En Côte d’Ivoire, l’opposition tente l’union à sept mois de l’élection présidentielle

A sept mois de la présidentielle en Côte d’Ivoire, est-ce un premier pas avant une candidature commune de l’opposition ? Lundi 10 mars, quinze partis ont annoncé le lancement d’une plateforme intitulée Coalition pour l’alternance pacifique en Côte d’Ivoire (CAP-Côte d’Ivoire) et exigé l’organisation d’un « dialogue politique ». Une alliance « historique », a salué Tidjane Thiam, le patron du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), qui hébergeait la cérémonie, et coordinateur de cette nouvelle CAP-CI. Mais cela suffira-t-il à faire pression sur le parti au pouvoir, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ?

Le rassemblement a été initié par l’ancienne première dame, Simone Ehivet Gbagbo, présidente du Mouvement des générations capables (MGC), et le PDCI, auxquels se sont jointes plusieurs figures connues de la politique ivoirienne : Charles Blé Goudé et son Congrès panafricain pour la justice et l’égalite des peuples (Cojep), Danièle Boni Claverie, qui dirige l’Union républicaine pour la démocratie (URD) et l’ancien premier ministre Pascal Affi N’Guessan, à la tête du Front populaire ivoirien (FPI).

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Les absents notables sont les partisans du Parti des peuples africains (PPA-CI) de l’ex-président Laurent Gbagbo. Le PDCI et le PPA-CI avaient pourtant formé une alliance lors des élections locales du 2 septembre 2023, ce qui leur avait permis de remporter 34 communes (sur 201) et 4 régions (sur 31). Mais les deux principaux partis d’opposition se sont depuis éloignés.

S’exprimant en qualité de porte-parole de la CAP-CI lors de la cérémonie de lancement, Simone Ehivet Gbagbo a signalé d’entrée de jeu que le scrutin « ne s’annonçait pas sous les meilleurs auspices », celui-ci s’inscrivant « dans une continuité historique faite de crises électorales générées par un système d’élections biaisé et un environnement politique délétère ».

« Obtenir la réforme du système électoral »

Au mois d’août 2024, la plupart des partis de la future CAP-CI, ainsi que le mouvement GPS de Guillaume Soro et des organisations de la société civile avaient déjà signé une déclaration commune pour exiger des réformes en profondeur du système électoral.

Ce premier rassemblement, a rappelé Mme Ehivet Gbagbo, a adressé deux courriers au chef de l’Etat entre avril et décembre 2024 pour demander un « dialogue politique » afin de garantir une élection « inclusive », « transparente » et « apaisée », sans succès. La porte-parole de la CAP-CI a jugé « urgent » de créer un cadre « permanent et non idéologique », a-t-elle insisté, pour « obtenir la réforme du système électoral ivoirien ». La coalition réclame notamment la révision de la liste électorale en amont du scrutin et la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote.

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Verra-t-on la coalition soutenir une candidature unique à l’élection présidentielle ? La question n’a pas été directement abordée au cours de la cérémonie. S’exprimant devant la presse à la sortie du PDCI, Charles Blé Goudé a jugé « qu’on n’en est pas encore là », mais a assuré que Tidjane Thiam « aura le temps d’étudier tout ce qu’on va mettre sur la table ».

Charles Blé Goudé ainsi que Laurent Gbagbo sont pour l’heure inéligibles en raison d’anciennes condamnations par la justice ivoirienne, tandis que Tidjane Thiam se trouve depuis deux mois au cœur d’une polémique sur sa nationalité. « C’est unis que nous sommes forts, a martelé le président du Cojep. C’est une coalition ouverte. »

Des rivalités importantes

Deux des personnalités les plus influentes de l’opposition ne font cependant pas partie de cette coalition : l’ancien président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, qui était pourtant présent au rassemblement précédent en août 2024. Le mouvement GPS ayant été officiellement dissous par la justice ivoirienne en 2021, son porte-parole Moussa Touré indique que le mouvement s’est mis en retrait du précédent rassemblement de l’opposition « pour que les travaux ne soient pas pris en otage par les procédures judiciaires contre GPS ». Le mouvement, en revanche, n’a pas été consulté par celui-ci.

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Le PPA-CI, quant à lui, a été approché par une délégation officielle de la CAP-CI, mais n’a pas rejoint la coalition pour le moment. Selon la communication de la CAP-CI, le PPA-CI « est en contact avec la coalition », mais a exprimé le souhait « d’en finir d’abord avec leur propre programme d’actions ». Le 14 juillet 2024, Laurent Gbagbo avait lancé au cours d’un meeting à Bonoua son propre appel au rassemblement des oppositions.

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Alors que l’élection présidentielle doit se tenir le 25 octobre, le paysage politique ivoirien semble donc se diviser en trois blocs : le camp présidentiel, l’opposition réunie dans la CAP-CI et celle incarnée par le PPA-CI de Laurent Gbagbo. Seul un ralliement de l’un des blocs d’opposition à l’autre en cas de deuxième tour au scrutin d’octobre pourrait menacer l’hégémonie du parti d’Alassane Ouattara et éventuellement mettre en difficulté le candidat du parti au pouvoir.

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