Description de la situation :
L’Observatoire a été informé de l’enlèvement et de la disparition forcée de M. Alou Badara Sacko, figure de la société civile malienne, membre du Forum des organisations de la société civile (FOSC) du Mali et l’un des porte-parole du Front « Touche pas à Mon Argent ». Le FOSC est un réseau d’organisations de la société civile malienne qui travaillent entre autres sur les questions de démocratie, de droits humains et d’État de droit. Le Front « Touche pas à Mon Argent » est un mouvement citoyen qui regroupe plusieurs couches socio-professionnelles du Mali crée suite à l’instauration par les autorités maliennes, le 5 mars 2025, de la nouvelle taxation de 10 % sur les recharges téléphoniques et de 1 % sur les transferts mobiles.
Le 14 mars 2025, aux environs de 18 heures, Alou Badara Sacko a été enlevé par des individus cagoulés non identifiés à Bamako, capitale du Mali. Alors qu’il quittait en voiture une réunion du Front « Touche pas à Mon Argent » au sujet de la nouvelle taxation qui se tenait à Bamako Coura, M. Sacko a été poursuivi par un véhicule de marque Toyota V8 gris, aux vitres fumées et sans plaque d’immatriculation, avec au moins quatre hommes à son bord. Au niveau d’un feu tricolore, situé au rond-point de la place de la Liberté, près du Ministère de l’éducation nationale, dans le centre ville de Bamako, trois hommes cagoulés en civil et armés sont sortis du V8 pour aller extraire M. Sacko de son véhicule et l’emmener vers une destination inconnue. Au moment de la publication de cet Appel Urgent, le sort et le lieu où se trouve Alou Badara Sacko sont toujours inconnus, et ses proches et son organisation restent sans nouvelles de sa part.
Le 15 mars 2025, les proches de M. Sacko ont fait une déclaration de disparition de personne auprès du commissariat de Police du 1er arrondissement de Bamako. La déclaration a été reçue par la police qui s’est engagée à mener une enquête, mais celle-ci n’a donné aucune suite au moment de la publication de cet Appel Urgent.
L’enlèvement d’Alou Badara Sacko serait lié à une vidéo publiée le 11 mars 2025 sur plusieurs réseaux sociaux, dans laquelle il dénonçait l’illégalité présumée de la taxation et demandait aux autorités d’y renoncer. M. Sacko demande par ailleurs constamment le retour à l’ordre constitutionnel et dénonce le rétrécissement de l’espace civique et les atteintes aux libertés fondamentales. Depuis l’instauration de la nouvelle taxation, il fait partie des nombreuses voix qui demandent l’annulation de ces nouveaux prélèvements fiscaux qui devraient servir à alimenter « le fonds de soutien » aux autorités maliennes.
L’Observatoire exprime sa vive inquiétude quant à l’état de santé d’Alou Badara Sacko depuis son enlèvement. M. Sacko est diabétique et doit par conséquent suivre un traitement quotidien, exigence ne pouvant être garantie dans une situation de disparition forcée, ce qui fait craindre une dégradation importante de son état de santé. De plus, la situation de disparition forcée dans laquelle se trouve M. Sacko fait craindre qu’il soit la cible de traitements inhumains et dégradants, voire d’actes de torture.
L’Observatoire rappelle que cet enlèvement s’inscrit dans un contexte de restriction croissante de l’espace civique et d’augmentation des attaques à l’encontre des défenseur·es des droits humains au Mali. Le mode opératoire utilisé laisse croire qu’Alou Badara Sacko aurait été enlevé par l’Agence nationale de la sécurité d’État (ANSE) appelée SE. Depuis 2021, la SE a procédé à l’enlèvement et à la séquestration d’une dizaine de défenseur·es des droits humains et d’autres voix dissonantes, sans qu’aucune enquête ne soit entreprise par les autorités judiciaires maliennes, comme il en est fait état dans le rapport de l’Observatoire de février 2025 « Espace civique et défenseur·es des droits humains au Sahel : convergence régionale des pratiques de répression ».
