Au Mali, depuis le 5 mars, de nouvelles taxes sur les télécommunications et le mobile money sont entrées en vigueur. L’objectif : utiliser ces prélèvements pour alimenter le fonds de soutien aux projets d’infrastructure de base et de développement social.
Que ce soit au Mali, au Niger, au Burkina Faso, ou encore en République démocratique du Congo, pour faire face aux difficultés économiques ou lutter contre l’insécurité, les autorités ont mis en place des fonds de solidarité volontaires ou obligatoires, alimentés par les contributions de la population.
Des fonds pour instaurer des taxes
Une augmentation de la taxe sur l’accès aux réseaux de télécommunications qui passe de 5% à 7% et une contribution spéciale sur les opérations de retrait d’argent via le mobile money… Au Mali, les consommateurs devront mettre davantage la main à la poche avec l’entrée en vigueur de ces nouvelles taxes destinées à renforcer les finances de l’Etat qui peine à faire face aux défis économiques, mais aussi sécuritaires.
Même si de nombreux Maliens reconnaissent l’importance de la contribution de chacun, ces hausses de la fiscalité sont plutôt impopulaires. La mesure introduite par ordonnance interroge également sur la méthode utilisée. L’application de ces nouvelles taxes s’est faite sans un examen parlementaire approfondi.
Pour le juriste et ancien ministre malien, Mamadou Ismaila Konaté, les autorités sont en train de détourner la loi sur l’habilitation pour imposer ces nouvelles taxes.
Cette procédure, prévue pour les cas exceptionnels, permet de légiférer par ordonnance en l’absence de Parlement. Au Mali, c’est un Conseil national de transition, un organe législatif non élu, qui fait office de Parlement.
« Sur le procédé de création de la loi, le gouvernement est passé par une demande d’autorisation d’intervenir en tant que gouvernement dans le domaine du parlement, donc le CNT (le Conseil national de transition). Et le gouvernement sous ce couvert là au lieu d’exécuter le programme du gouvernement s’est contenté de créer un fond, le but du fond étant de créer des taxes fiscales » précise le juriste qui regrette le fait que ces taxes pèsent lourd sur le budget des plus modestes.
Selon lui, quand une taxe n’est pas justifiée, on peut s’y opposer non pas en ne la payant pas mais en la contestant devant la justice.
Mais il n’y a pas que le Mali dont les populations sont mises à contribution, sans leur accord.
Des fonds de soutien également au Burkina Faso et au Niger
Au Niger, c’est le Fonds de solidarité pour la sauvegarde de la patrie qui a été mis en place pour faire face, à l’origine, aux sanctions économiques consécutives au coup d’Etat du général Abdourahamane Tiani.
Outre les prélèvements obligatoires sur le crédit téléphone, les taxis, l’essence, ce fonds est également alimenté par des dons financiers et en nature, précisément répertoriés sur le site qui lui est dédié.
Au Burkina Faso, c’est depuis janvier 2023 que le Fonds de soutien patriotique a été créé avec pour objectif de mobiliser 100 milliards de francs CFA pour la prise en charge des Volontaires pour la défense de la patrie.
Début 2024, le gouvernement avait annoncé de nouvelles mesures pour soutenir ce qu’il appelle « l’effort de paix du Burkina Faso » en prélevant 1% sur le salaire net des travailleurs du public et du privé, 25% sur les primes au niveau des départements ministériels et des sociétés d’Etat et 5% sur le salaire des ministres, pour alimenter le Fonds de soutien patriotique.
Le gouvernement avait auparavant créé un ensemble de taxes sur les boissons, le tabac, les parfums, puis sur les télécommunications et fait appel aux contributions des travailleurs.
Il faut noter que dans les différents pays, la diaspora apporte également sa contribution.
Le cas de la RDC
Si la République démocratique du Congo a mis en place une contribution similaire, celle-ci ne repose pas, comme dans les pays du Sahel, sur la fiscalité obligatoire.
Pour lutter contre l’insécurité dans l’est du pays, avec l’offensive du M23 qui gagne de plus en plus du terrain, les autorités ont mise en place un Fonds de solidarité aux FARDC.
Deux comptes bancaires ont été ainsi ouverts pour permettre aux Congolais de faire des dons en dollars américains et en francs congolais, afin de répondre aux besoins des soldats de l’armée congolaise.
Dans son discours à la nation, prononcé en janvier dernier, le président congolais Félix Tshisekedi avait par ailleurs également invité l’ensemble des secteurs économiques, y compris les entreprises privées, à soutenir l’effort de guerre.
Pour l’économiste et activiste Jean-Jacques Lumumba, on peut demander une contribution à tout un chacun, mais en tenant compte des réalités du pays. » Si on veut impliquer toute la population, ce peuple est un peuple démuni… le fonctionnaire de l’Etat à qui on demande de faire des efforts n’a pas les moyens de faire les efforts » estime-t-il.
Selon Jean-Jacques Lumumba « ceux qui doivent commencer à faire des efforts, ce sont ceux qui gagnent le plus » et la gestion doit être « traçable et limpide aux yeux de tous. »
Qu’ils soient imposés ou volontaires, l’instauration de fonds de soutien soulève un certain nombre de questions en termes de légitimité, de pérennité, de transparence et de bonne gestion.
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