Elections présidentielles en Côte d’Ivoire : Vincent Toh Bi crie son indignation

Vincent Toh Bi irié s’interroge sur les élections présidentielles en Côte d’Ivoire

Dans une déclaration intitulée, « ne me dites pas que ce pays est maudit! » et publiée sur sa page officielle Facebook, l’ancien préfet d’Abidjan,
Vincent Toh Bi Irié jette un regard sur la politique ivoirienne. Une analyse
pertinence qui fait l’historique des élections en Côte D’Ivoire depuis les
indépendances jusqu’à nos jours..

Ci-dessous, l’intégralité de la déclaration

 

NE ME DITES PAS QUE CE PAYS EST MAUDIT !

Aidez-moi à comprendre pourquoi toutes les élections
présidentielles en Côte d’Ivoire, depuis 65 ans, annoncent toujours le chaos?

Aidez-moi à comprendre comment le Liberia voisin, qui
a connu l’une des guerres les plus atroces de la fin du 20e siècle et dont on
n’arrive pas encore aujourd’hui à estimer le nombre approximatif de morts, est
capable d’organiser des élections presque propres, transparentes et sans
violence, seulement quelques années après la restauration de la paix, et que la
Côte d’Ivoire ne réussit pas à stabiliser sa démocratie ?

Expliquez-moi comment le Ghana, qui a touché le fond
de la misère abyssale (au point que les Ivoiriens ironisaient « tombé comme
Ghana »), qui a connu d’atroces coups d’Etat et dont les ressortissants
accomplissaient les tâches les plus ingrates et les plus déshonorantes en Côte
d’Ivoire, soit devenu un modèle de démocratie et une fierté pour l’Afrique, au
point qu’un Parti au pouvoir reconnaisse sa défaite seulement 14 heures après
la clôture des bureaux de vote ?

Expliquez-moi comment l’exercice de la démocratie
est-il si difficile en Côte d’Ivoire, 
alors que ce pays ne se trouve ni sur Mars ni sur Jupiter, mais juste
voisin du Liberia et du Ghana? Ça fait quoi si on se fait contaminer par les
bonnes pratiques de nos voisins ?

Tous les Partis politiques, qui ont  chacun dirigé la Côte d’Ivoire, ont toujours
essayé de garder le pouvoir pour eux seuls, éternellement, jusqu’à ce que des
situations confuses les en éloignent. Pourquoi ?

Tous les 4, 5, 6, 7 ans , presque toutes les Nations
du monde procèdent au renouvellement de leurs instances dirigeantes, avec plus
ou moins de succès . Mais quand arrive notre tour en Côte d’Ivoire, ce sont 147
morts, 3.000 morts, 87 morts, que nous avons à fournir comme bilan au monde.
Pourquoi sommes-nous condamnés à fournir ces bilans macabres? Parce que nous
voulons coûte que coûte accéder au pouvoir en nageant dans une mare de sang et
chasser les autres ? Parce que parce que nous voulons nous maintenir au pouvoir
sur les squelettes de nos concitoyens? Quel pouvoir dans l’Histoire de
l’Humanité n’a pas dû finir un jour, pour que tous les pouvoirs en Côte d’Ivoire
soient si amnésiques ?

Les militants zélés soutiennent les errements de leurs
Partis et les actes les plus dégradants et les plus ignobles pour la dignité
humaine, parce que nos dirigeants respectifs leur ont appris que le pouvoir
n’appartient qu’à leur Parti et qu’ils ont droit de vie et de mort sur les
autres citoyens.

La démocratie, du fait de notre système
politique,  ne peut être que le produit
de la volonté de ceux qui sont à la tête de l’Executif. Ce sont eux qui doivent
veiller et imposer que les libertés individuelles soient protégées par les
agences publiques, qu’il y ait plus de justice, plus de transparence
électorale. La démocratie ne viendra jamais par un coup de baguette magique,
par de faibles institutions ou par des animateurs politiques ou administratifs,
pour qui les intérêts matériels et les privilèges sociaux sont plus importants
que le bon fonctionnement de la démocratie et le bien-être de tout le peuple.

