Au Burkina Faso, « le musèlement de toute voix dissidente est devenue la règle ». C’est la déclaration de Human Rights Watch, vendredi 28 mars, sur l’antenne de RFI. L’ONG de défense des droits humains s’alarme de la série d’arrestations qui s’enchaînent à un rythme particulièrement inquiétant. En l’espace d’une semaine, au moins huit personnes, dont cinq journalistes, ont été emmenés par des hommes en civil sans mandat ni motif officiel. Tous sont détenus dans un lieu toujours inconnu à ce jour. Depuis l’arrivée du capitaine Ibrahim Traoré au pouvoir en 2022, la répression contre la presse s’accentue. Cette semaine, Sidy Yansané se penche sur la disparition de deux journalistes de renom : Atiana Serge Oulon du journal L’Evénement et Boukari Ouoba du magazine Le Reporter. La situation d’insécurité est telle que nombre de nos confrères et consoeurs burkinabè n’ont pas souhaité parler au micro.
Il y a une semaine à Ouagadougou, l’Association des journalistes du Burkina présente son nouveau bureau national. Le président Guézouma Sanogo prend la parole et fustige la totale mainmise de la junte du capitaine Ibrahim Traoré sur les médias publics. « Une autre caractéristique de la haine et de la diabolisation des médias se traduit par les enlèvements et les séquestrations des journalistes ».
A côté de lui, Boukari Ouoba, fraîchement élu vice-président de l’AJB. Une promotion de courte durée…Trois jours plus tard, des hommes se disant agents des renseignements l’emmènent avec son président. Un mode opératoire devenu la norme au « pays des hommes intègres » ! Ses confrères et consœurs sont unanimes : Boukari était « le gardien du temple du Centre national de presse Norbert-Zongo qui faisait le relais avec les exilés ».
Analyste percutant, enquêteur et homme de terrain… Pour son magazine Le Reporter, il livre un papier sur la disparition du milicien Django, l’une des toutes premières victimes d’enlèvement sous la junte du MPSR-2 ! Sadibou Marong est le directeur du bureau régional de RSF : « Il a gagné pas mal de prix Boukari. Il a la question de la disparition de Django, l’artiste milicien là, qui était devenu leader des Koglweogos dans l’est, qu’on appelle Moussa Thiombiano. Boukari, c’est également un journaliste très engagé qui est tout le temps aux côtés de ses confrères aussi et qui n’a pas peur de s’exprimer pour la justice et l’égalité, mais également la dignité de la population », raconte-t-il.
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Des enlèvements en série pour faire taire la presse
Neuf mois plus tôt, c’est une autre vague d’enlèvements qui s’abat sur quatre journalistes, dont Atiana Serge Oulon, kidnappé à son domicile. « Le directeur de publication de L’Evénement a été réquisitionné pour combattre au front » dira plus tard le ministère de la Justice du Burkina Faso.
Pour ces confrères, Serge est un enquêteur-né, allant jusqu’à comparer L’Evénement à Mediapart, le site d’information français qui s’est forgé une réputation mondiale en moins de dix ans ! Expert en défense, Serge Oulon enquête sur le détournement présumé de 400 millions de francs CFA destinés à financer les supplétifs VDP et empochés par un certain capitaine du centre-nord d’après l’article… « Cela lui a valu une audition par le tribunal quelques semaines, mais c’est un grand professionnel dans la qualité de ses sources, a rapidement attiré, disons, les nouvelles autorités pour que ces gens, ces autorités-là, puissent essayer de le suivre davantage. Serge, c’est aussi un journaliste qui recevait des prix sur la lutte anti-corruption dans la presse. Il fait partie de la crème. Ce sont ces journalistes-là dont le Burkina a besoin. Et donc ces journalistes ne doivent pas passer une seconde dans une prison de notre point de vue », explique Sadibou Marong.
Pour son ultime publication en août dernier, L’Evenement a publié le portrait de Serge Oulon en première page et cet édito titré « Qu’est-ce qui nous arrive ? », référence au climat crépusculaire du journalisme burkinabè reconnu pour être l’un des plus performants d’Afrique de l’Ouest.
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