ans plus tard, en France, le Rassemblement national, héritier de l’extrême droite française de l’entre-deux-guerres et de la France de Vichy, bénéficie d’un suffrage équivalent à celui du NSDAP (33 %).

Alors, l’union de la gauche apparaît comme l’un de seuls remparts solides contre l’arrivée de ce rassemblement nationaliste au gouvernement. Certes, cette nouvelle union, baptisée Nouveau Front populaire, réunit des partis politiques de gauche qui ont des conceptions différentes en matière européenne et en politique étrangère. Mais elle comporte un socle commun solide en matière de politique intérieure et de politique sociale.

Même s’il existe des querelles de personnes, même si les membres de ces partis peuvent être divisés sur certains enjeux internationaux (conflit israélo-palestinien, conflit russo-ukrainien, etc.), ils ont le devoir de s’entendre. Toutefois, ils doivent avoir en tête l’adage prêté à Karl Marx : « L’histoire se répète toujours deux fois, la première fois comme une tragédie, la seconde comme une farce. » Il ne faudrait donc pas que ce nouveau mouvement populaire soit une farce car la conséquence serait dramatique.

Il est possible de faire revivre l’esprit de la Résistance qui a allié en 1945, comme l’écrivait Louis Aragon dans son célèbre poème la Rose et le réséda, « ceux qui croient au ciel » et « ceux qui n’y croient pas ».

Si le Nouveau Front populaire a le mérite d’unir la gauche et lui permet d’obtenir un score comparable à celui estimé du Rassemblement national, et d’éviter au moins une majorité absolue de ce dernier, voire même relative, la solution qui irait du centre droit (démocrate-chrétien) à l’extrême gauche non seulement raviverait la flamme de la Résistance de 1945, mais permettrait sans conteste la victoire de tous les « vrais » républicains et éviterait de manière implacable l’arrivée au pouvoir des descendants des mouvements d’extrême droite antirépublicains, antiparlementaires et fascistes de l’entre-deux-guerres.

Aujourd’hui, les hommes et les femmes de gauche, qui ont eu le mérite de parvenir en quelques jours à une unité, sont face à l’Histoire et doivent faire don de leur personne à la République pour la sauver du risque de la tyrannie. Ils doivent faire vivre avec tous les républicains et les démocrates sincères de ce pays la République sociale et laïque, la seule, la vraie, l’unique, celle héritière de 1789, de 1848 et de 1871. Ainsi, ils doivent tous s’unir non seulement politiquement mais aussi philosophiquement et renouer avec l’universalisme pour que les chemins de la République soient éternels.

Face à l’extrême droite, ne rien lâcher !

C’est pied à pied, argument contre argument qu’il faut combattre l’extrême droite. C’est ce que nous tentons de faire chaque jour dans l’Humanité.

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