En Haïti, les premiers policiers kényans sont arrivés

Un premier contingent de policiers kényans est arrivé, mardi 25 juin, à Port-au-Prince, dans le cadre d’une mission internationale visant à rétablir la sécurité en Haïti. Un déploiement présenté comme « une opportunité unique » par le premier ministre de ce pays ravagé par la violence des gangs.

Un avion de la compagnie nationale Kenya Airways a atterri peu avant 16 heures, heure de Paris, à l’aéroport Toussaint-Louverture de la capitale haïtienne, avec à son bord 200 policiers armés, casqués et habillés en treillis militaire – et non 400 comme annoncé auparavant par l’Agence France-Presse (AFP). Un deuxième contingent de policiers est attendu jeudi, a-t-on appris de source gouvernementale haïtienne.

Le Kenya a proposé d’envoyer un millier de policiers en Haïti pour la mission multinationale d’appui à la sécurité, prévue pour une durée initiale d’un an (jusqu’en octobre) et à laquelle doivent également contribuer le Bangladesh, le Bénin, le Tchad, les Bahamas et la Barbade.

Mardi, le premier ministre d’Haïti, Garry Conille, a salué l’arrivée des policiers kényans ; « une opportunité unique », selon lui, pour rétablir la sécurité, alors que « le pays vit un moment très difficile ». Monica Juma, cheffe de la délégation kényane, a affirmé que « le rétablissement de la sécurité en Haïti [était] un devoir ».

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Peu avant le départ des soldats, le président du Kenya, William Ruto, leur avait rendu visite et leur avait remis un drapeau national kényan. « Cette mission est l’une des plus urgentes, importantes et historiques de l’histoire de la solidarité mondiale », a déclaré le chef de l’Etat lors d’une cérémonie à huis clos, selon des propos rapportés par le bureau présidentiel. M. Ruto leur a par ailleurs assuré que le reste de la force les rejoindrait « bientôt ».

Un déploiement sur fond de crise au Kenya

Le déploiement a été approuvé par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU en octobre, mais il suscite de vives critiques au Kenya. La mission avait été retardée quand, le 26 janvier, un tribunal kényan avait jugé que le gouvernement ne pouvait envoyer des policiers à l’étranger sans un accord international préalable.

Le Kenya a signé un accord en ce sens avec Haïti en mars. Mais le petit parti d’opposition Alliance troisième voie a déposé mi-mai un nouveau recours pour empêcher la mission. « Une procédure judiciaire est en cours. William Ruto la contourne donc parce qu’il ne croit pas en l’Etat de droit, a déclaré à l’AFP le chef du parti, Ekuru Aukot. William Ruto n’est qu’un esclave de l’Amérique ou des mondialistes et des impérialistes. Cela n’a aucun sens qu’il veuille envoyer nos policiers en Haïti alors que nous ne pouvons même pas remédier à la situation d’insécurité (…) dans le nord du Kenya, ni même à Nairobi. »

Un mouvement de protestation antigouvernemental a viré au chaos mardi dans la capitale Nairobi. Au moins cinq personnes ont été tuées et 31 blessées lors de ces manifestations, selon plusieurs ONG, dont Amnesty Kenya, et le gouvernement a annoncé déployer l’armée.

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Les Etats-Unis cherchaient avec impatience un pays volontaire pour diriger la mission, et fournissent des fonds et un soutien logistique. L’arrivée de policiers kényans « va apporter un soulagement indispensable aux Haïtiens », a jugé Joe Biden mardi dans un communiqué.

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Le président américain se dit « très reconnaissant envers tous les pays ayant promis leur soutien sous forme de personnel et de moyens financiers à cette mission », et rappelle que les Etats-Uni, en sont le premier contributeur, avec « plus de 300 millions de dollars » en fonds et « jusqu’à 60 millions de dollars en matériel. » M. Biden a en revanche exclu la possibilité d’une intervention américaine en Haïti, le pays le plus pauvre des Amériques, où les Etats-Unis sont déjà intervenus dans le passé.

« Nous espérons voir de nouvelles améliorations tangibles de la sécurité, en particulier en ce qui concerne l’accès à l’aide humanitaire et à l’activité économique de base, a déclaré le porte-parole du département d’Etat, Matthew Miller. Nous sommes aux côtés de la communauté internationale pour soutenir cet effort historique en faveur de la police nationale haïtienne dans sa lutte pour l’avenir d’Haïti. »

« Entraînement rigoureux »

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a appelé à poursuivre cette dynamique « pour s’assurer que la mission reçoive le soutien financier nécessaire pour mener à bien son mandat », selon son porte-parole.

Cependant, Human Rights Watch a exprimé des inquiétudes concernant la mission en Haïti et des doutes quant à son financement. Et les organisations de défense des droits humains ont accusé à plusieurs reprises la police kényane d’usage excessif de la force et d’exécutions extrajudiciaires.

« Ils ont tous suivi un entraînement rigoureux pour cet exercice, en plus de leur formation préalable à la gestion de situations complexes, et ils sont prêts pour la mission, s’est défendu auprès de l’AFP un haut responsable de la police kényane. S’il vous plaît, ne doutons pas de leurs capacités. »

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« Je salue la détermination du gouvernement kényan et de son peuple à accompagner Haïti dans la lutte contre l’insécurité qui ronge la société », a affirmé le premier ministre haïtien, Garry Conille, sur le réseau X. Haïti « souhaite que cette mission multinationale soit la dernière qui l’aide à se stabiliser pour le renouvellement du personnel politique et le retour à la démocratie effective », a-t-il ajouté.

Haïti pâtit depuis des dizaines d’années d’une instabilité politique chronique, doublée d’une crise humanitaire, et fait face depuis quelques mois à une résurgence de la violence des gangs, qui contrôlent 80 % de la capitale, Port-au-Prince.

La situation s’est brusquement aggravée, fin février, quand des groupes armés ont lancé des attaques coordonnées à Port-au-Prince pour renverser le premier ministre de l’époque, Ariel Henry. M. Henry a annoncé début mars qu’il démissionnait et a remis le pouvoir exécutif à un conseil de transition, lequel a nommé le 29 mai un premier ministre par intérim, Garry Conille. Le rétablissement de la sécurité dans ce pays des Caraïbes doit à terme permettre la tenue d’élections. La dernière remonte à 2016.

Le Monde avec AFP

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