Renoncer à une nationalité pour une ambition politique. Tidjane Thiam, principal opposant et candidat déclaré à la présidentielle ivoirienne, a abandonné sa nationalité française, afin de pouvoir se présenter au scrutin du mois d’octobre. « Il (le candidat) doit être exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère ivoirien d’origine », dispose l’article 55 de la Constitution.
« Sont libérés de leur allégeance à l’égard de la France les Français dont les noms suivent : Thiam (Cheick, Tidjane), né le 29/07/1962 à Abidjan (Côte d’Ivoire) », indique un décret signé par le gouvernement français et publié jeudi 20 mars au Journal officiel. Tidjane Thiam s’était vu décerner la nationalité française en 1987 au terme d’un prestigieux parcours universitaire : l’École polytechnique qu’il est le premier Ivoirien à avoir intégré, puis l’École des Mines de Paris dont il sort major de promotion. Ministre du plan en Côte d’Ivoire (1994-1999), il mène ensuite une brillante carrière dans le secteur privé en Europe.
« De père ou de mère »
Tidjane Thiam rentre en Côte d’Ivoire en août 2022 et se lance alors en politique. En décembre 2023, ce fils d’un ministre de Félix Houphouët-Boigny, père fondateur du pays, prend la tête du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), principal parti d’opposition. Candidat « naturel » à la présidentielle, en attendant d’être investi par son parti, Tidjane Thiam a déposé le 7 février dernier une demande d’abandon de la nationalité française, pour faire taire les voix de ses adversaires politiques qui l’accusaient de ne pas être pleinement engagé envers la nation ivoirienne. Un prétexte tout trouvé pour tenter de l’écarter de la course au pouvoir.
Dans un passé récent, la question de la nationalité a fortement empoisonné par le climat politique en Côte d’Ivoire. Le président actuel, Alassane Ouattara, à qui était reprochée la filiation burkinabée de son père, a ainsi été exclu des élections présidentielles de 1995 et 2000. Une fois élu, en 2010, il a fait modifier la Constitution en introduisant le principe « de père ou de mère » en lieu et place du « et ». Un changement dont profite aujourd’hui l’opposant Tidjane Thiam : son père, né sur les rives du fleuve Sénégal, a été naturalisé ivoirien après l’indépendance du pays et a épousé une nièce du président Félix Houphouët-Boigny.
« L’ivoirité »
Cette controverse a ressuscité le fantôme de « l’ivoirité », un concept politique formalisé dans les années 1990. Le pays, dont l’unité ne remonte qu’à la colonisation française, a connu un afflux massif de main-d’œuvre étrangère dans les champs fertiles de cacao et de café. Sur fond de compétition politique, avec l’instauration du multipartisme, le pays est agité par des questionnements relatifs à son identité.
« L’individu qui revendique son ivoirité est supposé avoir pour pays la Côte d’Ivoire, être né de parents ivoiriens appartenant à l’une des ethnies autochtones de la Côte d’Ivoire », explique en 1996 un groupe d’intellectuels chargés par le président de l’époque, Henri Konan Bédié, de travailler sur ce sujet. Ce questionnement identitaire va alimenter la longue crise politique qui secoue le pays dans les années 2000. Jusqu’à l’élection d’Alassane Ouattara, l’actuel président, qui laisse encore planer le doute sur sa candidature.
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