En République démocratique du Congo, 27 soldats des FARDC et quatre épouses de militaires ont été jugés hier (03.07.24) par le tribunal militaire de garnison de Butembo, dans le Nord-Kivu. 25 des soldats ont été condamnés à mort. Ils ont été reconnus coupables, notamment, d’avoir fui les combats, dans une zone où le M23 continue sa progression.
L’audience foraine s’est tenue dans le village d’Alimbongo, dans le territoire de Lubero. Elle n’a duré qu’une journée.
Deux militaires ont été condamnés à dix ans de servitude pénale, pour vol. Les 25 autres soldats qui comparaissaient ont été condamnés à la peine capitale pour « dissipation des munitions de guerre, fuite devant l’ennemi, violation des consignes » notamment. Ils se seraient aussi livrés à des pillages dans leur fuite.
Des actes de pillage
L’avocat Muhindo Wasivinywa, coordinateur du Réseau pour les droits de l’Homme (Redho) à Butembo, rappelle que l’année dernière, des militaires avaient déjà été condamnés à Goma pour avoir fui devant l’ennemi.
Quant au pillage et au gaspillage de munitions, c’est une réalité dans la région, dit-il :
« Ces faits sont réels puisque nous avons rencontré des victimes qui nous ont alertés par rapport à ces comportements. De nombreux [soldats] crépitaient des balles juste pour faire courir la population en vue de soustraire leurs biens une fois qu’elle aurait fui. Ce sont des comportements que nous regrettons et qui doivent être découragés. »
Le député national Alexandre Kambale, élu de Lubero, souligne également que « les condamnations ne sont pas dues seulement au fait que les militaires ont dû reculer pour se réorganiser, mais plutôt pour des actes infractionnaires que ces militaires ont posés ». L’élu cite l’exemple de « centres de santé qui ont été vandalisés par certains militaires ».
Le lien entre l’armée et la population
Dans son communiqué, le porte-parole de l’opérations « Front nord » de l’armée congolaise dans la zone enjoint la population locale à « faire confiance à la justice ».
Le président du Conseil urbain de la jeunesse de Butembo, Franck Mukenzi, maintient effectivement son soutien aux soldats.
« On a entendu que des militaires ont fui en parlant de repli stratégique, déclare-t-il à la DW. Ça décourage ! Maintenant, cela ne doit pas nous opposer à cette armée. C’est notre armée ! Il faut l’appuyer, car l’ennemi n’est pas faible. Il peut tenir plus de deux ans. Si nous nous autoflagellons, cela va créer des problèmes et on va risquer de perdre. »
Le député Alexandre Kambale, lui, lance un appel aux FARDC « de se conduire bien car dans les combats, quand il n’y a plus de collaboration entre l’armée et la population, cela ne favorise pas l’avancée sur la ligne de front ».
Une zone de combat contre le M23
Peu de personnes, représentants d’ONG ou journalistes, ont pu assister à l’audience étant donnée la dangerosité des routes dans cette zone du Nord-Kivu, où les combats ont repris depuis la semaine dernière, entre les soldats des FARDC et les rebelles du M23.
Le groupe armé poursuit sa progression et a pris le contrôle des localités de Kanyabayonga, Kirumba, Kayna et Miriki.
Pour l’instant, l’armée, appuyée par des miliciens Wazalendo, parvient à conserver Kaseghe, à une centaine de kilomètres au sud de Butembo.
De Butembo, seule la route qui mène à Beni et conduit à l’Ouganda est encore praticable. L’axe Butembo-Goma est coupé.
Cette situation dangereuse effraie certains soldats. Quelques-uns racontent hors micro qu’ils hésitent à « aller se faire tuer », surtout lorsque le versement de leur solde laisse à désirer, au point que certains doivent prendre un autre emploi en plus de l’armée.
Le député Alexandre Kambale se fait l’écho de ce que disent certains habitants de Lubero : « Certains dans la population disent que c’est un problème de commandement, ni d’effectif, ni de stratégie ni de capacité de l’armée. Que c’est un problème de commandement qui a fait que plusieurs villages sont tombés. »
Non à la peine de mort
Le défenseur des droits de l’Homme, Muhindo Wasivinywa, combat pour sa part la peine de mort. Le REDHO encourage les soldats condamnés à faire appel.
« La loi leur donne ce droit-là, de faire appel dans les cinq jours, rappelle Muhindo Wasivinywa. Cela permettra peut-être de réviser leur condamnation en appel, pour certains. Voire de ne plus les condamner à mort, mais à perpétuité, ce qui est notre souhait. […] Ôter la vie de quelqu’un, c’est une violation de son droit [à la vie]. »
Les épouses qui comparaissaient aussi ont été libérées faute de preuve de leur implication.
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