Grâce aux succès récents et à l’engouement du public, le secteur du clip se structure, mais il est encore loin d’être une véritable industrie et ses acteurs voudraient voir la Côte d’Ivoire suivre le modèle des pays anglophones.
De notre correspondante à Abidjan,
Les nouveaux réalisateurs de clips ivoiriens ont voulu imiter ce qui se faisait de mieux chez leurs voisins anglophones, tentant de s’inspirer, notamment, des cartons nigérians, comme « Joro » de Wizkid (2019, 300M de vues), ou « Dumebi » de Rema (2019, 83M de vues).
« Je m’inspire beaucoup de ce qui se fait au Ghana, confie Young Nouchi, directeur artistique et réalisateur depuis 2020 chez le label Coast 2 Coast, un des précurseurs de ce secteur. J’ai vu que la scène était assez mouvementée là-bas, donc j’ai ramené ça du Ghana. Le réalisateur qui m’a inspiré s’appelle David Duncan, j’ai réussi à taffer avec lui sur plusieurs projets. Dans notre label, on voyage beaucoup, on va faire des clips en France avec des grosses teams, au Ghana… Mais quand tu vois comment ça taffe là-bas et comment ça taffe ici, il y a vraiment une grosse différence. Il y a des bons talents, mais on va dire qu’il n’y a pas vraiment d’industrie. Mais on est sur la voie ! »
Les clips ne sont jamais rentables à court terme, souligne l’un des pontes du secteur, Sheku Tall, qui dirige Coast 2 Coast, car les chaînes de télévision, les réseaux sociaux et les plateformes vidéo en ligne comme YouTube ne génèrent que peu, ou pas, de revenus.
« C’est un gros investissement marketing. YouTube ne se monétise que sur des gros marchés, où ils peuvent avoir une régie publicitaire conséquente. Nous, on est un pays de 28 millions d’habitants et donc pas dans leur viseur, analyse Sheku Tall. Le Sénégal, lui, a été monétisé grâce à un Sénégalais qui travaillait chez Google. Le Sénégal était un pays d’art et de lettres depuis le président Senghor, qui a toujours misé sur les artistes plus qu’ici, mais grâce à ce monsieur, ils ont pu monétiser au Sénégal. Donc après, c’est à nos institutions, aux artistes, aux producteurs, c’est à tout le monde de se mettre en marche pour demander la même chose. »
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« On a encore beaucoup de réalités qui nous fatiguent »
Plusieurs professionnels du secteur, dont Sheku Tall lui-même, tentent de faire entrer la Côte d’Ivoire sur l’énorme marché que représente YouTube. Mais en attendant, explique-t-il, difficile d’en faire un véritable business : « Je ne dirais pas qu’il y a une industrie, je dirais qu’on tend vers ça, mais qu’on a encore beaucoup de réalités qui nous fatiguent, et qui font qu’on n’est pas bien organisés. On n’a pas de subvention pour les clips, on n’a pas de formations, déplore le professionnel. Sans formation et sans fonds, c’est un peu dur de dire qu’on avance comme une industrie. Mais en termes de publicité, que ce soit pour l’artiste, pour le label, pour la ville où on shoote, c’est des messages forts qu’on lance, et après qui nous reviennent. Finalement, on le reprend quelque part. Peut-être pas dans le modèle économique, mais bon, il suffit d’en créer un ! »
Abidjan est devenu le décor privilégié des clips de nombreux artistes francophones de la sous-région, mais aussi pour les rappeurs français, de plus en plus nombreux à venir y tourner : Kaaris d’abord, puis plus récemment Niska, Lala &ce ou Laylow. Et si des lieux comme le nouveau pont d’Abidjan sont rapidement devenus iconiques, c’est en partie grâce aux nombreux clips qui y sont tournés.
Le rappeur français Kaaris a tourné à Abidjan son clip « Diarabi »
Série sur la professionnalisation des clips vidéo en Côte d’Ivoire :
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