Publié le 31 mars 2025
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Un procès vaut-il d’abord pour l’établissement public de la vérité d’un crime ou pour le soulagement de voir les coupables purger une peine synonyme de réparation ? En Guinée, il aura fallu attendre près de quinze ans pour que les responsables du massacre de 156 personnes et du viol d’au moins 109 femmes, le 28 septembre 2009, soient condamnés, chacun à hauteur de son niveau de responsabilité établi par la Cour. Il n’aura fallu que huit mois pour que Moussa Dadis Camara – au sommet de la chaîne de commandement en 2009 – sorte de prison, lui qui a pourtant été condamné à vingt ans de réclusion pour crimes contre l’humanité.
Comme annoncé à la télévision nationale, le 28 mars dernier, l’ancien fantasque chef de l’État guinéen a été gracié pour « raison de santé » par un décret du chef de la junte, le général Mamadi Doumbouya. Une de ces raisons de santé qui laisse manifestement des séquelles invisibles, si l’on en croit les images de « Dadis » faisant les cent pas dans la cour de sa prison, en pleine communication avec un ministre de la Justice qui, lui, a tenu à préciser que celui qui fut chef de l’État de 2008 à 2010 « est libre et retrouve toute sa liberté ».
Joie ou incrédulité
Le gracié est sorti de prison, dans la nuit du vendredi 28 au samedi 29 mars, escorté vers une villa du quartier de Kaporo, après une brève escale à son domicile habituel de Lambagny. Une « délocalisation » qui l’a privé de la chaleureuse ambiance générée, samedi, devant chez lui. Un isolement sans doute destiné à éviter les manifestations d’incrédulité. Son nouveau logement serait d’ailleurs sécurisé par la gendarmerie…
Interrogés notamment par des médias internationaux, des observateurs de cette grâce surprise évoquent, au-delà de l’indignation, une atteinte à la mémoire des victimes disparues et même une potentielle mise en danger de ceux qui ont témoigné, à visage découvert, dans un procès qui ferait toujours l’objet d’une procédure d’appel. Pour d’autres, la libération de l’ancien de chef de l’État est conforme à une nécessaire réconciliation, qui plus est en cette période annoncée comme celle de la restauration du processus démocratique.
Calendrier électoral
C’est dans ses derniers vœux de Nouvel An que le général Doumbouya avait évoqué des élections, dans des termes dont on finit par se demander s’il fallait les interpréter comme une vague esquisse ou une promesse ferme. Peut-être à l’intention de ceux qui considèrent que la tenue de tout procès devrait contribuer autant à l’établissement de la vérité qu’aux gages de réparation, le chef de la junte guinéenne décrétait la prise en charge de « l’indemnisation des victimes des événements du 28 septembre 2009″… deux jours avant l’annonce de la grâce du prévenu le plus emblématique de l’affaire.
Au moment où le régime de transition pose tout à la fois les jalons d’une candidature du général et les bases d’une anesthésie de l’opposition, la libération de Moussa Dadis Camara doit-elle être perçue comme une nouvelle manœuvre politicienne dans le calendrier de maintien de Doumbouya au pouvoir ?
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