La France va-t-elle bientôt connaître une avancée sans précédent dans le quantique – ce que les experts appellent dans leur jargon un « moment ChatGPT », où tout a changé ? En tout cas, « les annonces se multiplient et des progrès technologiques et applicatifs arrivent beaucoup plus vite que nous l’anticipions, même en étant très optimistes », relève Georges-Olivier Reymond, CEO de Pasqal, l’une des pépites quantiques françaises, invitée, avec Quandela, à une table ronde sur ce sujet à l’occasion de Tech for Future, le 1er avril dernier.
Si la dernière puce quantique de Google, Willow, a fait beaucoup parler d’elle, en raison de ses performances élevées en matière de correction d’erreurs, la France n’est pas en reste. Ainsi, Valérian Giesz, co-fondateur de Quandela, met en avant un article scientifique sur la fiabilité des ordinateurs quantiques que la jeune pousse a récemment publié. « Grâce à notre technologie, à base de photon et de semi-conducteurs, nous avons pu montrer que nous pouvions optimiser l’architecture des machines et corriger des erreurs, afin d’avoir des performances théoriques un million de fois plus élevées que nos équivalents aux Etats-Unis, assure-t-il. Il s’agit maintenant de le faire, certes, mais cela signifie déjà que non seulement nous savons être plus efficaces mais aussi que nous avons besoin de moins de fonds pour arriver au même résultat. »
Avantages quantiques
D’ailleurs, les résultats du quantique ne se jugent plus de la même façon. Avant, les observateurs parlaient de « suprématie quantique » (des calculs, souvent aléatoires, que seul un ordinateur quantique pouvait faire). Aujourd’hui, ce sont « les avantages quantiques » qui comptent et même la combinaison de plusieurs avantages. « Alors que les méthodes sont très diverses, le photon pour Quandela, l’atome pour Pasqal, les circuits électroniques pour Google, IBM ou le Français Alice & Bob, nous enregistrons des progrès dans chacune de ces catégories, pointe Olivier Ezratty, auteur et expert du quantique. Et nous parlons toujours de la rapidité de calcul mais aussi, désormais, de résultats de meilleure qualité ou produits avec peu de données ou de façon moins chère avec moins de consommation d’énergie. » Toutes ces avancées serviront bientôt à révolutionner l’économie. « C’est vrai en particulier pour la simulation chimique, enchaîne-t-il, pour trouver de nouvelles thérapies ou de nouveaux procédés pour l’énergie ou les batteries. » Les attentes sont particulièrement fortes en santé. Plusieurs biotech comptent ainsi sur la puissance du quantique pour les aider. C’est le cas de Qubit Pharmaceuticals, présente à Tech for Future, qui cherche, grâce à l’intelligence artificielle (IA) et à l’informatique quantique, à développer de nouveaux candidats médicaments, plus sûrs et plus efficaces. Ses recherches lui permettent même d’envisager, à court terme, l’utilisation de l’informatique quantique en production. Pour l’heure, ce que les jeunes pousses françaises du quantique demandent, c’est l’appui de l’industrie, sous la forme de multiples cas d’usage. Et déjà, Pasqal a mis sa recherche et sa technologie au service d’EDF, pour comprendre comment les matériaux subissent la corrosion au cœur des réacteurs nucléaires. De son côté, Quandela travaille avec le secteur bancaire pour aider l’IA à mieux analyser les profils de risques des clients, en fonction d’un nombre réduit de données personnelles. Dans certains secteurs, « l’analyse et la classification des données stratégiques, via l’IA, pourra se faire grâce à l’usage du quantique », explique Valérian Giesz. Mais, au-delà des cas d’usage du quantique qui doivent se multiplier si la France veut atteindre, selon les experts de la table ronde, son point d’inflexion, sous la forme d’un cas spécifique, dans trois ou quatre ans, « il existe aussi des défis fondamentaux liés à l’ingénierie », précise Olivier Ezratty. Car pour dominer l’ensemble du secteur, comme veulent le faire les sociétés américaines, d’IBM à Microsoft, les deux piliers, le hardware et le software, sont nécessaires. Le Plan quantique, une initiative à 1,8 milliard d’euros étalés sur cinq ans, annoncée en janvier 2021 par le Président Emmanuel Macron, paraît bien faible aujourd’hui, face à un univers très concurrentiel. « Il faut un réveil public et industriel au sujet du quantique », plaide Valérian Giesz pour accélérer les investissements. Car, si, au niveau mondial, « il n’y a pas encore de vainqueur, notamment en hardware, nous espérons bien que ce sera Pasqal et Quandela. Et en termes d’impact économique, ce sera majeur », conclut Georges-Olivier Reymond.
Crédit: Lien sourceRecherches en santé, en chimie, en matériaux