Encorps tente d’imposer sa volonté aux centres de recyclage

Des centres de recyclage sont mécontents de la décision du gouvernement de transférer le contrôle du programme de recyclage de bouteilles à Encorp Atlantique, une entreprise à but non lucratif. Certains centres ont préféré fermer plutôt que de signer une entente.

Jean-Louis Beaulieu, propriétaire du centre de recyclage Chez El Lou, a décidé de fermer son entreprise il y a environ deux semaines.

Le gouvernement provincial a confié la gestion du programme de recyclage à Encorp Atlantique, un organisme à but non lucratif créé par l’industrie des boissons qui représente plus de 300 entreprises de boissons qui opèrent au N.-B. Encorp veut imposer des règles et des pratiques uniformes à tous les centres de recyclage, ce qui ne plaît pas à certains d’entre eux.

Jean-Louis Beaulieu explique que ces changements ont mené à sa décision de fermer boutique, même s’il n’a pas encore officialisé cette décision.

Il affirme qu’Encorp a initialement proposé un contrat qui désavantageait les centres de recyclage. Ce contrat fait l’objet de négociations entre Encorp et l’association qui représente les centres de recyclage, la Eastern Recyclers Association.

«C’était un contrat de deux ans, puis après c’était non renouvelable. Il fallait être ouverts 8h le samedi. […] Si on ne faisait pas ce qu’ils voulaient, ils nous pénalisaient», dit M. Beaulieu.

Depuis que le gouvernement a fait savoir que la consigne sur les bouteilles allait passer de 5 cents à 10 cents le premier avril, les gens ont commencé à entreposer leurs bouteilles en attendant de pouvoir les déposer à un centre de recyclage après le premier avril.

Ces temps morts ont été durs pour son centre de recyclage.

«Il y a des journées que j’achetais pour 30$ de bouteilles, et un employé coûte 150$ minimum par jour», dit-il.

Puis le premier avril est arrivé, et les gens ont commencé à y déposer leurs bouteilles vides en très grande quantité.

Surchargé de travail et occupé à tenter de négocier un meilleur contrat avec Encorp, M. Beaulieu a cessé de travailler sur ordonnance de son médecin.

«Je ne dormais plus», dit-il.

Peu de fermetures, fait valoir Encorp 

L’Acadie Nouvelle a contacté Encorp Atlantique pour avoir sa réaction face à la fermeture de certains centres de recyclage, et au fait que les opérateurs expliquent cette décision en citant le contrat proposé par l’entreprise.

«Nous avons eu deux centres de remboursement sur les 69 existants qui ont choisi de fermer. […] Nous sommes en contact avec les leaders communautaires dans les régions affectées pour trouver des options de remplacement qui minimiseront les perturbations de service», indique Pierre Landry, PDG d’Encorp Atlantique, par courriel, lundi.

Il fait valoir que l’augmentation du remboursement accordé aux Néo-Brunswickois occasionne une hausse de l’achalandage dans les centres de recyclage, ce qui est aussi bon pour les chiffres d’affaires de ces entreprises.

Les deux centres fermés mentionnés par M. Landry sont ceux de Rogersville et de Saint-Louis, dont la fermeture a été médiatisée au cours des dernières semaines.

Cathy Desroches, propriétaire de Recyclage Caissie, à Rogersville, exprime aussi ses doléances face au contrat proposé par Encorp. Elle affirme qu’elle a contacté un avocat, et qu’on lui a conseillé de ne pas signer.

À l’instar de M. Beaulieu, elle déplore les standards imposés par Encorp à des entrepreneurs indépendants. Elle affirme qu’Encorp promettait de retirer 6% de ses revenus annuels si elle n’obéissait pas aux modalités du contrat.

«C’était une claque dans la face», dit l’entrepreneure, qui gère son centre de recyclage, souvent seule, depuis 26 ans.

Maurice Robichaud, propriétaire de Recyclage Kent Inc. à Saint-Louis de Kent, a aussi mis la clé sous la porte.

«Ils veulent nous dire comment tout gérer, quelle heure on doit ouvrir. Ils veulent même nous faire porter des uniformes», dit-il.

Il affirme aussi qu’on voulait l’obliger à installer un système de point de vente informatique qu’il devait assurer à ses frais.

Il juge que la province devrait «reprendre le contrôle» des licences de centres de recyclage.

La grande majorité des autres centres de recyclage demeurent ouverts et se plient aux règles.  Mais certains d’entre eux sont tout de même mécontents des changements imposés par leur nouveau gestionnaire.

Deux opérateurs de centres ont accepté de parler avec l’Acadie Nouvelle sous le couvert de l’anonymat, en disant vouloir éviter de se mettre Encorp Atlantique à dos.

«Je me suis battu contre ça bec et ongles», dit l’un d’entre eux au sujet de l’obligation de demeurer ouvert le samedi. «Mais ils sont obstinés. […] Le gouvernement nous a abandonnés, et maintenant nous devons faire affaire avec Encorp.»

Il faut plus d’employés pour demeurer ouvert le samedi, et ces employés sont très difficiles à trouver, selon lui.

«Le fait qu’ils peuvent imposer des heures d’ouverture aux centres, c’est un peu ridicule», dit un autre opérateur.

Cette personne affirme qu’elle ne peut pas se permettre de fermer son entreprise, parce qu’elle doit encore rembourser un prêt sur l’achat de cette entreprise.

«Certaines personnes qui ont différentes sources de revenu ont fermé. Moi, c’est tout ce que j’ai.»

Un contrat amélioré  

Encorp Atlantique indique que les négociations sur le contrat se poursuivent depuis plusieurs semaines avec la Eastern Recyclers Association (ERA), un organisme qui représente les centres de recyclage.

«Nous souhaitons aboutir à la meilleure entente possible pour toutes les parties concernées», indique Pierre Landry par courriel.

Bruce Rogers, directeur général de l’ERA, se désole de la fermeture de trois centres de recyclage.

«C’est dommage que des entreprises doivent fermer à cause du nouvel environnement dans lequel elles doivent travailler», dit-il.

Mais M. Rogers affirme que les parties ont négocié un nouveau contrat, qui est «bien meilleur» pour les centres de recyclage. Des avocats se penchent actuellement sur le contrat, qui devrait être finalisé cette semaine, selon lui.

«C’était vraiment un contrat à sens unique. Mais nous sommes parvenus à négocier de meilleures conditions.»

Avec ce contrat, et avec l’augmentation actuelle de l’achalandage dans les centres de recyclage, il espère que la situation s’améliorera.

«Seul le temps nous le dira», affirme-t-il.

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