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- Author, Chérif Ousman MBARDOUNKA
- Role, Digital Journalist – BBC Afrique
- Twitter, @cherif_ousman
- Reporting from Libreville – Gabon
Au Gabon, la jeunesse constitue une part significative de la population du pays. 60% de la population a moins de 25 ans, avec des défis notables en matière d’emploi et d’éducation.
Selon les données de l’UNICEF, les adolescents représentent 21 % de la population totale du Gabon. Par ailleurs, les données démographiques indiquent que 36,45 % de la population gabonaise est âgée de 0 à 14 ans.
Statista, une plateforme en ligne spécialisée dans la collecte et la visualisation de données, évalue le taux de chômage des jeunes à 36,53%. Ce taux de chômage se réfère à la part de la population économiquement active âgée de 15 à 24 ans et actuellement sans travail mais à la recherche d’un emploi.
À la veille de l’élection présidentielle du 12 avril au Gabon, les jeunes gabonais rencontrés dans les rues de Libreville décrivent les problèmes auxquels ils font face et expriment leurs souhaits de changements.
Le chômage des jeunes un défi majeur
Maxime est étudiant à l’université Omar Bongo (UOB) et en même temps à la recherche d’un emploi.
Le jeune homme a plusieurs fois déposer des demandes d’emploi qui sont restées sans suite. « Vous savez aujourd’hui dans notre pays, c’est un peu difficile de trouver un emploi », explique-t-il désespérément.
Maxime voudrait que la jeunesse soit la priorité du futur président. Selon lui, il y a beaucoup de jeunes Gabonais diplômés, mais qui sont au chômage.
« Tout ce que nous voulons du nouveau président, c’est de penser d’abord à la jeunesse, parce que je pense que la jeunesse, c’est l’avenir de demain, c’est l’avenir de notre pays ».

Mariska Mbéwé est également étudiante à l’université Omar Bongo de Libreville.
Originaire de la ville de Koulamoutou, dans la province de l’Ogooué-Lolo, la jeune fille a rejoint Libreville pour poursuivre ses études. Une délocalisation qui a entraîné plusieurs charges. « Nous qui venons des provinces n’ayant pas de soutiens moraux et de soutiens financiers, nous vivons dans des situations vraiment inadéquates », déplore-t-elle.
Située à Libreville, l’Université Omar Bongo est la plus ancienne et la principale université du pays. Fondée en 1970, elle accueille environ 34 000 étudiants. La jeune Mariska décrie également les conditions d’enseignement et le nombre pléthorique dans les salles de cours. « Les fascicules qu’il faut payer chaque jour, les taxes, il faut se nourrir et s’habiller. Tout ça pèse sur un jeune étudiant de 16 ans ou 17 ans qui ne connaît rien de la vie », nous raconte-elle. « Donc, on a besoin que le président puisse penser à nous les étudiants ».
« Il n’y a pas que la fonction publique »
Mbounanga Alex est originaire de la province de l’Ogooué-Lolo. Lui également est venu à Libreville pour ses études.
Après un passage à l’UOB, il s’est lancé dans la photographie de rue.
Alex est ce qu’on appelle ici « shooter », un photographe ambulant qui propose des photos à tout passant.
Il considère le rond-point « Charbonnage » où on l’a rencontré, comme son bureau.
« Ce que je fais, je le fais avec amour, je le fais avec passion. Là où j’exerce, cette rue, c’est un bureau, c’est un peu de l’entrepreneuriat privé », lance-t-il avec sa caméra au bras.
Alex encourage ses jeunes compatriotes à entreprendre. « Il n’y a pas que la fonction publique, il n’y a pas que le bureau, il y a autre chose à faire », dit-il.
Et quand on lui demande ses attentes vis-à-vis du prochain président, Alex souhaite voir « de l’activité aussi dans les provinces ».
Pour lui, la grande concentration des entreprises publiques et privées à Libreville est la cause de sa forte population et du taux de chômage qui en découle.
Selon les estimations de 2025 de la Banque mondiale, la population de Libreville est d’environ 899 000 habitants soit environ 39 % de la population nationale.
« Ce n’est pas tout le monde qui est appelé à venir ici pour travailler, ce n’est pas tout le monde qui peut s’en sortir dans la capitale », explique Alex.

