Dominique de Villepin atomise Retailleau

Ce mercredi 9 avril, à l’Assemblée nationale française, Dominique de Villepin a marqué les esprits par des déclarations fortes, en abordant de front les tensions récentes entre la France et l’Algérie, dans un contexte de crispations identitaires et de décisions politiques jugées controversées. L’ancien Premier ministre, connu pour son éloquence et sa posture diplomatique, a choisi de ne pas ménager Bruno Retailleau, actuel ministre de l’Intérieur, l’accusant ouvertement d’user d’une rhétorique contre-productive sur les relations franco-algériennes et sur la question des OQTF, ces obligations de quitter le territoire qui visent certains ressortissants algériens.

Lors de son intervention, Dominique de Villepin a d’abord pris soin de poser les bases de son propos en insistant sur le fait que ses critiques n’étaient pas dirigées contre des individus, mais bien contre une méthode. « Il ne s’agit en aucun cas pour moi de personnaliser une critique mais d’illustrer à travers la charge qui a été celle du ministre de l’Intérieur sur cette question de l’Algérie et des OQTF le risque qu’il y a de l’engrenage et de la surenchère sur les questions identitaires », a-t-il déclaré, en pointant du doigt une escalade verbale dangereuse dans la gestion des sujets sensibles.

Revenant sur le rôle du ministre de l’Intérieur dans ce dossier, Dominique de Villepin a souligné l’illégitimité de certaines de ses prises de parole. « Quand il s’agit pour un homme politique non pas d’apporter des réponses mais d’agiter des menaces, encore faut-il être sur son territoire, c’est-à-dire sur son portefeuille et en l’occurrence ce n’est pas le cas. Cette question des relations avec l’Algérie relève du Quai d’Orsay, sous l’égide du président de la République », a-t-il affirmé, rappelant que les affaires étrangères ne sont pas du ressort du ministère de l’Intérieur.

Dans un entretien accordé à l’AFP, Dominique de Villepin a poursuivi sa critique, cette fois de façon encore plus incisive, en dénonçant ce qu’il perçoit comme un échec politique flagrant. « Moi, je n’accepte pas de voir un ministre de la République venir devant les Français à la TV pour donner ce spectacle d’impuissance et, en plus, celui d’un dysfonctionnement ministériel […] en mordant les platebandes d’un collègue ou du président de la République », a-t-il lancé, pointant du doigt une gestion désordonnée et un manque de coordination entre les ministères.

L’ancien chef du gouvernement a également condamné ce qu’il considère être une instrumentalisation des sujets identitaires à des fins politiciennes. « On fait le show, on fait de la communication et pour moi, c’est la pire image de l’impuissante publique », a-t-il martelé, dans une critique directe de la manière dont certains dossiers sensibles sont médiatisés, en particulier ceux concernant l’Algérie.

Dominique de Villepin, qui a été ministre des Affaires étrangères sous Jacques Chirac entre 2002 et 2004 puis Premier ministre de 2005 à 2007, s’est dit inquiet du glissement d’une partie de la droite vers des postures de plus en plus proches de l’extrême droite. « Une partie de la droite va chasser sur les platebandes de l’extrême droite, non pas en apportant des réponses aux demandes des Français sur les services publics, l’immigration ou l’école, mais en surenchérissant sur ce qui est le plus facile : les questions identitaires », a-t-il regretté, mettant en garde contre cette stratégie.

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Concernant la politique migratoire actuelle, il n’a pas mâché ses mots. « Elle s’est très largement contentée d’incantations sur + on va renvoyer les OQTF + », a-t-il fustigé, dénonçant une politique plus déclarative qu’opérationnelle. Cette critique ciblait explicitement les efforts de Bruno Retailleau pour imposer à l’Algérie le retour d’une soixantaine de ses citoyens visés par une OQTF, une manœuvre que Villepin juge vaine et contre-productive.

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Interrogé enfin sur la situation de Boualem Sansal, écrivain algérien condamné à cinq ans de prison en Algérie, Dominique de Villepin a souligné la nécessité pour la France de restaurer une forme de calme dans sa relation avec Alger. « Nous ne pouvons pas faire autrement que de prendre en compte l’ensemble de la relation […] parce que si nous restons sur le seul terrain sécuritaire, nous ne trouverons pas une sortie de crise », a-t-il analysé. Il a plaidé pour une approche globale, dépassant la logique punitive. « Il faut sortir de la diabolisation », a-t-il insisté.

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L’intervention de Dominique de Villepin, dans un contexte politique tendu, apparaît donc comme un appel à la raison, à la retenue, et à un retour à une diplomatie plus apaisée. Si ses propos ont fait réagir, ils mettent surtout en lumière une fracture persistante sur la manière d’aborder la relation avec l’Algérie et la place qu’occupent les enjeux identitaires dans le débat public français.

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