Dominique Besnehard dépose les armes aux pieds de la juge Rousseau

Après un coup de sang devant l’effrayante et inquisitrice Commission parlementaire relative aux violences commises dans le milieu du cinéma  – « Si c’est mon procès, je me taille » – , le célèbre agent de stars du cinéma français a été contraint de gentiment rentrer dans le rang. Récit.


Dans les mois qui suivirent l’affaire Weinstein et l’apparition des hashtags #MeeToo et #Balancetonporc, la philosophe féministe Geneviève Fraisse décréta sur la radio publique : « En France, il faut que des têtes tombent »[1]. Message reçu 5 sur 5 par les néo-féministes ayant des prédispositions pour la justice médiatico-révolutionnaire. Confites de religiosité malsaine, caressant des rêves de pureté absolue, ces néo-féministes ont décidé de nettoyer l’humanité au gant de crin et à la toile émeri. Elles entendent débarrasser le monde des quelques scories historiques qui entravent encore sa marche vers la transparence absolue et la codification politique et totalitaire des relations humaines. Le producteur, ancien agent artistique et directeur de casting Dominique Besnehard travaille depuis cinquante ans dans le milieu cinématographique. L’heure du grand nettoyage ayant sonné, il a dernièrement été mis sur la sellette,  obligé de rendre des comptes sur les turpitudes et les vices de ce milieu. Face à lui, un tribunal révolutionnaire appelé “Commission parlementaire relative aux violences commises dans le milieu du cinéma” et présidé par Sandrine Rousseau, s’est évertué à lui extorquer aveux, dénonciations et repentances. Le prévenu a montré quelques signes de nervosité. Mais, à la fin, tout est rentré dans l’ordre.

Déroulé de l’interrogatoire

« Quel est votre regard sur le mouvement MeeToo ? », interroge d’emblée le député Erwan Balanant, rapporteur dudit tribunal. La question n’est pas anodine : il s’agit de savoir si l’inculpé est dans les meilleurs dispositions, s’il adhère au principe même du nettoyage en cours, s’il n’est pas un de ces récalcitrants qui, sous couvert de nuancer les débats, cherchent à justifier les débordements libidineux des hommes en général, des réalisateurs et producteurs de cinéma en particulier. Dominique Besnehard montre pattes blanches : il affirme qu’il est féministe et qu’il a été parmi les premiers à mettre en garde de jeunes actrices contre le comportement de certains réalisateurs. Il s’est éloigné, dit-il, des éléments les plus sulfureux du milieu. Mais Sarah Legrain (LFI), membre inflexible de la commission, ne s’en laisse pas conter. Elle exhume d’anciens messages dans lesquels Dominique Besnehard prenait la défense de Gérard Depardieu lorsqu’il était accusé de s’être mal conduit avec une actrice en herbe désirant absolument prendre des cours à son domicile. L’agent artistique rappelle que, à l’époque, il s’étonnait déjà de l’attitude de certaines jeunes femmes visiblement soucieuses de réussir par tous les moyens possibles dans le monde du cinéma : « Généralement, les cours de théâtre, on les fait dans un cours de théâtre, on ne va pas à domicile, chez un acteur. » Et d’enfoncer le clou : « Quand j’étais agent, j’ai vu des actrices dépasser les bornes. Excusez-moi, Weinstein à Cannes, certaines actrices allaient dans sa chambre pour peut-être faire une carrière américaine. Je l’ai vu ça ! J’ai même des actrices dont je m’occupais qui y sont allées ! » Léger malaise dans la salle – mais rien ne peut ébranler les convictions idéologiques du tribunal…

A lire aussi: Fanny Ardant: «Je n’ai jamais voulu être une victime»

