Dominique Turcq, Institut Boostzone – La collision des mondes : écologie vs économie ? – Stratégies & Management

Le saviez-vous ? Nous nageons en pleine science-fiction, notre monde comporte plusieurs réalités parallèles ! Mais savez-vous dans laquelle vous vivez ?

La première double réalité est apparue, en ces termes, l’été dernier quand messieurs Jouzel et Pouyanné confrontaient leurs réalités, celle de l’effondrement environnemental pour l’un, celle du court terme et de la nécessité de continuer à investir dans des énergies fossiles pour l’autre.

Il s’agit bien d’un conflit entre deux mondes réels : celui du référentiel scientifique pour lequel notre monde écologique devient invivable et celui du référentiel économique résilient de l’Ancien Monde. L’un voit le mur vers lequel on va en tant qu’humanité et l’autre en travaille le déni. J’avoue d’ailleurs que j’ai du mal à analyser ce déni. Est-ce de l’ignorance, de la bêtise, un aveuglement éthique dû à des regards différents, un aveuglement générationnel ? Si d’aucuns pensent « après moi le déluge » et d’autres « il faut préserver les générations futures » c’est alors d’un profond conflit qu’il s’agit.

Cette dualité va se traduire par des enjeux écologiques, économiques et sociaux considérables, des questions de santé publique cruciales et probablement des guerres. Il faudra réconcilier les mondes et il viendra un moment où l’État devra agir beaucoup plus. La santé publique et la protection des citoyens seront les moteurs de l’irrésistible ascension de son rôle à venir. Il interviendra de façon croissante dans les domaines de l’énergie, des pollutions, de la biodiversité, de l’eau, du commerce, des transports, des migrations, etc., sous la pression des populations, relayées par des ONG, et malgré les relents de climato scepticisme qui continueront de traîner ici et là.
 
Les implications pour la stratégie des entreprises sont claires. Elles ne doivent pas s’illusionner sur l’idée que la « transition », terme par ailleurs bien trop doux, sera lente et pourrait être peu douloureuse. Les externalités seront facturées, que cela passe par le marché (augmentation des prix de par la raréfaction de certains biens), ou par la taxation (carbone, énergie, eau, externalités négatives, etc.). Il leur faut être proactives. Il leur faut calculer leurs externalités de façon beaucoup plus précise et se préparer à un partage de la valeur conceptuellement extrêmement différent de ce qu’il fut depuis deux siècles.
 
Mais deux autres séries de réalités apparaissent alors aussi pour complexifier encore le propos.

Tout d’abord celles des parties prenantes qui sont, toutes, dans des réalités différentes : les actionnaires, les collaborateurs, les fournisseurs, les populations concernées. Les externalités ne présentent pas du tout les mêmes enjeux pour chacune d’elles. Aux extrêmes l’actionnaire risque la valeur de son action alors que des populations risquent leur santé ou leur vie.

Ensuite celles des entreprises en fonction de la nature et du volume de leurs externalités, positives et négatives, et donc des couts-bénéfices qu’elles seront amenées à traiter. L’exposition à l’effondrement environnemental (simple matérialité) est très différente d’une entreprise à l’autre et les impacts sur cet effondrement (double matérialité) le sont tout autant. Total-Energies, Coca Cola, Pfizer, Apple, Stellantis ou L’Oréal ne sont pas du tout dans les mêmes ligues. Leurs trajectoires sont d’ordres différents, leurs états prévisionnels couts-bénéfices aussi, comme enfin leur attractivité sur le marché des talents.

La science de la stratégie, à travers toutes ces situations, retrouve ses lettres de noblesse. Les directeurs de stratégie et les cabinets de consultants en stratégie ont de belles heures devant eux.

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