Joris Moussavou Kombila, quant à lui, a choisi d’entreprendre. Après ses études, il a créé une petite entreprise de génie civil qui peine cependant à se développer faute de moyens. Le jeune entrepreneur dénonce le manque de financement et l’accompagnement des pouvoirs publics.
« Vous savez, on a longtemps été rabaissé dans la mesure où on disait le Gabonais, il ne veut rien faire. Le jeune Gabonais lui, il se comporte comme un pacha, il ne veut pas faire des petits métiers. Au Gabon, il y a une multitude d’entrepreneurs. Mais on n’a pas l’accompagnement, on n’a parfois pas la formation qu’il faut », raconte Joris.
M. Moussavou dit qu’il a également des difficultés à avoir des marchés pour « pouvoir démontrer ce qu’on fait, pouvoir accompagner notre pays, travailler pour notre pays et aussi donner du travail à nos concitoyens ».
Selon lui, les autorités ne font pas assez confiance aux jeunes entrepreneurs pourtant, « c’est au fil du temps qu’on exerce qu’on s’améliore, c’est en travaillant qu’on apprend », déclare-t-il avec espoir.
Selon l’économiste Roger Allogho Nkoua, il « appartient aux jeunes Gabonais de se prendre en charge en mettant en place des projets probants et bien structurés pour espérer avoir des financements et un accompagnement de l’Etat ». « Il ne suffira pas de se mettre à leur propre compte de manière véhémente, il faudra assurer derrière la pérennité de cette activité », conseille l’économiste.
Roger Allogho Nkoua estime que le chômage des jeunes diplômés gabonais est dû « essentiellement à la mauvaise orientation au niveau des études ». Il explique qu’il y a une inadéquation entre l’offre de formation et la demande sur le marché de l’emploi. En outre, il justifie que l’Etat ne peut pas employer tous les jeunes diplômés. Le secteur privé, notamment le secteur informel est abandonné « aux expatriés », car selon lui, « le jeune Gabonais, malheureusement, est bourré de complexe ».
« Le Gabonais commence à prendre conscience cependant, parce qu’il y a 10 ans de cela, les Gabonais ne s’intéressaient pas aux métiers de taximan par exemple », dit-il.

Des initiatives pour lutter contre le chômage des jeunes
Le Gabon a mis en place plusieurs initiatives pour améliorer l’accès à l’éducation et à l’emploi des jeunes même si les résultats escomptés ne sont pas encore atteints.
En février 2024, l’ICESCO (Organisation du monde islamique pour l’éducation, les sciences et la culture) en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, a lancé un projet visant à promouvoir l’alphabétisation et l’autonomisation économique des femmes et des filles au Gabon. Ce projet bénéficie à 50 femmes et filles du Centre d’alphabétisation de Libreville.
Dans ce même sillage, le Groupe de la Banque mondiale avait défini un nouveau Cadre de partenariat-pays pour le Gabon en novembre 2022, axé sur la création d’emplois pour sa population jeune et largement urbanisée. Ceci dans le but de diversifier l’économie au-delà du secteur pétrolier.
En mars dernier, les nouvelles autorités ont organisé les « Assises nationales sur l’Emploi ».
Ce rendez-vous a permis selon le gouvernement, d’identifier les leviers d’action pour améliorer l’employabilité des jeunes, dynamiser le marché du travail et répondre aux attentes des demandeurs d’emploi.
Le Premier ministre Raymond Ndong Sima, qui a présidé la cérémonie de le clôture le 14 mars, a indiqué qu’ « il nous faut agir avec pragmatisme pour bâtir un cadre plus inclusif et plus attractif ». « Nous devons repenser notre modèle économique en plaçant l’humain et les compétences au cœur du développement » a-t-il poursuivi.
Pour faire face à ces défis, plusieurs solutions ont été proposées par les participants à ces assises. Renforcer la formation professionnelle, encourager l’entrepreneuriat et instaurer un cadre incitatif pour les entreprises, sont entre autres les solutions envisagées.
Des engagements ont également été pris pour améliorer la coordination entre l’État, les employeurs et les organismes de formation.
En outre, pour promouvoir l’entrepreneuriat et renforcer la participation des jeunes gabonais dans le secteur du transport urbain, le Président de la Transition Brice Clotaire Oligui Nguema a lancé le projet « Taxi Gab+ » en octobre 2024. À ce jour, 816 véhicules ont été attribués aux jeunes gabonais. Cette initiative s’étendra dans l’arrière-pays selon les autorités qui annoncent que cette dotation sera accompagnée de l’ouverture de 2 garages afin de garantir l’entretien desdits véhicules.

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L’emploi des jeunes, un enjeu politique ?
Dans leur discours de campagne, tous les candidats en lice pour la présidentielle du 12 avril ont promis résoudre la question du chômage des jeunes. Avec des méthodes plus ou moins différentes.
Alain-Claude Bilie By Nze, le principal challenger, considéré comme l’adversaire le plus sérieux du général Oligui, propose un « virage libéral », « une stratégie de reconquête de la souveraineté industrielle » pour garantir de l’emploi aux jeunes. Il promet un « revenu minimum garanti » pour les plus vulnérables financé par les revenus pétroliers et miniers.
La seule femme de la liste, Zenaba Gninga Chaning, première Gabonaise candidate à la présidence, milite pour le développement de l’emploi, avec notamment des centres de formations gratuits pour les jeunes.
Axel Stophène Ibinga Ibinga, l’entrepreneur a pour slogan « La République au travail ». Pour lui « l’antidote » aux problèmes du pays, à commencer par le chômage, passe par le soutien aux entreprises. Il souhaite créer autant d’entreprises qu’existent de partis et d’associations politiques.
Pour Joseph Lapensée Essingone, l’griculture et l’élevage sont des niches d’emplois à exploiter pour « combattre le chômage des diplômés ».
Présenté comme le favori de cette élection, Brice Oligui Nguema promet de mettre un fonds de 20 milliards de francs à la BCEG (Banque pour le Commerce et l’Entrepreneuriat du Gabon). Cette somme sera destinée à « encourager les microcrédits afin de créer 20 milles d’emplois pour les jeunes ». « L’essor vers la félicité », son slogan, tiré de l’hymne national, résume son programme de « bâtisseur ».
Pour l’heure, les jeunes gabonais espèrent que toutes ces promesses électorales seront réalisées par le vainqueur de la présidentielle du 12 avril.
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