Depuis l’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko, le Sénégal traverse une période de transition marquée par des changements politiques et économiques significatifs. Parmi les décisions les plus symboliques figure la demande des autorités sénégalaises pour le départ des troupes françaises, une demande à laquelle Paris a acquiescé. Si cette décision a été saluée par une partie de la population sénégalaise, elle a également suscité des inquiétudes parmi les résidents étrangers, notamment les Français installés à Saly, une station balnéaire prisée des expatriés.
Une communauté expatriée en proie à l’incertitude
Saly, connue pour ses plages idylliques et son cadre de vie attractif, abrite une importante communauté étrangère, principalement française et européenne. Cependant, ces derniers mois, de nombreux résidents étrangers expriment leur malaise face à une situation qui se dégrade sur plusieurs fronts. L’insécurité grandissante, les défis sanitaires et les pressions fiscales sont autant de facteurs qui poussent certains à envisager de quitter le pays.
Cette tendance se reflète dans le marché immobilier local. Un simple coup d’œil sur les sites de petites annonces révèle une multiplication des biens immobiliers en vente dans les résidences de Saly. Villas, appartements et terrains sont proposés à des prix souvent attractifs, signe d’un désir croissant de partir. Cependant, malgré cette offre abondante, les acheteurs se font rares. La situation économique difficile du pays et le climat d’incertitude dissuadent de nombreux potentiels acquéreurs, augmentant ainsi le stress des expatriés désireux de quitter le pays.
« Nous aimons le Sénégal, mais la situation devient compliquée. Entre l’insécurité et les taxes qui s’accumulent, on se sent un peu pris au piège. Et maintenant, impossible de vendre notre maison à un prix décent », confie un résident français sous couvert d’anonymat, dont la propriété est en vente depuis quelque temps sans succès.
Insécurité et psychose sur la Petite Côte : le témoignage d’une résidente allemande
L’un des principaux motifs d’inquiétude est la montée de l’insécurité sur la Petite Côte, et surtout à Saly. Ces derniers mois, une série de cambriolages et de meurtres a semé la psychose parmi les habitants, notamment les expatriés. Les autorités locales ont été interpellées à plusieurs reprises, mais les mesures prises jusqu’à présent ne semblent pas suffire à rassurer la population.
Le climat d’insécurité a récemment pris une tournure plus personnelle et dramatique pour une résidente allemande installée à Saly depuis plusieurs années. Agressée devant sa résidence il y a quelques jours, elle témoigne sous couvert d’anonymat : « J’ai été attaquée en pleine journée, devant chez moi. Ils m’ont arraché mon sac et m’ont menacée. Depuis, je n’ose plus sortir seule. J’ai très peur et je me sens vulnérable. » Son témoignage, loin d’être isolé, reflète une réalité de plus en plus préoccupante pour les étrangers vivant à Saly.
« On ne se sent plus en sécurité ici. Les cambriolages sont de plus en plus fréquents, et les agressions aussi. C’est difficile de vivre dans un climat de peur constante », déplore une autre résidente française, qui a déjà mis sa villa en vente sans trouver preneur.
La polémique des taxes : double imposition et augmentation prévue
Outre l’insécurité, les résidents étrangers pointent du doigt une nouvelle source de tension : la polémique autour des taxes locales, notamment la taxe sur les ordures ménagères (T.O.M). Dans chaque résidence de Saly, les propriétaires paient des frais de syndic mensuels, qui incluent la gestion de la résidence ainsi que la T.O.M. Cette taxe est ensuite versée par le syndic à la SAPCO (Société d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal) pour le ramassage des ordures.
Cependant, depuis quelques mois, les résidents ont reçu un avis des impôts de Mbour les enjoignant à payer cette même T.O.M, d’un montant de 72 000 Fcfa, directement auprès des caisses des services fiscaux de Mbour. Cette demande a suscité une vive polémique, car les résidents estiment qu’ils paient déjà cette taxe via leurs frais de syndic. « C’est incompréhensible et injuste. On nous demande de payer deux fois pour la même chose. Cela devient insupportable », s’indigne un propriétaire français, dont la villa est désormais listée sur plusieurs sites immobiliers sans attirer d’acheteurs.
