Sprinteur, marathonien ou joggeur du dimanche, l’homme est épris de liberté. Courir le comble, et peu importe la distance : 100 mètres, parcourus en plus ou moins dix secondes par un athlète de haut niveau, peuvent y suffire. Dorian Keletela l’a vérifié. « Ce n’est pas grand-chose, dix secondes, concède-t-il, mais c’est long quand on est sur la piste. »
Suffisamment long pour éprouver un « sentiment de liberté » entre la ligne de départ et celle d’arrivée. « La première fois que j’ai ressenti ça, c’était aux Jeux olympiques de Tokyo [en 2021], poursuit-il. Depuis, cette sensation revient à chaque fois que je participe à une course. C’est extraordinaire de se sentir libre comme ça. » Est-ce parce qu’il ne l’a pas toujours été, « libre », que ce natif de Kinkala, à l’extrême sud du Congo, a l’impression de l’être pleinement, aujourd’hui, dès qu’il file sur le tartan ?
Licencié au club d’athlétisme d’Antony (Hauts-de-Seine), Dorian Keletela vit, depuis 2022, en France, ultime étape d’un périple migratoire l’ayant au préalable conduit au Portugal alors qu’il était encore mineur. A 25 ans, il s’apprête à participer à ses deuxièmes Jeux olympiques (JO) d’affilée, dans la catégorie reine du 100 m, sous les couleurs de l’équipe des réfugiés, cette sélection extra-nationale créée, en 2016, par le Comité international olympique (CIO) afin de venir en aide aux athlètes d’élite touchés par la crise migratoire.
Une adolescence marquée par les conflits ethniques
A Tokyo, en 2021, il avait été éliminé après la deuxième série qualificative. A Paris, il espère atteindre les demi-finales et pulvériser son record personnel (10 s 27). « Je sais que c’est possible », raconte celui que « l’adrénaline de la compétition transcende », d’après son coach, Elliot Draper.
Ce matin-là, le stade Georges-Suant d’Antony (Hauts-de-Seine) grouille d’adolescents guillerets venus participer à une compétition interscolaire dont il ignorait l’existence. Le sprinteur avait prévu de s’entraîner sur la piste après son entretien avec Le Monde, c’est raté. Pour se confier en toute tranquillité, le repli est tout trouvé : une salle de musculation dissimulée sous les tribunes, cabinet de torture volontaire qu’il fréquente avec assiduité.
Le gaillard (1,77 mètre, 75 kilos) y sculpte au quotidien le bloc-moteur de son anatomie, un groupe abdominaux/adducteurs/ischio-jambiers particulièrement développé, qui le distingue des sprinteurs longilignes actuels, comme l’Américain Christian Coleman ou le Botswanais Letsile Tebogo. Sa force réside dans le démarrage, la puissance, l’énergie – et la sueur en amont. « Dorian est un bourreau de travail », souligne Elliot Draper, qui le cornaque depuis fin 2022.
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