Drone, accusations, Touaregs… Pourquoi les tensions montent à nouveau entre l’Algérie et le Mali ?

Les vieilles tensions entre Alger et Bamako atteignent, ces derniers jours, un sommet au point de vue diplomatique. Le Mali et ses alliés du Niger et du Burkina Faso ont annoncé dimanche le rappel de leurs ambassadeurs respectifs en Algérie, qui s’est dite « consternée ».

Si la méfiance entre les deux pays qui partagent une frontière de 1.329 km dans le Sahara remonte à plusieurs décennies, elle s’est réveillée ces derniers jours. La trêve diplomatique trouvée en début d’année semble bien rompue. Pourquoi les deux pays se disputent-ils depuis des décennies ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ces derniers jours ? Jusqu’où l’escalade des tensions peut-elle aller ?

Le drone de trop

Deux versions s’affrontent. D’un côté, l’Algérie justifie avoir abattu un drone de l’armée malienne dimanche après que ce dernier a pénétré son espace aérien de deux kilomètres. Mais pour Bamako, l’engin a été détruit sur son propre territoire, à Tinzaouatène. A la suite d’une enquête, le Mali a « conclu avec une certitude absolue que le drone a été détruit suite à une action hostile préméditée du régime algérien », a affirmé dans un communiqué le ministère malien des Affaires étrangères. Ce à quoi l’Algérie a répondu en dénonçant des « allégations mensongères ».

Un dialogue de sourd qui ne risque pas de se résoudre puisque « aucun des deux ne peut accepter la version de l’autre », pointe François Gaulme, chercheur associé au centre Afrique de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Les débris de l’engin ont été retrouvés du côté malien de la frontière par les rebelles indépendantistes du FLA (Front de libération de l’Azawad), près de Tinzaouatène, rapporte RFI.

Les Touaregs au cœur des tensions

La destruction du drone de fabrication turque, une nouveauté dans la région, constitue une agression d’autant plus grave qu’il devait cibler une « grande réunion de cadres terroristes », a dénoncé le chef d’état-major général des armées du Mali. Or, Bamako accuse l’Algérie de défendre les groupes terroristes. « Une terminologie propre à Bamako, souligne toutefois François Gaulme. Il s’agit en fait des séparatistes touaregs du nord du Mali » que Bamako ne parvient pas à contrôler.

Même si certaines tribus touaregs sont islamistes, voire parfois djihadistes, on ne parle pas ici des groupes djihadistes comme le JNIM (ancien al-Qaïda au Maghreb islamique) ou l’Etat islamique au grand Sahara (EIGS). Il y a bien eu des alliances de circonstances, comme en 2012 quand les groupes armés ont pris Bamako, déclenchant l’intervention française. Mais aujourd’hui, « ce sont des indépendantistes, ils ne sont pas sur la même ligne du tout », précise François Gaulme selon qui « l’Algérie est accusée par le Mali de favoriser ces indépendantistes depuis cinquante ans », ce qui crée « des tensions politiques constantes » entre les deux Etats.

La discorde s’est creusée un peu plus lorsque Bamako a enterré les accords d’Alger signés en 2015 mettant fin à la guerre au Mali. « La junte au Mali a bloqué le processus de paix notamment parce qu’elle ne veut pas reconnaître les avancées obtenues en faveur des Touaregs », explique Jean-Marc Gravellini, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Un pied de nez inacceptable pour l’Algérie qui voit son rôle diplomatique régional remis en question.

Un horizon bouché

Déjà en fin d’année dernière, une crise diplomatique avait éclaté après que le ministre des Affaires étrangères algérien avait critiqué la gestion du nord Mali. « Il n’y a pas de solution militaire. Ce n’est pas une solution », avait déclaré Ahmed Attaf en prévenant que l’Algérie ne permettra pas que « des mouvements politiques ayant participé à l’accord d’Alger [comme c’est le cas du Front de libération de l’Azawad, fondé par des séparatistes touareg au Mali] soient qualifiés en une nuit comme étant des organisations terroristes. » Une déclaration rapidement qualifiée d’ingérence par la junte militaire malienne.

Une voie vers l’apaisement avait finalement été trouvée avec la nomination du Malien Mohamed Amaga Dolo comme nouvel ambassadeur en Algérie le 28 février dernier. « Les frères maliens ont compris que l’Algérie n’est pas seulement un voisin, mais un frère », s’était réjoui un mois plus tard le président algérien Abdelmadjid Tebboune, rapporte le média marocain Yabiladi.

Une entente qui n’est plus à l’ordre du jour. S’il est peu probable que les deux pays en viennent à l’affrontement sur le terrain, aujourd’hui, avec l’équipe dirigeante actuelle à Bamako, l’horizon semble bouché. Jean-Marc Gravellini « ne voit pas trop de solutions de sortie de crise à court et moyen terme ».

Crédit: Lien source

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.