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- Author, Khadidiatou Cissé
- Role, BBC Afrique
Pour la première fois depuis 1967, une élection présidentielle se tient au Gabon sans la dynastie Bongo. Après que celle-ci a été chassée du pouvoir à la suite d’un coup d’État en 2023, orchestré par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, tous les yeux sont désormais rivés sur le pays d’Afrique Centrale qui ambitionne de donner corps à une alternance politique réelle.
Plus de 846 000 électeurs gabonais, selon les chiffres des dernières élections générales de 2023, sont attendus aux urnes ce 12 avril 2025 pour choisir leur prochain président.
Cette élection précise l’ouverture d’un nouveau chapitre pour le Gabon. Ce pays dont la population totale est estimée à 2,3 millions de personnes, pourtant riche en ressources naturelles, est en proie à de profondes inégalités sociales.
Selon la Banque mondiale, environ un tiers de la population gabonaise vit dans la pauvreté. La situation est d’autant plus grave dans les zones rurales où la pauvreté est trois fois plus profonde que celle des urbains pauvres.
La réduction du chômage, la lutte contre la corruption, l’amélioration de l’efficacité des infrastructures et la diversification de l’économie– pour réduire la dépendance du pays au pétrole –figurent parmi les préoccupations majeures du peuple gabonais.
Cette échéance électorale marque l’ouverture effective d’un nouveau chapitre politique, près de deux ans après le coup d’État militaire qui a renversé le président gabonais Ali Bongo Ondimba.
L’auteur du putsch, le général Brice Oligui Nguema – alors chef de la garde républicaine—avait rapidement été investi comme « président de transition ».
Lors de sa prestation en septembre 2023, il avait notamment promis de rendre le pouvoir aux civils et d’installer des « institutions plus démocratiques ».
Toutefois, après l’entrée en vigueur du nouveau code électoral en janvier 2025, M. Nguema a officiellement annoncé sa candidature à l’élection présidentielle.
Une annonce qui marque donc une nouvelle étape dans la reconfiguration de la scène politique gabonaise.

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Une série de premières
Ce scrutin inaugure plusieurs « premières fois ».
S’il est particulier en ce qu’il exclut pour la première fois la famille Bongo, il amorce également un changement majeur ; les militaires et les magistrats ont désormais la possibilité de prétendre à l’investiture suprême, à condition d’être mis en disponibilité.
Une révision qui s’est vue matérialisée par la candidature officielle du général Oligui Nguema, il y a quelques semaines.
En outre, c’est aussi la première fois depuis 1993, date de la première élection multipartite, qu’une présidentielle se tiendra sans un candidat du Parti démocratique gabonais (PDG), l’ex-parti au pouvoir.
Fragilisé par une implosion interne suite au coup d’État militaire, le PDG a perdu plusieurs de ses membres les plus influents, certains ayant été emprisonnés et d’autres ayant choisi de se distancier du parti en créant leur propre mouvement ou en rejoignant les rangs du président de transition.
De fait, autrefois hégémonique, la formation politique a connu une chute de popularité, une majorité de la population l’associant aux échecs du règne Bongo.
« Il n’y a personne pour vraiment incarner l’opposition », affirme Bergès Mietté, professeur à l’Université Internationale de Libreville.
D’après le chercheur spécialisé en science politique, « cette élection devrait être très peu disputée », ajoutant que Brice Oligui Nguema bénéficie d’un statut de héros national depuis le putsch.
Cette projection est davantage solidifiée quand on constate le nombre élevé de dossiers de candidatures rejetés par le ministre de l’Intérieur.