Ne me dites pas que ce pays est maudit. Non. Nous
sommes dotés d’intelligence et nous pouvons facilement tourner le gouvernail de
la destinée de notre pays pour éviter les guerres, les conflits, les
déchirements, les divisions, les désordres nés des élections biaisées et par
conséquent contestées.

À quoi sert-Il d’exercer un pouvoir et de trembler à
l’idée de le perdre ou à l’idée de savoir les représailles que nous subirons
quand nous n’aurons plus ce pouvoir ?

Le premier Président de la Côte d’Ivoire est décédé au
pouvoir. Il s’en est suivi une sévère brouille entre le Premier ministre
d’alors et le Président de l’Assemblée Nationale, qui a failli faire basculer
le pays dans le chaos. Le deuxième Président a été déchu du pouvoir par Coup
d’Etat dont nous ne nous sommes pas remis d’ailleurs. Le troisième Président
est parti du pouvoir dans une confusion et une insurrection populaire ayant
fait plusieurs morts, à la suite d’une élection. Lui-même sera retrouvé deux
ans plus tard mort et jeté dans un caniveau d’Abidjan, lors de confusions
sécuritaires. Le quatrième Président a perdu le pouvoir dans un imbroglio
militaro-politico-diplomatico-social. Le 5eme Président a fait face à trois
élections compliquées.

Ne me parlez surtout pas de malédictions pour ce beau
pays en matière de démocratie et d’élections. Non. Ce pays n’est point maudit.
Il s’agit juste d’une incompréhensible attitude de la classe politique
ivoirienne, qui n’est mue que par la volonté d’une totale possession du
pouvoir, tout le pouvoir pour elle seule, jusqu’à la déchéance du pays et qui,
dans l’unique souci de la préservation de ses intérêts, raidit des positions
politiques.

Pourquoi on ne fait pas la politique chez nous avec un
peu d’humanisme, de réalisme, en tirant des leçons de l’Histoire africaine
récente ?

Il est temps que la conscience nationale s’attelle à
bâtir une vraie démocratie où l’alternance devient routine et où les tenants du
pouvoir précédent vivent tranquillement leur vie politique,  sociale et familiale, sous le règne de ceux
qui leur  auront succédé.

Celui qui offrira à la Côte d’Ivoire cette ère de
liberté et d’élections transparentes aura donné à la Côte d’Ivoire l’unique
denrée qu’elle n’a jamais eue de toute son existence et dont elle a besoin pour
figurer parmi les Nations les plus respectables d’Afrique. La liberté et
l’élection transparente apportent le développement et le bonheur.

La Côte d’Ivoire a tout connu : la CAN, les JO, la
participation à des Coupes du Monde, des ponts, des infrastructures, des
sommités, des records. Donnons-lui ce qu’elle n’a jamais vraiment connu: la
paix et des élections pacifiques.

Excellence Monsieur le Président de la République, il
y a des grincements de dents dans l’arène politique, à l’approche des
élections. Le peuple commence à prendre peur, ceux qui vivent ici aussi. Vous
avez tout le pouvoir et tous les instruments nécessaires pour donner au pays
une première élection paisible, pour permettre une inclusion et une large
participation. Le peuple, votre peuple, vous en sera reconnaissant. L’Histoire
vous gratifiera d’une infinie reconnaissance. N’écoutez pas les faucons, ils
perdront le pays. Ils ne veulent ni votre bien ni le bien de la Côte d’Ivoire.
Votre legs dans l’Histoire du pays et de sa stabilité guidera vos décisions.

J’aperçois déjà les militants zélés et aveuglés
avancer avec leurs gros sabots sous ce post pour défendre leurs Partis
politiques respectifs. L’Histoire les regarde et se désole de ne pas avoir de
grosses mains pour les gifler….. Mais elle attend pour leur signifier qu’elle
finit toujours par avoir raison.

Vous, vous parlez pour vos Partis politiques
respectifs ( qui passeront un jour ou l’autre) . Nous, on défend la Côte
d’Ivoire (qui demeurera à jamais), la paix et les générations à venir.

Vincent Toh Bi Irié, ancien préfet d’Abidjan


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