Huit des seize patients qui ont été recrutés pour ces travaux ont développé une réponse immunitaire à leur cancer, et six d’entre eux étaient toujours en rémission trois ans pus tard.
«Ce sont de très bonnes nouvelles, s’est réjouie la docteure Anne Gangloff, du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval. Personnellement, depuis dix ans, ce sont (les résultats) qui me donnent le plus d’espoir pour les patients.»
Le cancer du pancréas est une maladie impitoyable face à laquelle les options thérapeutiques sont extrêmement limitées. Il compte parmi les cancers les plus mortels au Canada et son incidence est en augmentation, et non en diminution, depuis quelques années.
Les chimiothérapies disponibles s’accompagnent d’effets secondaires qui n’ont rien d’une partie de plaisir, a rappelé la docteure Gangloff, et il y a eu très peu de percées thérapeutiques depuis dix ans.
Tout cela pourrait changer avec l’ARN messager, la technologie saluée d’un prix Nobel de médecine qui a permis de mettre fin à la pandémie de COVID-19 quand des chercheurs ont isolé la protéine de surface du SRAS-CoV-2 pour enseigner au système immunitaire à reconnaître, attaquer et détruire le virus.
C’est exactement la même stratégie qui est maintenant utilisée face à différents cancers, dont celui du pancréas, a dit la docteure Gangloff.
«Tous les patients (qui ont participé à cette étude) avaient un cancer un peu différent, a-t-elle expliqué. Les chercheurs ont identifié ce qui était spécial à ce cancer, ce qu’on ne retrouvait pas sur un pancréas sain ou ailleurs dans le corps, (…) puis ils ont vacciné leurs patients.»
Le corps des patients s’est alors mis à reconnaître des particules de surface propres au cancer «et à nettoyer tout ça proprement», a-t-elle ajouté, tout ça sans les effets secondaires presque insupportables de la chimiothérapie.
«Je pense que ce qui va avoir le plus d’impact, qui va être le mieux toléré dans les différents traitements de cancer, ça va être vraiment quand notre propre corps va être capable de reconnaître et d’éliminer les cellules cancéreuses, a dit la docteure Gangloff. Et c’est exactement de ça dont on parle dans cette découverte.»
Il reste toutefois encore des choses à régler, a-t-elle prévenu.
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Deux des huit patients qui ont développé une réponse immunitaire ont ainsi été victimes d’une récidive, ce qui nous rappelle que le cancer est un ennemi redoutable qui est passé maître dans l’art de se soustraire aux armes que l’on développe contre lui.
En étudiant plus en détail ces deux patients, les chercheurs ont découvert que leur cancer avait tout simplement cessé d’exprimer la protéine qui avait été identifiée et avec laquelle ils avaient été vaccinés. Leur système immunitaire était donc privé de sa cible.
«Les cellules cancéreuses se reprogramment constamment pour trouver une solution pour échapper aux traitements, a dit la docteure Gangloff. Les cellules cancéreuses ont simplement à enlever cette protéine-là de leur surface, et hop, c’est reparti.»
La mise au point d’un tel vaccin personnalisé prend aussi neuf semaines, a-t-elle rappelé. Cela veut dire qu’on pourrait envisager de traiter uniquement les patients qui seront encore en vie dans trois mois: deux mois pour développer le traitement et un mois pour espérer qu’il fasse effet.
Cela justifie que le Canada déploie toutes les ressources nécessaires pour s’assurer de son autonomie à ce niveau, dit la docteure Gangloff, qui livre un plaidoyer vibrant à ce sujet.
«Dans le contexte actuel de guerres commerciales, on doit avoir une autonomie dans notre façon de faire nos vaccins, puis nos traitements et médicaments, a-t-elle lancé. C’est un peu comme notre agriculture, ce sont des choses pour lesquelles on doit être autonomes.»
Les participants qui ont le mieux répondu au traitement dans le cadre de cette étude étaient toujours en rémission après trois ans, soit une durée comparable à celles dont profitent les patients traités en chimiothérapie, mais sans les effets secondaires, a dit la docteure Gangloff.
Les patients acceptent la chimiothérapie parce que ça leur achète du temps, a-t-elle ajouté. Et ce temps est précieux, même s’ils sont malades, pour passer du temps avec leurs proches et régler certaines choses.
L’ARN messager est vraiment la «bonne façon de faire» dans la lutte contre le cancer, a dit la docteure Gangloff.
«Ce n’est pas seulement une source d’espoir, a-t-elle conclu. On voit que c’est concret et que c’est possible. Oui ça va coûter cher, mais à long terme, c’est vraiment la voie de l’avenir.»
Les conclusions de cette étude ont été publiées par le prestigieux journal scientifique Nature.
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