Selon des informations de Dakaractu, cette situation pourrait encore s’aggraver. La T.O.M, actuellement fixée à 72 000 Fcfa, passera à 108 000 Fcfa en 2025. Par ailleurs, le foncier bâti, qui était de 120 000 Fcfa, augmentera également pour atteindre 180 000 Fcfa. Ces augmentations, décidées par les services fiscaux de Mbour, risquent d’accentuer la pression fiscale sur les résidents de la Petite Côte, déjà confrontés à des défis économiques et sécuritaires.
Saleté persistante et motos Jakartas : des griefs supplémentaires
Les résidents de Saly expriment également leur incompréhension face à la persistance des problèmes de salubrité, malgré le paiement des taxes sur les ordures ménagères. Les plages et les routes de la région sont souvent jonchées de déchets, ce qui contraste fortement avec les sommes importantes payées pour le ramassage des ordures. « On paie des taxes pour que les ordures soient ramassées, mais c’est toujours sale partout. C’est frustrant et décourageant », déplore un résident.
En plus des problèmes de salubrité, les motos Jakartas, qui envahissent les routes et les plages, constituent une nouvelle source de préoccupation. Les week-ends, et particulièrement les dimanches après-midi, ces motos roulent en bande et à grande vitesse sur les routes de la station balnéaire, perturbant la tranquillité des résidents et représentant un danger pour les piétons. Pire encore, elles se permettent de rouler sur les plages, notamment à la plage de Plein Sud, à la plage de Safari, et à celle située avant l’hôtel Movenpick (ex-Lamantin Beach Hotel), mettant en danger les enfants et les personnes qui se baignent.
« C’est insupportable. Ils roulent à toute vitesse, sans respect pour les gens qui veulent se promener ou se reposer. C’est dangereux et bruyant », témoigne une résidente. « Les enfants ne peuvent même pas jouer en sécurité sur la plage. C’est inadmissible », ajoute un autre résident.
Défis sanitaires et fiscalité : des griefs récurrents
En parallèle, les problèmes de salubrité dans la région restent un sujet de préoccupation. Malgré les efforts des nouvelles autorités, qui ont initié les journées « Set Setal » (nettoyage citoyen) une fois par mois, les résultats semblent mitigés. Face à cet échec relatif, le président Bassirou Diomaye Faye a décidé de suspendre temporairement l’initiative le temps de revoir son format.
Un avenir incertain
Alors que le Sénégal cherche à se repositionner sur la scène internationale et à affirmer sa souveraineté, les défis internes restent nombreux. Pour les résidents étrangers de Saly, la question n’est plus seulement de savoir s’ils peuvent s’adapter à ces changements, mais plutôt s’ils souhaitent rester dans un contexte de plus en plus complexe.
Le départ des troupes françaises, bien que symbolique, semble avoir marqué un tournant dans les relations entre la France et le Sénégal. Pour les expatriés français, cette décision a également renforcé un sentiment de précarité, poussant certains à envisager de tourner la page et à chercher de nouveaux horizons. Cependant, avec un marché immobilier stagnant et une situation économique tendue, beaucoup se retrouvent coincés, incapables de vendre leurs biens et de partir.
Les annonces immobilières qui fleurissent sur les sites spécialisés en sont un témoignage éloquent : Saly, autrefois considérée comme un paradis pour expatriés, pourrait bien perdre une partie de son attractivité si les défis actuels ne sont pas rapidement relevés. En attendant, les résidents étrangers doivent faire face à une réalité de plus en plus difficile, entre insécurité, pression fiscale et incertitude quant à leur avenir.
Crédit: Lien source