Et si nous relisions l’hymne national afin de bâtir un Sénégal meilleur ? (Par Oumar Ba)

L’hymne national d’un pays est plus qu’une simple mélodie ou un rituel d’ouverture lors des cérémonies officielles. C’est un signe de ralliement, un symbole unificateur, un serment collectif. L’hymne du Sénégal, notre hymne, est un concentré d’histoire, de valeurs et d’ambitions, une boussole et un appel à l’action.

En cette fête d’indépendance, ce texte puissant mérite d’être relu et médité pour être approprié. Cette relecture est une occasion de redonner à notre hymne sa pleine portée, d’en extraire la quintessence et de l’appliquer à tous les niveaux de la société. À chaque citoyen, à chaque gouvernant, à chaque travailleur, à chaque femme et à chaque jeune, notre hymne rappelle un engagement, une mission et un viatique.

Appel à tous les citoyens : être dignes de nos ancêtres

La kora et le balafon ne sont pas de simples références artistiques ou amusements frivoles. Ce sont des instruments joués dans la cour des rois pour rappeler le passé glorieux de leurs devanciers et les inviter à perpétuer leur héritage et rendre “l’honneur de nos ancêtres”. Ainsi, « le Lion rouge a rugi » n’est pas qu’un simple rappel de l’indépendance de 1960. C’est un appel permanent à la souveraineté, à la responsabilité individuelle et collective, à la construction d’un Sénégal fort, digne et conquérant… comme le roi de la savane.

Aux dirigeants : l’exercice du pouvoir est un sacerdoce

Gouverner véritablement, c’est bâtir un “grand dessein” pour la nation. La souveraineté ne se limite pas à des proclamations nationalistes ; elle se manifeste dans la justice, dans la transparence et dans la capacité à garantir à chaque citoyen l’accès équitable à l’éducation, à la santé, au travail et à la dignité.

« Rassembler les poussins à l’abri des milans », c’est assurer la défense de nos frontières face aux menaces extérieures, mais aussi, garantir la sécurité publique et la protection sociale pour tous. Un dirigeant n’est pas un maître, mais un protecteur et un serviteur du peuple.

Briser les armes, ce n’est pas seulement œuvrer pour la paix (en Casamance, par exemple) ou prévenir les conflits politiques. C’est aussi lutter contre la corruption, l’inaction, les divisions ethniques et partisanes, le gaspillage des ressources. C’est remplacer la violence par la justice, l’égoïsme par la solidarité, le fatalisme par l’action, les tensions mortifères par le dialogue constructif. C’est cette mission noble et exaltante qui est assignée aux élus.

Aux fonctionnaires et travailleurs : faire du travail une œuvre de patriotisme

Le développement ne se décrète pas, il se forge dans l’abnégation et l’effort quotidien de chacun et de tous. Une économie forte repose sur la production locale et la transformation de nos richesses. Un pays avance lorsque chaque citoyen comprend que le travail bien fait est autant un acte patriotique qu’un acte de foi et une œuvre de dévotion.

Chaque cultivateur dans son champ, chaque artisan à son ouvrage, chaque enseignant devant sa classe, chaque agent de l’État dans son bureau, bref, chaque travailleur doit être un soldat du développement. « Car le travail sera notre arme et la parole. »

Aux femmes, piliers du progrès social et économique : « dressons l’arme de la foi »

L’hymne parle d’ »Afrique mère », soulignant que la patrie est aussi « matrie ». Les femmes sénégalaises ont toujours été des forces motrices de la société, à la tête des familles, des entreprises, des marchés, des champs, des écoles. Leur rôle éminent doit être davantage reconnu, soutenu et valorisé à tous les niveaux.

Renforcer leur autonomisation économique, c’est accélérer le développement national. Encourager leur participation politique et sociale, c’est bâtir un Sénégal équilibré et inclusif. Investir dans l’éducation des filles, c’est garantir un avenir meilleur à tout le pays.

Aux forces de défense et de sécurité : protéger avec honneur et justice

« Nous serons durs sans haine… » Nos soldats, gendarmes, policiers et sapeurs-pompiers sont les garants de notre souveraineté, de notre sécurité et de notre stabilité. Leur engagement doit être toujours guidé par l’honneur, le respect des droits humains et la protection des citoyens. Saluons l’engagement et le grand professionnalisme de nos FDS dans les missions de paix dans le monde. C’est pourquoi, “être dur sans haine”, c’est défendre la nation avec rigueur, mais sans arbitraire. Mettre l’épée “dans la paix du fourreau”, c’est toujours privilégier la médiation et la prévention des conflits plutôt que le recours à la force.

