Dix ans de cela, en 2014, ils étaient plusieurs intellectuels, des penseurs, chercheurs et acteurs impliqués dans la dynamique des relations entre Haïti et la République dominicaine, à apporter leurs contributions dans le numéro 226, de la revue franco-haïtienne de l’Institut Français en Haïti, Conjonction, qui porte le thème : «Les relations Haïti-République dominicaine».
Dans le menu de ce document de 206 pages, présenté dans les deux langues (français et espagnol), ils et elles répondaient au nom de : Rachelle Charlier Doucet, Maria Fliomenta Gonzalez Canaida, Sabine Manigat, Dagoberto Tajeda Ortiz, Bernardo Vega, feu Guy Alexandre, Ruben Silié Valdez, Carlos Dore Cabral, Cézar Pérez, Jean Claude Icart, Edwin Paraison, entre autres.
Dans ce numéro 226, nos lecteurs ne trouveront certes pas un traitement exhaustif des relations entre Haïti et la République dominicaine, mais plutôt un portrait en palette, fait de diversité et de nuances, auquel ont contribué de prestigieux intellectuels des deux côtés de l’île. Ces propos rapportés de l’introduction à la page 6 précisent que le dossier propose de découvrir différentes facettes des relations haitiano-dominicaines en quatre parties thématiques: La culture, l’histoire, la question migratoire, La crise actuelle autour de la nationalité (L’arrêt 136-13 de la Cour constitutionnelle de la République dominicaine).
De quoi parle-t-on ? Quelles sont les thématiques retenues ? Comment ces auteurs et autrices présentent leurs contributions autour de la problématique des relations haitiano-dominicaines ? Pourquoi prendre en compte une telle publication dans la recherche des solutions dans la crise en cours entre les deux pays dix ans plus tard ? Pourquoi il est impératif de prendre en compte la dimension culturelle dans les relations entre Haïti et la République dominicaine, en dehors des dimensions diplomatiques, politiques, juridiques, économiques, migratoires, entre autres ?
Différents aspects culturels sont pris en compte dans l’exploration de la thématique : «Haïti et la République dominicaine: La culture populaire peut-elle aider à tisser des liens durables entre les deux pays ?» abordée par la chercheuse Rachelle Charlier Doucet.
D’entrée jeu, clarifions dans quel sens nous entendons l’expression «culture populaire», car elle ne fait pas l’unanimité, même si le sens semble aller de soi. Les termes «culture populaire», «culture traditionnelle» et «folklore »sont souvent utilisés de manière interchangeable. Ce qui n’est pas sans poser de problème pour les experts”. Il vaut la peine de rappeler la définition proposée en 1989 par l’UNESCO car elle avait l’avantage d’énumérer les éléments à prendre en compte pour cerner cette culture populaire”, informe l’experte.
Dagoberto Tajeda Ortiz, spécialiste de son état, ne reste pas insensible dans cette exploration culturelle bilatérale. Il propose le sujet : «Carnaval et colonisation en République dominicaine et Haïti», pour tenter d’animer les débats, proposer de nouvelles pistes de recherche et de réflexions.
Dans la perspective historique des relations haitiano-dominicaines durant la période de 1800 à 1960, l’intellectuel Bernado Vega a pris en compte plusieurs aspects majeurs dans son argumentaire, en relatant quelques faits importants notamment: «En juin 1944, Trujilo ordonna l’assassinat de Lescot, en chargeant de l’affaire Augusto Ferrando, qui recruta quelques Haïtiens, mais l’un d’eux informa Lescot. Le complot fut découvert en novembre et plusieurs Haïtiens furent emprisonnés» (Page 58). L’auteur terminera son texte en rappelant : “Non seulement, pour la première fois dans l’histoire, un accord fut signé entre les gouvernements pour fournir des ouvriers de la canne haïtiens pour une industrie sucrière, qui à ce moment-là se trouvait déjà entre les mains de Troujullo, mais les presidents dominicain et haïtien signèrent entre outre un pacte “anti-communiste” ; en fait un pacte de non-agression.”.
Durant la période de 1988 à 2010, l’ancien ambassadeur Guy Alexandre propose un panorama sur une sélection d’aspects de l’évolution de l’État dominicain. Sa contribution se précise autour des lignes relatives aux : «Trois chefs d’Etat et cinq mandats présidentiels inscrits en ce laps de temps de 23 ans, correspondent donc à un moment de l’histoire politique interne de la République dominicaine, où le pays connaît une évolution structurelle interne de l’Etat dominicain que l’on peut repérer à travers les cinq indicateurs».
Découvrons cette évolution à la fois politique, institutionnelle et sociale, à l’aune de ces cinq indicateurs que sont : «Le fonctionnement institutionnel d’ensemble de l’Etat et de ses appareils ; Les relations entre les divers pouvoirs constitutifs de l’Etat et du régime politique ; Les relations entre l’Etat et les groupes sociaux, couches et catégories sociales, fractions de classe ou classes sociales de la société dominicaine ; Les relations de l’Etat à la société civil ; Les perspectives et projet “projets” de développement économique et social du pays».
Dans la portée et limites du régime spécial sur la nationalité et la naturalisation, l’expert Edwin Paraison souligne: «Qu’il existe une préoccupation justifiée concernant les Dominicains sans papiers d’origine haïtienne. Ceux-ci sont estimés à un peu moins de 100 000 personnes, selon les données de l’Enquête nationale auprès des Immigrants (ENI 2012) sur la population dominicaine d’origine étrangère en possession d’un document».
De telles expériences politiques ou approches institutionnelles ne visent qu’à présenter à la fois l’architecture et la démarche qui auraient conduit ce pays à jeter les bases d’un nouveau contrat social pour une gouvernance fonctionnelle, cohérente, stable et durable.
Dans ces regards croisés proposés par les différents contributeurs de ce dossier, encore d’actualité dix ans plus tard (2014-2024), les résultats de ces recherches, en dehors des différentes recommandations partagées ouvrent la voie à de nouvelles réflexions sur l’évolution et les constantes qui habitent les contours de cette relation partagée entre Haiti et la République dominicaine.
Dominique Domerçant
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