Après que Dominique Besnehard a expliqué pour quelles raisons il avait cessé de travailler avec le réalisateur Jean-Claude Brisseau, condamné en 2005 pour harcèlement sexuel sur deux actrices, les juges reviennent à la charge : « Vous avez pris vos distances avec Brisseau mais vous avez continué à soutenir Gérard Depardieu. Pourquoi cette différence ? » Il est rappelé à l’impénitent qu’il a signé une tribune en faveur de ce dernier. Dominique Besnehard explique : il n’a signé cette tribune que parce que Depardieu était un ami qu’il a vu partir « en vrille » après la mort de son fils Guillaume, parce sa fille Julie le lui a demandé, parce que des actrices comme Nathalie Baye et Carole Bouquet, pour lesquelles il a la plus grande estime, l’avaient également paraphée, parce qu’il ne voulait pas faire partie de la horde moutonnière, etc. Ces justifications ne satisfont pas la présidente du tribunal qui, s’essayant à une technique de manipulation psychologique assez basique, brosse d’abord M. Besnehard dans le sens du poil – il est un homme important dans le milieu cinématographique, il est écouté, il est reconnu, sa voix compte, etc. – puis lui reproche tout à coup d’avoir eu « des propos dénigrants sur les personnes qui parlent ». Le producteur se rebiffe – « Si c’est mon procès, je me taille ! » – mais la juge révolutionnaire lui rappelle sèchement qu’il n’a pas le choix : il est obligé de répondre à ses questions, que cela lui plaise ou non. Dominique Besnehard a enfin compris qu’il n’aurait aucun répit. Inutile de finasser pour tenter d’obtenir un non-lieu hypothétique : « Non mais, arrêtez ! C’est quoi des propos dénigrants ? Vous racontez des histoires que vous voyez dans la presse. Vous n’êtes pas là pour faire la morale. Arrêtez de faire la morale à tout le monde. Tout ça commence à bien faire. » Après ce coup de sang, Dominique Besnehard rentrera gentiment dans le rang. Il reconnaîtra que les temps ont changé – et que c’est pour le mieux. La preuve : il y a maintenant des « coordinateurs d’intimité » sur les plateaux, quel progrès ! L’interrogatoire, qui a duré plus d’une heure et demie, tire à sa fin ; M. Balanant, le rapporteur, veut être certain qu’il a porté ses fruits : « En tant que co-producteur de la série Dix pour cent, est-ce que vous vous engagez à avoir un discours sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ? » Dominique Besnehard, qui commence à montrer des signes de fatigue, rend définitivement les armes : il assure de son allégeance le tribunal et rappelle que cette série a évoqué le problème des « comportements inappropriés » avant même que MeeToo n’existe et qu’elle a été parmi les premières à mettre en avant « une héroïne lesbienne ». La présidente soupire d’aise : enfin, tout rentre dans l’ordre, le nouvel ordre moral qu’elle appelle de ses vœux.

Tout est politique

Retour en arrière. Le 19 septembre 2022, sur France 5, Sandrine Rousseau affirmait avoir vu une ex-compagne de Julien Bayou – alors secrétaire national d’EELV – dans un état « très déprimé ». Elle accusait ce dernier de « comportements de nature à briser la santé morale des femmes ». Allégations floues mais suffisantes pour que Julien Bayou soit contraint de démissionner de ses fonctions de chef de parti et de quitter son groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Bien qu’il ait été blanchi à la fois par une enquête interne diligentée par EELV et par le parquet de Paris qui a classé cette affaire sans suite pour « absence d’infraction », la commissaire politique Rousseau traduirait volontiers le citoyen Bayou à la barre d’un tribunal politique qu’elle présiderait : « Ce qui a manqué dans l’affaire Bayou, depuis le début, c’est une analyse politique de la situation », déplore-t-elle sur France Inter (26 février), avant d’ajouter : « La justice a ses critères. Maintenant, il reste la question politique. » Car pour Mme Rousseau, tout est politique, tout doit être politique, aucun espace ne doit échapper à l’emprise politique, aucune relation humaine ne doit pouvoir se soustraire au regard politique. Pour ce qui concerne les relations entre les hommes et les femmes, il n’est pas seulement question de punir des comportements inappropriés, il est surtout prévu de définir très exactement ces comportements, et d’en élargir le champ jusqu’à rendre la vie invivable, et tous les hommes, suspects. Principe totalitaire que Mme Rousseau aimerait pouvoir appliquer en toutes circonstances : « le privé est politique », assène-t-elle en préconisant « l’instauration d’un délit de non-partage des tâches domestiques » et en dénonçant la « structure sociale » et le « rapport de domination » qu’elle subodore dans le fait de « se prendre en photo derrière un barbecue ». Gardons toujours à l’esprit que la politique totalitaire de Sandrine Rousseau et de ses soutiens « féministes » de type haasien repose sur un programme de surveillance permanente débouchant inévitablement sur l’abolition de tous les rapports entre les hommes et les femmes, sur l’indifférenciation sexuelle, sur l’avènement d’un monde woke débarrassé des dernières traces d’histoire et d’humanité, un monde affranchi des mystérieux tourments de l’âme humaine, elle-même délestée à tout jamais de ses pulsions de vie, de désir et de mort – un monde terrifiant dans lequel les hommes « sont dans une sereine ignorance de la passion […] ne sont encombrés de nuls pères ni mères et n’ont pas d’épouses, pas d’enfants, pas d’amants, au sujet desquels ils pourraient éprouver des émotions violentes […] n’ont pas le droit ni de raisons d’être malheureux »[2], c’est-à-dire le plus cauchemardesque et le plus inhumain des mondes.  


[1] France Culture, émission “Tout un monde”, 22 novembre 2019.

[2] Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, 1932.


Crédit: Lien source

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.