ENTRETIEN. France – Espagne en demi-finale de l’Euro 2024 : « Si on retrouve un peu de Mbappé… » espère Alain Casanova, ancien entraîneur du TFC
Fan et grand observateur du foot de l’autre côté des Pyrénées, Alain Casanova, franco-espagnol, a bien voulu nous donner son avis d’expert sur la demie de ce mardi 9 juillet (21h), à l’Allianz Arena de Munich, opposant la Roja aux Bleus. Âgé aujourd’hui de 62 ans, le technicien du Toulouse FC de 2008 à mars 2015 et de 2018 à octobre 2019 voit les Français « prendre progressivement l’ascendant ». Il nous explique pourquoi.
Alain, c’est une finale avant la lettre, non ?
Disons que l’Espagne a réalisé un parcours sans-faute jusqu’à maintenant. Et, qu’avec l’Allemagne, ce sont les deux équipes qui ont fait la plus forte impression. Après, l’on sait très bien aussi que la France – avec son potentiel et sa capacité à être meilleure match après match – peut battre n’importe qui. Et remporter le tournoi, tout autant.
Le bilan des confrontations entre les deux nations est très serré (16V pour l’Espagne, 13 à la France)…
(il coupe) On voit que toutes les rencontres à élimination directe se sont jouées sur des détails : aux penalties, dans le temps additionnel. Ou grâce à des joueurs qui font la différence. L’équipe de France a été diminuée par la fracture de Mbappé.
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Pouvez-vous nous dresser le portrait-robot de l’EdF ?
C’est un XI très au point sur le plan tactique, remarquablement organisé et qui a beaucoup d’âme dans ce qu’il entreprend. Il y a un très bon gardien, une charnière costaude ; sans oublier des latéraux, qui se révèlent, aidés par des milieux qui travaillent énormément. Les Bleus sont difficiles à bouger.
Quid de l’adversaire ?
De très grande qualité, je n’invente rien ; car lorsqu’on parvient à éliminer la Mannschaft chez elle… La Roja actuelle ne ressemble plus du tout à l’Espagne qu’on connaissait. Avant, elle s’appuyait sur la possession du ballon, le contrôle du jeu, sans déséquilibres au demeurant ; le jeu de positions était très féroce si on ose, très structuré. Aujourd’hui, bien sûr elle continue de contrôler les débats mais en ayant également des transitions avec des joueurs très bons sur les côtés. C’est une formation qui a augmenté son capital danger ; elle est bien plus imprévisible qu’avant.
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De la Fuente a enrichi la palette de verticalité, c’est ça ?
Absolument. Fini les temps de possession très longs, des séries de passes jusqu’à 3-4 minutes, qui étaient inefficaces. Maintenant, l’idée est d’amener le ballon sur les côtés afin de faire des différences individuelles signées Yamal et Williams ou collectives en travaillant à deux ou trois avec l’appui des latéraux. Les Espagnols ont déjà marqué 11 buts et a contrario n’en ont encaissé que 2. Pas besoin de dessin.
Vous qui avez la double nationalité, votre cœur balance ?
Il bat la chamade au contraire quand les deux équipes ne s’affrontent pas (rires)… Lorsqu’elles sont opposées, mon cœur ne balance plus. Moi je me sens autant espagnol que français ; mais en même temps plus français qu’espagnol. L’Espagne est ma seconde patrie, le pays de mes parents, où je me rends très souvent. En attendant, mon réel pays où j’ai été élevé, ai grandi, c’est la France.
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Revenons au match : quelles individualités ibériques ressortiriez-vous ?
D’abord, je pense qu’ils vont être handicapés par l’absence de Pedri (blessé). Même si son remplaçant Olmo a été à créditer d’une très bonne entrée (1 but, 1 passe), le milieu barcelonais est fantastique. Ensuite, la suspension de Carvajal est une grosse perte. Pour moi, sur la saison, le défenseur du Real est le meilleur latéral droit en Europe. Son vécu, sa facilité à mettre des sécurités. Or…
Oui…
Sans citer Le Normand qui est aussi suspendu, je trouve qu’ils ont deux éléments qui ne sont pas au diapason du reste de l’effectif. Leur gardien, Simon, est un bon goal sans être exceptionnel. Et l’avant-centre Morata n’affiche pas toujours un grand réalisme. À part ça, derrière Laporte, valeur sûre, et Cucurella, sensation du tournoi, assurent. Dans l’entrejeu, Rodri, une référence, et Ruiz, qui monte crescendo, idem.
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Très solide sur ses bases, la France, mais cela manque de flamboyance.
Cette équipe est chirurgicale, on va dire. Entendu, on s’attend à plus ; cependant, une fois encore, la blessure de Kylian Mbappé est un véritable frein. C’est très difficile de jouer avec un masque : on n’a pas les mêmes sensations, on est gêné au niveau de la respiration, de la vision… J’ai l’impression que, de fait, on a un peu perdu en confiance sur le plan offensif. Thuram, Kolo Muani ou encore Dembélé ne sont pas libérés dans leur dernier geste. Néanmoins, ce que je retiens, c’est qu’une formation solide défensivement est susceptible d’aller au bout.
Le match, justement, mettra aux prises les deux meilleures arrière-gardes de la compétition. Marrant ?
L’Espagne a pris 2 buts, nous 1 seul sur penalty. Mais l’Espagne défend avec le ballon. Et quand elle doit réellement défendre, elle peut être en difficulté. Qui remplacera Carvajal ? Jesus Navas ? En tant qu’excentré reconverti latéral, il sera bon offensivement ; inversement, il ne sera pas à l’aise face à Barcola par exemple. En face, Cucurella est solide ; pareil : il aime bien attaquer. En résumé, on devrait les faire souffrir (sourire). Je nous vois prendre l’ascendant progressivement.
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La défense tricolore, une vraie bonne surprise !
On a un réservoir en France extraordinaire, notamment sur le poste des centraux. Didier (Deschamps) pourrait ainsi aligner 3-4 charnières de très haut-niveau. Tout le monde s’attendait à Konaté, Saliba sort du chapeau et, d’après moi, est même l’axial numéro un sur la compétition. Bien secondé par un Upamecano qatarien si on ose. Mais je n’en dissocierais pas les latéraux qu’on avait rarement vus tant rigoureux et engagés. Et l’on a déjà parlé du milieu. Donc je me répète : si on retrouve un peu de Mbappé, notre sélection est à même de gagner l’Euro.
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