Comment situez-vous votre quatrième album « Our roots run deep » ?
Après ma trilogie, « Nameless », « Tuned » et « Three little words », qui exploraient ma relation émotionelle sur des périodes spécifiques de la musique afro-américaine – l’obscurité avec le blues, la rébellion avec le jazz et la lumière avec la soul -, je souhaitais aller encore plus loin. Cet album, je le conçois comme un voyage au cours duquel je puise dans les racines profondes de mes ancêtres.
D’origine haïtienne ?
Haïtienne et africaine, pour ma part. Mais l’idée n’est pas de ramener cette recherche à une communauté mais bien à l’humanité tout entière et à tout ce qui nous unit, nous rassemble dans la même essence.
Diriez-vous que cette quête est à la fois musicale, spirituelle et poétique ?
La spiritualité, je pense qu’elle est indispensable dans ma vie. Cela me fait beaucoup de bien de sentir tous les parallèles entre la croyance et la nature, la culture et la science.
Dans l’histoire de la musique afro-américaine, des jazzmen comme John Coltrane ou Archie Shepp et des chanteuses comme Nina Simone et Abbey Lincoln ont puisé dans les racines africaines. Reprenez-vous le flambeau ?
J’ai toujours eu cette impression. Qu’on le veuille ou non, quelque part, on reprend toujours le flambeau du passé. À chaque étape, on ajoute une pierre à notre manière en essayant qu’elle soit aussi belle que celle déjà posée. Cela nous donne un magnifique espace de création pour les nouvelles générations.
Le grand Quincy Jones a toujours vu l’avenir de la musique dans la rue. Quel est votre rapport au rap ?
J’y suis sensible parce que le rap est l’expression libre d’un vécu qui est parfois violent mais représente bien la réalité sociale de la rue. Pour moi, le plus important est qu’il soit exprimé de manière authentique, sincère et non par opportunisme avec des gens qui s’inventent ce genre de vie.
Quels sont vos modèles, vos influences ?
Billie Holiday, bien sûr, Myriam Makeba, Nina Simone et tous les artistes qui ont créé de manière libre et inventé un style. Je pense ausi à des chanteuses comme Erikah Badu, Lauryn Hill et à son album conceptuel, « The Miseducation », qui m’a beaucoup inspirée. Côté blues, je suis impressionnée par BB King, son chant puissant, son incroyable jeu de guitare et sa façon de raconter une histoire. Quand il chante Lucille, je me dis waooooooh ! Quelle présence ! Enfin, il y a toutes les personnes de ma vie, ma grand-mère et ma mère, qui m’ont façonnée musicalement.
Sans oublier Bob Marley, qui est à part…
Bien sûr. J’ai repris sa chanson « Three little things » pour rendre hommage à l’artiste qui a propagé le reggae dans le monde entier. Il est à la croisée des chemins entre les Caraïbes et l’Afrique. En l’écoutant, quand j’étais plus jeune, il m’a fait beaucoup de bien et je crois aux vertus des bonnes vibrations musicales. Les siennes étaient lumineuses et remplies d’amour.
En tant qu’artiste francophone, comment travaillez-vous à Montréal, proche des Etats-Unis ?
Montréal est une ville véritablement multiculturelle où les prix et les loyers ne sont pas la folie, comme à Paris, Londres ou New York. Ici, on vit à un rythme plus lent, ce qui permet de profiter de son temps. Il y a beaucoup d’art dans la rue et des expos. De quoi me stimuler.
Vous entamez, cet été, une grande tournée qui passe par la Bretagne. Connaisez vous le public breton ?
Non, mais j’ai hâte. On me dit qu’il n’est pas facile au premier abord mais chaleureux. C’est la première fois que je chante à Lanrivain.
Vous aimez la vie en tournée ?
Au début de ma carrière, c’était un peu difficile de m’habituer à cette vie de fou parce que j’ai quand même une petite tendance casanière. Mais, bon, c’est quand même un privilège de pouvoir voyager, rencontrer des gens et des cultures différents, grâce à la musique.
Combien de musiciens vous accompagnent sur scène ?
Cinq avec moi, plus l’ingénieur du son qui travaille dans l’ombre. Il y a un batteur et percussionniste, un guitariste, un bassiste, un pianiste et claviers. Un ensemble homogène.
Vous parlez français et chantez en anglais. Pourquoi ?
Pour toucher un plus large public, lui donner un maximum d’énergie. Cela me permet de voyager avec ma musique et mes propres mots. Je parle aussi bien le français, l’anglais que l’espagnol et le créole. Récemment, j’ai écrit et composé ma première chanson en français, « Moi, je t’aime », en hommage à tous les artistes avec lesquels j’ai grandi, Piaf, Aznavour, Brel. Je pense que la poésie est plus prononcée en français qu’en anglais.
Vous allez avoir 40 ans. Vous souvenez-vous de vos débuts à l’émission « La Voix » ?
Ça m’arrive mais je n’aime pas trop regarder en arrière. Je suis entrée dans ce métier par hasard quand je travaillais en support psychologique pour les enfants autistes. J’ai été vite épuisée moralement et la musique a été ma première thérapie. Elle m’a sauvée !
Pratique
Dominique Fils-Aimé, au Festival « Lieux Mouvants », à Lanrivain, le 21 juillet.
Crédit: Lien source
Les commentaires sont fermés.