Rédaction Pont-Audemer
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Découper du papier, rien de plus facile direz-vous ! Sauf qu’entre le maniement malhabile de ciseaux par une charmante tête blonde et le travail minutieux d’une artiste progressant lentement au scalpel dans son ouvrage, il y a réellement deux mondes…
Strasbourgeoise de toujours ayant adopté la Normandie voici une petite année pour « regarder les arbres, baigner dans la nature, voire dans la mer toute proche », Anne-Dominique Brandt s’adonne avec force et motivation à son loisir de découpeuse de papier. Un art quasiment méconnu dans notre région qui occupe bien les journées de cette ancienne formatrice en marketing et de son époux Jean, graphiste, lui aussi retraité.
Une tradition populaire germanique et suisse
D’où vient donc cette passion de notre néo-Normande pour cette activité qui demande beaucoup de patience et concentration ? « Mes grands-parents exerçaient la profession d’encadreurs et possédaient donc beaucoup de tableaux que des clients amnésiques avaient omis de venir rechercher. J’étais alors gamine et je me souviens particulièrement de trois d’entre eux qui représentaient des paysages en papier découpé au ciseau. Après le décès de mes aïeux, il fut nécessaire de vider leur demeure. Intriguée par ces encadrements inhabituels, je décidais, après accord, de les conserver », retrace-t-elle.
Jusqu’à cette année 2014 où Anne-Dominique Brandt se rend en Suisse pour fréquenter des expositions relatives à cet art populaire ! « En effet, dans ces régions germanique et suisse, les bergers et bouviers conduisaient leurs troupeaux dans les alpages pour la saison estivale. Là-haut, en altitude, isolés du monde, le temps peut parfois être long et pour occuper ces heures calmes, ces gardiens de bétails découpaient donc des dessins au ciseau. »
Tout commence ainsi, de nos jours, par la prise d’une photo coup de cœur ou représentant une histoire personnelle. Professionnel du graphisme, Jean entre alors en action pour numériser le cliché, le travailler informatiquement afin de l’agrandir au format de travail choisi, soit A5, A4 ou A3. « Il s’agit de rester fidèle à la photo tout en peaufinant certains détails afin de la rendre découpable », explique ce fan de méticulosité qui imprime alors la vue travaillée sur un papier bicolore noir et blanc. Tâche accomplie avec succès pour Monsieur, à Madame d’œuvrer !
Entre loupe, scalpel et cutter
Bien installée au calme, dans son atelier situé au premier étage de sa maison, bercée par une douce musique d’ambiance, Anne-Dominique saisit scalpel, cutter et loupe avant un dernier réglage de luminosité sur son plan de travail : « C’est simple, il suffit maintenant d’ôter toutes les parties blanches du papier », résume laconiquement l’artiste blacarvillaise. Une simplicité émaillée, somme toute, de multiples difficultés !
L’œuvre ainsi en cours représente une vue du bassin d’Honfleur prise dos à l’Hôtel de ville :
Je commence toujours par le centre de l’image, parce qu’il faut tenir compte du frottement des manches sur le papier. Je n’ai pas droit à l’erreur car il est hors de question de recoller un morceau qui aurait été mal découpé accidentellement. Au final, la feuille, devenue une véritable dentelle de papier, doit se présenter en un seul tenant.
Elle compte passer trois semaines pour parachever cette création.
Et des moments de stress intenses, il y en aura, lors du découpage du fin clocher de l’église Sainte-Catherine, par exemple, ou encore, instant le plus redouté, lors du collage de l’ensemble sur une feuille de papier blanc : « Il ne doit y avoir aucune bulle, aucune aspérité, ça doit être parfait ! Une fois, il m’est arrivé de rater cette dernière opération. Des journées de labeur ont été anéanties, j’en ai pleuré mais j’ai décidé de refaire à nouveau cette pièce qui me tenait à cœur. »
Membre de la Guild of America Paper Cutter et de la Société des découpeurs suisses, Anne-Dominique, qui a exposé au château d’Oex, en Suisse, s’est d’abord exercée sur des photos simples représentant majoritairement des silhouettes. Lors du triste confinement de 2020, notre formatrice, devenue télétravailleuse par obligation, redoubla d’activité dans le découpage des pièces au caractère toujours unique :
« Je n’aime pas reproduire deux fois la même chose », avoue celle qui est peut-être la seule découpeuse sur papier de Normandie. Un loisir exigeant mais passionnant pour cette artiste qui accepte bien volontiers les commandes émanant de particuliers : « Il suffit de fournir une photo de la vue à reproduire, en couleurs ou en noir et blanc ! » Rien de plus simple pour le donneur d’ordre, mais après…
Pour rappel, lors du dernier marché de Noël des Amis du patrimoine blacarvillais, un des lots de la tombola était la reproduction en papier découpé de l’église locale exécutée par celle qui est également membre de cette dernière association.
De notre correspondant Pierre Lecocq
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