A sept mois de la présidentielle du 25 octobre, le casting du scrutin se précise avec la publication, lundi 17 mars, par la Commission électorale indépendante (CEI), de la liste électorale provisoire. 8,7 millions d’électeurs y figurent, dont 969 000 nouveaux, mais les noms de trois des plus importants opposants du pays, déclarés à la magistrature suprême, en sont absents.
L’ancien président Laurent Gbagbo, son ex-bras droit Charles Blé Goudé et son ex-premier ministre Guillaume Soro sont exclus à cause de condamnations judiciaires. En revanche, Tidjane Thiam y figure bel et bien. Une incertitude existait car le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), principal parti d’opposition, était au cœur d’une controverse sur sa double nationalité franco-ivoirienne depuis le début de l’année.
Ces dernières semaines, les détracteurs de Tidjane Thiam avaient fait valoir un article du code de la nationalité de 1961, quasiment jamais appliqué dans les faits, en vertu duquel « perd la nationalité ivoirienne l’Ivoirien majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère, ou qui déclare reconnaître une telle nationalité ».
Né ivoirien, Tidjane Thiam, lorsqu’il avait 25 ans, en 1987, s’est vu décerner la double nationalité par la France après avoir été diplômé de l’Ecole des mines. Mais le même article de loi précise que « pendant un délai de quinze ans, la perte [de la nationalité ivoirienne] est subordonnée à l’autorisation du gouvernement [ivoirien] par décret » – en l’espèce, aucun gouvernement n’a promulgué un tel décret dans les quinze ans ayant suivi l’acquisition de la nationalité française par Tidjane Thiam.
Quinze jours pour déposer un recours
La Constitution ivoirienne imposant par ailleurs aux candidats à l’élection présidentielle d’être « exclusivement de nationalité ivoirienne », le chef du PDCI a déposé début février une demande de perte volontaire de la nationalité française. Selon nos informations, cela lui a été accordé le 3 mars et la décision devrait être promulgué dans le Journal officiel français mercredi 19 mars.
Les partis des exclus, de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, ainsi que le mouvement politique de Guillaume Soro en exil depuis 2019, ont d’ores et déjà annoncé qu’ils exigeraient la réintégration de leurs leaders respectifs – tout électeur a quinze jours pour déposer un recours.
Le Parti des peuples africains (PPA-CI) de Laurent Gbagbo a estimé que l’exclusion de son candidat de la liste électorale provoquerait des « tensions ». Le président exécutif du parti, Sébastien Dano Djédjé, a jugé « illogique » que l’ancien chef de l’Etat subisse encore les conséquences de sa condamnation par la justice ivoirienne à vingt ans de prison pour le « braquage de la BCEAO » en 2018, alors même qu’il a été acquitté de tous les crimes liés à la crise post-électorale de 2010-2011 par la Cour pénale internationale (CPI) en 2021.
En conférence de presse mardi 18 mars, il a dénoncé une décision de la CEI prise « par orgueil, par mépris ou par vengeance » afin de « saper le moral de nos militants et sympathisants » et de « provoquer des troubles pour se maintenir au pouvoir par les armes ».
Coalition de l’opposition
Charles Blé Goudé, l’ancien chef des Jeunes Patriotes, désormais en froid avec son mentor, Laurent Gbagbo, se retrouve dans une situation similaire. Acquitté par la CPI pour son rôle pendant la crise postélectorale, il reste lui aussi sous le coup d’une condamnation à vingt ans de prison prononcée par la justice ivoirienne et n’a jamais été amnistié par le président Alassane Ouattara. A la différence de l’ancienne première dame, Simone Ehivet Gbagbo, également candidate déclarée, qui a été amnistiée en 2018 et est bien inscrite sur la liste électorale.
Son parti, Mouvement des générations capables (MGC), de même que le PDCI, le Cojep, le Front populaire ivoirien (FPI) de Pascal Affi N’Guessan, lui aussi candidat, et une vingtaine de petits partis, ont formé la semaine dernière la Coalition pour l’alternance pacifique en Côte d’Ivoire (CAP-CI).
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Sous la férule de Tidjane Thiam, ce rassemblement de l’opposition exige l’organisation d’un « dialogue politique » et une « réforme du système électoral ivoirien » afin de garantir une élection « inclusive », « transparente » et « apaisée ». La CAP-CI soutient ainsi la demande de réinscription de Charles Blé Goudé sur la liste électorale, en plus de réclamer une nouvelle opération de révision de la liste électorale avant le scrutin.
Interrogé sur le sujet à l’issue d’un conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, a rétorqué que le dialogue politique était clos depuis 2022 et renvoyé l’opposition vers la CEI. « L’une des principales conclusions de ce dialogue politique, auquel tous les partis qui y ont participé ont adhéré, a-t-il rappelé, était de dire qu’aujourd’hui, dans notre pays, toutes nos institutions sont installées et fonctionnent et que les requêtes soient adressées à ces institutions. »
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