Entrepreneurs martiniquais : ils sont la solution, pas le problème ! L’édito de Michel Taube

En Martinique, le succès de certains entrepreneurs dérange. Au lieu d’être salué comme un moteur de développement, le monde patronal, des commerçants aux ETI, en passant par les artisans et les entrepreneurs individuels, est pointé du doigt par des politiques et des activistes qui peinent à justifier leurs propres échecs. Face à l’incapacité des élus et des mouvements revendicatifs à proposer des solutions viables pour dynamiser l’économie locale, ces entrepreneurs deviennent des cibles faciles. Une façon de procéder, depuis des années, qui masque une réalité cruelle : si certain réussissent, c’est bien que les obstacles ne sont pas une fatalité.

Faut-il le rappeler ? L’économie martiniquaise est, comme les autres territoires des Outre-mer, un marché local limité par sa taille et sa faible densité économique et où l’entrepreneuriat est vu avec méfiance. Pour se développer, les entreprises doivent chercher des relais de croissance en se diversifiant localement et en s’étendant à l’extérieur.

Cette expansion est loin d’être un luxe : elle est une nécessité. Un marché aussi restreint ne permet pas aux entreprises d’atteindre une taille critique suffisante pour survivre. Et c’est un levier pour peser dans les négociations avec les fournisseurs et obtenir des conditions commerciales compétitives. En s’implantant ailleurs, les entrepreneurs martiniquais gagnent en volume, réduisent les coûts et peuvent, en retour, proposer de meilleurs prix aux consommateurs locaux.

Sur un si petit marché, les acteurs économiques doivent diversifier leurs activités en local et à l’extérieur. Grandir pour une entreprise, ce n’est pas un caprice : c’est un effort vital.

 

Le procès injuste fait aux entrepreneurs

Cette logique économique implacable est ignorée par les militants et responsables politiques, qui accusent ces entrepreneurs de « profitations », ou de s’éloigner du territoire ou de ne pas assez redistribuer leur succès. Une critique absurde, tant elle ignore les dynamiques réelles du marché. Ce ne sont pas les entrepreneurs qui appauvrissent la Martinique, mais bien l’absence de politiques économiques ambitieuses.

Plutôt que de questionner les blocages structurels – lourdeur administrative, territoire le plus fonctionnarisé de France, gabegies financières de bon nombre d’organismes locaux, difficulté d’accès au financement, poids de la réglementation et inadaptation du droit national et européen aux Outre-mer, insularité, manque de visions et de projets des élus -, ils inventent le procès de ceux qui réussissent.

Ces dernières années, conscients du climat hostile qui entoure la réussite entrepreneuriale en Martinique, beaucoup de chefs d’entreprise ont adopté une stratégie d’autodéfense : avancer seuls, sans bruit, sans attirer l’attention. Cette discrétion, longtemps perçue comme un réflexe de survie face aux attaques récurrentes, devient aujourd’hui un motif de suspicion. Ceux qui ne s’affichent pas, qui ne revendiquent pas haut et fort leurs succès, sont accusés d’opacité, de pratiques douteuses. Un comble, quand on sait que cette discrétion découle précisément des procès permanents intentés aux entrepreneurs.

Les attaques, physiques par les uns comme à l’automne dernier, et politiques par les autres comme récemment, que subissent depuis des mois de nombreuses entreprises martiniquaises devraient conduire les organisations consulaires patronales à être beaucoup plus proactives dans les débats publics et à défendre avec force et détermination les intérêts de leurs mandants, intérêts qui sont ceux des Martiniquais dans leur ensemble, en tous les cas de ceux qui veulent travailler, se former, s’enrichir et se développer.

 

 

L’entrepreneuriat, une chance pour la Martinique

Les entrepreneurs sont une chance pour la Martinique. Plus les entreprises locales parviennent à s’exporter et à grandir, plus elles sont en mesure de réinjecter de la valeur dans le tissu économique insulaire. Faire des entrepreneurs martiniquais des boucs émissaires, c’est se tromper de combat. L’enjeu n’est pas de freiner ceux qui réussissent, mais de créer les conditions pour que leur succès profite à tous. Et cela passe par un changement de regard sur l’initiative privée, perçue comme une menace alors c’est le levier le plus important du développement de la Martinique.

Et si le succès des entrepreneurs devenait un modèle pour l’ensemble de la Martinique ? Ces chefs d’entreprise, de toutes tailles j’insiste (et l’auteur de ces lignes est fier d’être fils de « petits » commerçants), qui avancent sans soutien, sans filet et contre vents et marées, prouvent qu’un autre modèle est possible. Un modèle qui repose sur l’audace, le travail et l’ouverture sur le monde, loin des discours victimaires et des logiques d’assistanat entretenues par des élus plus préoccupés par leur réélection que par le développement réel de l’Ile.

Car si rien ne change, le pire est à venir : ces entrepreneurs finiront par partir ou par arrêter d’investir, à l’image de ces jeunes qui fuient une île où l’avenir est bouché par manque de projets et de visions des élus. Car, à force de décourager ceux qui réussissent, la Martinique risque de se vider de ses forces vives. Il est encore temps de choisir une autre voie : faire du succès privé une dynamique collective plutôt qu’un prétexte à la suspicion et au règlement de comptes.

Sinon, il ne restera bientôt plus que ceux qui dépendent du système français (élus, chômeurs, retraités), ceux qui vivent du trafic de drogue… et ceux qui fuient la Martinique.

Il faut ici se souvenir du conflit social qui a lourdement frappé la Martinique en 2009 : parce que les réponses qui y ont été apportées ont été trop dirigistes, il a eu des conséquences économiques considérables avec un désinvestissement de nombreux acteurs internationaux et nationaux qui a fait perdre beaucoup de richesse à la Martinique. Veut-on revivre cette décennie passée ou faire le choix résolu d’une relance massive et entrepreneuriale de la Martinique ?

À Fort-de-France, dès la première journée de sa visite en Martinique, Manuel Valls compte parler du modèle économique du territoire. Ce sera véritablement pour lui l’occasion de faire le choix, soit d’un modèle libéral dynamique, soit celui d’une aventure dirigiste qui ne fera que renforcer l’assistanat et la descente aux enfers de la Martinique.

 

Michel Taube

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