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Qui peut être candidat à la présidentielle ?
Sur 23 dossiers reçus, seuls 8 ont été validés..
Cela s’explique notamment par le durcissement des critères d’éligibilité. En l’occurrence, selon l’article 43 de la nouvelle Constitution adoptée en novembre 2024, pour prétendre au fauteuil présidentiel, les candidats doivent remplir les critères suivants :
- être né Gabonais d’au moins un parent gabonais, lui-même né Gabonais,
- avoir la nationalité gabonaise unique et exclusive,
- s’il bénéficiait d’une autre nationalité, il doit y avoir renoncé au moins 3 ans avant l’élection,
- être âgé de 35 ans à 70 ans,
- avoir un(e) conjoint(e) gabonais(e), né(e) d’au moins un parent gabonais, étant lui aussi né Gabonais,
- avoir résidé au Gabon pendant au moins 3 ans sans interruption avant le scrutin présidentiel,
- parler au moins une langue nationale,
- jouir de toutes ses facultés physiques et mentales,
- et jouir de ses droits civils et politiques.
Qui plus est, et c’est là qu’on décèle la volonté de rompre avec les pratiques du système Bongo, aucun conjoint ni descendant du président sortant ne peut désormais se porter candidat à sa succession.
Ceci étant, la nouvelle Constitution élargit la latitude d’action du Président de la République, le poste de Premier ministre étant supprimé au profit d’un vice-président chargé de coordonner le gouvernement.

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Quel est le mode de scrutin ?
Le président gabonais est élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. En d’autres termes, si aucun des candidats n’arrive à obtenir la majorité absolue, un second tour est organisé pour les deux ayant obtenu le plus de voix.
Par ailleurs, la durée du mandat présidentiel passe de 5 ans à 7 ans, et celui-ci n’est renouvelable qu’une seule fois.
Qui sont les candidats retenus ?
Il y a, tout d’abord, celle de Brice Clotaire Oligui Nguema, l’actuel président de la transition. Mis en disponibilité, l’officier de l’armée est autorisé à être candidat à sa propre succession.
Alain-Claude Billie-By-Nze, un ancien Premier ministre sous Ali Bongo, tente également de briguer un mandat présidentiel. De nombreux experts le décrivent comme le seul candidat en capacité de rivaliser avec M. Nguema, au regard de son expérience et de sa connaissance de l’appareil d’État.
Juriste et inspecteur des impôts, Joseph Lapensée Essingone est un Gabonais issu de la diaspora, ayant longtemps résidé en France. S’affirmant comme étant le « candidat de la rupture et du rassemblement », il souhaite impulser un renouveau sur l’échiquier politique gabonais.
Il y a ensuite Stéphane Germain Iloko Boussengui, lui aussi un ancien Premier ministre sous Ali Bongo, mais aussi ex-porte-parole du PDG. Leader du mouvement « Large Rassemblement Arc-en-Ciel », le médecin a longtemps cheminé aux côtés de M. Billie-By-Nze, mais a finalement décidé de tracer sa propre voie dans la course présidentielle.
Initialement rejetées par le ministère de l’Intérieur, mais finalement validées par la Cour constitutionnelle, les candidatures de Thierry Yvon Michel Ngoma, Axel Stophène Ibinga Ibinga, Alain Simplice Boungoueres et Zenaba Gninga Chaning ont été acceptées.
Le premier, Dr Thierry Yvon Michel Ngoma, est administrateur des ressources humaines. Il avait déjà été candidat à l’élection présidentielle de 2023, mais les résultats de celle-ci ont été annulés par le putch. Le bien-être social est au cœur du programme de M.Ngoma, qui promet la gratuité des soins de santé s’il devient président.
Patron de la société d’investissement Ax Capital Investment Gabon, Axel Stophène Ibinga Ibinga se positionne comme l’entrepreneur qui créera des emplois et redynamisera l’économie gabonaise.
Si Alain Simplice Boungoueres est un ancien cadre du PDG, il a cependant indiqué vouloir insuffler une nouvelle dynamique dans la politique gabonaise. Nommé Secrétaire général du
ministère gabonais de l’Industrie en février 2024, il a créé la surprise cette même année-là, après avoir offert 12 millions de FCFA au Trésor public, expliquant qu’il s’agissait là d’une façon de demander pardon, « pour (sa) participation au sous-développement » du pays.
Enfin, Zenaba, Gninga Chaning, la seule femme dans la course à la présidentielle, prône « la vision d’un Gabon solidaire et prospère ». L’entrepreneure se présente en tant que candidate indépendante, qui ambitionne de réduire la dépense publique et de mettre fin au chômage des jeunes gabonais.
Les 8 candidats n’auront que deux semaines pour convaincre les électeurs, la campagne électorale se tenant du 29 mars au 10 avril à 23h59.
Les résultats provisoires sont attendus dans les jours qui suivent l’élection. La Cour constitutionnelle proclamera les résultats officiels, après avoir étudié toute éventuelle contestation.
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