En Guyane, les candidats du Rassemblement national accumulent les casseroles

Malgré des résultats électoraux en hausse, le Rassemblement national (RN) a du mal à s’implanter en Guyane. Tentant coûte que coûte d’aligner des candidat·es, le parti pratique depuis six ans des arrangements qui se sont terminés à plusieurs reprises devant les tribunaux. Deux anciens cadres condamnés à un an de prison avec sursis, l’ancienne candidate aux législatives de 2022 et l’actuelle candidate suppléante condamnées chacune par le Conseil constitutionnel à trois ans d’inéligibilité, et un parti à l’ancrage local poussif : tel est le visage du RN en Guyane.

C’est ainsi que Serge Bourgeois, tête de liste RN à Iracoubo lors des élections municipales de 2020, et Jérôme Harbourg, ancien secrétaire départemental, ont été condamnés il y a peu par le tribunal correctionnel de Cayenne à un an de prison avec sursis et cinq ans d’inéligibilité. Ils ont été reconnus coupables, selon les informations de France-Guyane, confirmées auprès de Guyaweb par la défense, d’avoir établi de fausses attestations d’hébergement et inscrit à leur insu six habitant·es d’Iracoubo dans le but de présenter coûte que coûte une liste au scrutin local de 2020.

Interrogé par Guyaweb, qui avait révélé l’affaire, Jérôme Harbourg, évoluant dans le milieu des affaires, de l’immobilier et du bâtiment, estimait alors que sa mise en examen était une aubaine : « Ça fait de la pub, on parle de moi, c’est parfait. » L’homme de 27 ans, qui avait obtenu l’investiture du RN aux législatives de 2022 dans la première circonscription malgré sa mise en examen, a récemment fait appel de sa condamnation, contestant avoir pris part à l’élaboration de la fausse liste, tout en reconnaissant avoir fourni aux autorités les fausses attestations d’hébergement, nous a indiqué son avocat.

Monique Guard et Olivier Taoumi candidats RN en Guyane pour les élections législatives. © Photo DR

Virginie Thomas, parachutée par le RN dans la 2e circonscription pour les législatives 2022, a pour sa part été déclarée inéligible pour une durée de trois ans par une décision de juin 2023 du Conseil constitutionnel. Prétextant qu’elle « n’av[ait] pas fait campagne [en] Guyane », Virginie Thomas avait refusé de déposer ses comptes et de les signer devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Cette candidate éphémère avait alors comme suppléant le père de Jérôme Harbourg, Jean-Luc Harbourg, entrepreneur du bâtiment. Tous deux avaient recueilli 425 voix au premier tour (5 % des suffrages exprimés).

Transfuges

Face à l’accumulation des sanctions, le parti d’extrême droite s’est finalement rapproché de Monique Guard, ancienne candidate du Front de gauche aux législatives de 2012. Une candidature d’ailleurs assortie d’une condamnation par le Conseil constitutionnel en 2013, pour non-dépôt du compte de campagne, et sanctionnée par une inéligibilité de trois ans. Peu suivie dans les urnes, Monique Guard est surtout une militante de terrain qui s’est battue pendant « quarante ans » pour l’autonomie institutionnelle, contre la vie chère et le mal-logement, contre l’insécurité et pour une amélioration des services publics.

Il y a un an, dans la continuité des féroces divisions apparues localement autour de l’obligation vaccinale des soignant·es contre le Covid-19, contre laquelle Monique Guard s’était fortement mobilisée, la militante était finalement nommée déléguée départementale du RN. Invitée d’une émission de Radio Péyi, elle justifiait sa bifurcation politique par du ressentiment : « Toute ma vie, j’ai été méprisée par la gauche, aujourd’hui, mépris pour mépris, je vais là où il y a le vrai mépris [sic] et au moins, ils m’ont acceptée pour moi. »

Monique Guard a été investie par le parti pour ces législatives, mais dans le rôle de suppléante. Car pour porter la candidature du RN, le mouvement s’est tourné vers une personne qui ne figurait pas dans ses rangs : Olivier Taoumi, l’avocat de Jérôme Harbourg dans l’affaire des usurpations d’identité à Iracoubo. « Membre des Républicains depuis 2016 », ancien candidat pour les écologistes à Montpellier, également inscrit comme avocat au barreau de Marseille, Olivier Taoumi a accepté l’alliance avec le Rassemblement national pour faire « bloc » contre le Nouveau Front populaire (NFP).

Non issu des baronnies locales mais faisant valoir son parcours professionnel, ce président de tribunal administratif en détachement ayant exercé à Cayenne et Versailles a gravi les échelons politiques de manière spectaculaire ces dernières années, nommé directeur général des services et directeur des affaires juridiques de la chambre de commerce et d’industrie de la Guyane et ayant suivi l’accession de Gabriel Serville à la présidence de la collectivité territoriale de Guyane (CTG) en tant que membre rapproché de son cabinet et conseiller juridique.

Les deux hommes avaient officialisé leur rapprochement en 2014, lorsque Gabriel Serville avait été élu maire (divers gauche) de la commune de Matoury. Olivier Taoumi était alors devenu conseiller juridique de la commune, et ce pendant trois ans, pour un montant de 9 500 euros net par mois. Une situation révélée par Guyaweb et qui avait débouché sur l’ouverture en 2019, par le parquet de Cayenne, d’une enquête pour suspicion de favoritisme et recel de favoritisme.

Contacté il y a quelques jours pour savoir où en est ce dossier, le procureur de Cayenne, Yves Le Clair, n’a pas accepté de répondre à nos questions. L’ancien maire de Matoury et président de la CTG, Gabriel Serville nous a affirmé ne pas savoir où en est la procédure. Quant à Olivier Taoumi, il nous a répondu que « l’instruction suit son cours » et qu’il est « tout à fait serein ».

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