État failli, calvaire des populations congolaises, par Rodrigue Nana Ngassam (Le Monde diplomatique, mai 2024)

« La République démocratique du Congo ne sortira jamais du trou dans lequel elle se trouve »

Après un moratoire de vingt ans, Kinshasa a rétabli la peine de mort le 15 mars, notamment pour les militaires accusés de trahison et les « bandits urbains ». Censée affermir l’autorité de l’État, cette mesure est en réalité l’aveu d’une impuissance. Depuis son indépendance en 1960, la République démocratique du Congo subit la prédation de ses dirigeants et la convoitise de ses voisins.

Catheris Mondombo. — « Regard vers le passé », détail, 2023

© PCP – Courtesy Catheris Mondombo, Collection Ébalé – Galerie Angalia, Paris

Record pour ce pays en guerre depuis 1997 : le nombre de personnes déplacées à l’intérieur de la République démocratique du Congo (RDC) s’élevait à sept millions fin 2023. La succession de conflits a aussi fait des millions de victimes. Leur nombre exact reste incertain mais, à elle seule, la guerre dans l’est du pays entre août 1998 et décembre 2002 a, directement ou indirectement, tué trois millions de personnes selon l’International Rescue Committee (IRC). En plus de soixante ans, la RDC n’a jamais connu durablement la paix et la stabilité. Les conditions dans lesquelles cette ancienne colonie belge a accédé à l’indépendance en 1960 ainsi que le modèle de développement choisi par ses dirigeants expliquent la fragilité intrinsèque de l’État et les tensions qui le déchirent.

Après l’assassinat du premier ministre Patrice Lumumba par les services secrets belges et américains en 1961, le long règne de Joseph Mobutu Sese Seko (1965-1997), soutenu par les Occidentaux, installe le pays, renommé Zaïre en 1971, dans une économie de rente, corrompue, prédatrice et inégalitaire, dont le géant d’Afrique centrale n’est toujours pas sorti. Malgré d’abondantes richesses naturelles (51 % des réserves mondiales de cobalt, 31 % du diamant industriel, 6 % du diamant de qualité gemme, 9 % du tantale), au début des années 1990, alors que la RDC comptait déjà parmi les pays pauvres très endettés, la fortune personnelle de son président dépassait les 4 milliards de dollars. Au départ des colonisateurs belges, les nouvelles élites nationales entendaient pourtant faire du pays le « Brésil africain », avec comme fer de lance la Générale des carrières et des mines (Gécamines), issue de la nationalisation de l’Union minière du Haut-Katanga (UMHK). Victime des prédations du président Mobutu et de sa famille, qui ont puisé en fonction de leurs besoins personnels dans les caisses de l’entreprise, celle-ci n’a cessé de perdre de l’argent avant d’être privatisée en 2008 sur injonction des institutions financières (…)

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Rodrigue Nana Ngassam

Docteur en science politique (université de Douala), chercheur associé à l’Institut de recherche en géo­politique et d’études stratégiques de Kinshasa (Irges) et membre de l’Académie de géopolitique de Paris.

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