L’Observatoire condamne fermement l’enlèvement et la disparition forcée d’Alou Badara Sacko, qui ne semblent viser qu’à entraver ses activités légitimes de défense des droits humains.
L’Observatoire exhorte les autorités de transition au pouvoir au Mali à mener une enquête indépendante, rigoureuse et impartiale sur la disparition d’Alou Badara Sacko et à tout mettre en œuvre pour permettre sa libération. L’Observatoire appelle par ailleurs les autorités de transition au pouvoir à mettre fin à tout acte de harcèlement et à tout acte d’intimidation à l’encontre d’Alou Badara Sacko, ainsi que de tou·tes les défenseur·es des droits humains dans le pays.
L’Observatoire appelle enfin les autorités de transition au pouvoir au Mali à garantir en toutes circonstances le droit à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique telles que consacrées par le droit international des droits humains, et en particulier les articles 19 et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Mali est parti.
Actions requises :
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités de transition au pouvoir au Mali en leur demandant de :
– Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique d’Alou Badara Sacko et de tou·tes les défenseur·es des droits humains au Mali ;
– Tout mettre en œuvre pour que le sort d’Alou Badara Sacko et le lieu où il se trouve soient révélés, et qu’il soit immédiatement libéré ;
– Mener une enquête indépendante, rigoureuse, impartiale et transparente sur l’enlèvement d’Alou Badara Sacko afin d’identifier les responsables et de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits humains ;
– Mettre un terme à tout acte de harcèlement à l’encontre des défenseur·es des droits humains dans le pays et veiller à ce qu’ils et elles puissent mener leurs activités légitimes de défense des droits de humains en toutes circonstances, sans entrave ni crainte de représailles ;
– Assurer le strict respect des libertés fondamentales et en particulier garantir en toutes circonstances le respect des droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique, tels que garantis par le droit international des droits humains, en particulier par les articles 19 et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Mali est parti.
Adresses :
• Colonel Assimi Goita, Président de la Transition au Mali, Email : presidencemali@koulouba.ml, Twitter : @GoitaAssimi, @PresidenceMali
• Dr Choguel Kokalla Maïga, Premier Ministre, Email : contact@primature.gouv.ml, abkone79@yahoo.fr, Twitter : @ChoguelKMaiga
• Mahamadou Kassogué, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme ; Garde des Sceaux, pegnin@yahoo.fr
• Colonel Major Ismaël Wagué, Ministre de la Réconciliation, de la paix et de la cohésion nationale, chargé de l’Accord pour la paix Réconciliation nationale. Email : mrpcn32@gmail.com
• Colonel Major Daouda Aly Mohammedine, Ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Contact : https://securite.gouv.ml/ecrire-au-ministre/
• Abdoulaye Diop, Ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali, Email : maeci.courrier@diplomatie.gouv.ml, Twitter : @AbdoulayeDiop8
• Commission Nationale des droits humains du Mali, Email : abouare223@gmail.com, Twitter : @MaliCndh
• Mission permanente de la République du Mali auprès du Royaume de Belgique, des Pays-Bas, du Grand-Duché de Luxembourg, du Royaume-Uni et Représentation permanente auprès de l’Union européenne et du Groupe Afrique Caraïbes et Pacifique, Belgique, Email : info@amba-mali.be
• Abdoulaye Tounkara, Ambassadeur, Mission permanente de la République du Mali auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, Email : info@missionmali.ch
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Mali dans vos pays respectifs.
***
Paris-Genève, le 24 mars 2025
Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toute action entreprise en indiquant le code de cet appel.
L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits humains victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.
Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :
• E-mail : alert@observatoryfordefenders.org
• Tel FIDH : +33 1 43 55 25 18
• Tel OMCT : + 41 22 809 49 39
Crédit: Lien source