(SenePlus) – Dans un développement inattendu qui secoue la scène politique guinéenne, le chef de la junte au pouvoir, le général Mamadi Doumbouya, a accordé une grâce présidentielle à l’ancien dictateur Moussa Dadis Camara. Cette décision, annoncée par décret vendredi 28 mars et diffusée à la télévision nationale guinéenne, intervient moins d’un an après la condamnation historique de l’ex-chef d’État pour sa responsabilité dans l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire récente du pays.
Selon les informations rapportées par RFI, le porte-parole de la présidence guinéenne, le général Amara Camara, a lu le décret présidentiel lors d’une intervention télévisée vendredi soir : « Sur proposition du garde des Sceaux, ministre de la Justice, une grâce présidentielle est accordée à M. Moussa Dadis Camara pour raison de santé ». Cette justification médicale étonne, car comme le souligne RFI, « la fragilité de son état de santé n’avait jamais été évoquée jusqu’à présent ».
Moussa Dadis Camara purgeait une peine de 20 ans de réclusion pour crimes contre l’humanité, prononcée le 31 juillet 2024. Sa condamnation avait été saluée comme un pas important dans la lutte contre l’impunité en Afrique.
Pour comprendre l’ampleur de cette décision, il faut revenir aux événements du 28 septembre 2009. Ce jour-là, un rassemblement pacifique de l’opposition guinéenne au grand stade de Conakry s’est transformé en bain de sang. D’après RFI, citant un rapport d’une commission d’enquête internationale mandatée par l’ONU, « au moins 156 personnes avaient été tuées par balle, au couteau, à la machette ou à la baïonnette et des centaines d’autres blessées ». Le même rapport précise qu’« au moins 109 femmes avaient également été violées ».
Moussa Dadis Camara, qui dirigeait la Guinée entre 2008 et 2009, a été reconnu coupable « sur la base de la responsabilité du supérieur hiérarchique » et pour « son intention de réprimer la manifestation », selon les termes du président du tribunal rapportés par RFI. Il avait également été condamné pour avoir manqué à son devoir de sanctions contre les auteurs du massacre.
L’ancien chef du CNDD (Conseil National pour la Démocratie et le Développement) avait quitté la Guinée en 2010 après une tentative d’assassinat, vivant en exil au Burkina Faso pendant 13 ans. Il est revenu volontairement en Guinée en 2022 pour assister à son procès, au cours duquel il « répondait d’une litanie de crimes d’assassinats, violences sexuelles, actes de torture, enlèvements et séquestrations ». Il encourait initialement la réclusion à perpétuité mais a finalement été condamné à 20 ans de prison.
Cette grâce intervient dans un contexte particulier. RFI rapporte que « cette semaine, huit mois après ce verdict qualifié d’historique par certaines ONG de défense des droits de l’homme, les autorités guinéennes ont également publié un décret annonçant la prise en charge des frais d’indemnisation des victimes du massacre du 28 septembre 2009 ». Mais la réalité sur le terrain reste amère : « À ce jour, les 400 parties civiles attendent toujours réparation », précise la source.
Ce développement soulève des questions importantes sur l’engagement de la junte militaire actuelle envers la justice transitionnelle et le respect des décisions judiciaires dans un pays qui tente encore de panser les plaies de son passé récent.
La libération de Moussa Dadis Camara marque un nouveau chapitre controversé dans l’histoire politique tumultueuse de la Guinée, alors que le pays reste sous gouvernance militaire après le coup d’État de septembre 2021 qui a porté le général Mamadi Doumbouya au pouvoir.
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