Dans un monde marqué par de nouvelles menaces – terrorisme, cybercriminalité, insécurité transfrontalière – nos forces de sécurité doivent rester modernes, disciplinées et ancrées dans les valeurs républicaines. La sécurité ne se bâtit pas dans la peur, mais dans la confiance et la justice qu’elle doivent incarner, conformément à notre concept d’armée-nation que beaucoup nous envient. C’est pourquoi les “deux bras ouverts” doivent rassurer les citoyens et ne pas susciter leur méfiance ou adversité.

À la jeunesse : l’avenir du Sénégal est ici, pas ailleurs

La jeunesse sénégalaise doit se retrouver dans la figure du « fils de l’écume du lion ». Elle est à la fois forte physiquement, avec des bras “splendides comme ébène et forts comme le muscle”, mais aussi moralement, “dans sa foi défiant tous les malheurs”. Sa combativité doit se traduire par une foi inébranlable en l’avenir du pays.

Certes, cette jeunesse est-elle tournée “vers tous les vents du monde”, mais le salut n’est pas dans l’émigration clandestine, au péril de vies et de rêves brisés. Le Sénégal de demain se construit aujourd’hui, ici, sur cette Afrique riche d’opportunités à imaginer et créer. Refuser la fatalité, la facilité et le gain rapide, c’est se battre pour apprendre, innover, entreprendre afin de dissiper les ténèbres.

Mais l’État protecteur doit agir fermement contre un fléau grandissant : les jeux de hasard, qui détournent les jeunes de l’effort et du mérite.

Un hymne à l’éco-citoyenneté : « unissons la mer et les sources »

Nos ancêtres ont honoré la nature, conscients qu’elle est notre première richesse. Mais aujourd’hui, nos fleuves, forêts et terres sont menacés par les changements climatiques et la prédation foncière.

« Unissons la steppe et la forêt », c’est nous engager à être des écocitoyens responsables et à promouvoir des politiques environnementales fortes et ambitieuses. Construire nos villes ne doit pas signifier faire pousser des jungles de béton surpeuplées ou encombrées et soumises aux risques anthropiques mais trouver un équilibre harmonieux entre développement urbain et préservation de la nature. C’est aussi freiner l’exode rural parce que nos terroirs préservés seront devenus attractifs.

Une terre dévastée est une terre dépendante alors qu’un pays souverain est un pays qui nourrit son peuple. L’importation massive de denrées, l’épuisement de nos ressources et la destruction de notre environnement sont des signes de fragilité. L’heure est venue de restaurer notre autonomie alimentaire et énergétique par un usage raisonné et efficace de toutes nos ressources.

La souveraineté : aller au-delà des mots

La souveraineté du Sénégal ne se limite pas à son indépendance politique. Elle doit être aussi économique, alimentaire, environnementale et culturelle. Être patriote, ce n’est pas seulement chanter l’hymne lors des manifestations sportives. C’est être des modèles, éduquer nos enfants, soigner nos malades, cultiver la solidarité et nos terres, transformer nos matières premières et préserver nos ressources. C’est valoriser notre patrimoine et nos langues locales, car un peuple sans identité perd sa grandeur.

 

« Un peuple dans sa foi défiant tous les malheurs » doit être résilient comme le baobab (cet autre symbole national) mais aussi prévoyant et stratège face aux crises et défis du monde actuel.

Un appel à l’unité nationale

L’hymne est riche en symboles et métaphores. Son style injonctif (« Pincez… », « Debout frères », « Unissons… ») est un appel à l’inclusion et l’action collective.

Alors, soyons des « plus que frères », formons « un peuple sans couture », solidaire, loin des clivages ethniques et uni malgré les divergences politiques. Aimons notre pays non en paroles, mais en actes concrets et engagés. Produisons et consommons ce que nous avons, car le Lion, si fier, ne se nourrit ni de charogne ni d’aumône (aide alimentaire).

“Le Lion rouge a rugi”. Écoutons-le et portons ce rugissement dans notre “cœur vert”. Bâtissons ensemble la nation résiliente, prospère, juste et souveraine que nous méritons et que nous voulons léguer aux générations futures. Sénégalais, debout !

Oumar Ba

Urbaniste / Citoyen sénégalais

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