Faso de plus en plus ferme à l’égard de ses critiques

La Transition au Burkina Faso, toujours confrontée à des violences jihadistes récurrentes, a appelé lundi 07 avril 2025 les populations à ne pas « commenter ou partager » les publications faisant « l’apologie du terrorisme », des « infractions sanctionnées » par le Code pénal burkinabè. Une annonce qui s’inscrit dans la suite logique de la fermeté des autorités du Faso à l’égard de leurs critiques pour la suite de la Transition, au moins jusqu’en 2029.

Le pays reste régulièrement ensanglanté par des attaques de groupes armés jihadistes liés à Al-Qaïda et à l’État islamique qui ont fait des dizaines de milliers de morts depuis 2015. Dans un communiqué publié sur sa page Facebook, le ministre de la Sécurité Mahamadou Sana dit constater « la diffusion sur les réseaux sociaux de contenus malveillants sous formes d’écrits, de photos, ou de vidéos faisant l’apologie du terrorisme et véhiculant de fausses informations« .

Des soldats burkinabè à un checkpoint à Ouagadougou le 4 octobre 2022.

« Il est essentiel de rappeler à chacun, l’absolue nécessité de s’abstenir de liker, de commenter dans le but de soutenir ou de partager ces contenus nuisibles à notre vivre ensemble« , a-t-il écrit. Des vidéos ou récits d’attaques jihadistes visant l’Armée burkinabè et des populations civiles sont régulièrement relayés sur les réseaux sociaux, venant contredire les discours de « succès militaires » du pouvoir de Transition en place depuis septembre 2022.

« Ces contenus qui invitent à la violence constituent une menace grave pour la construction d’une paix durable et de la cohésion sociale« , poursuit le ministre, en estimant que « ces publications visent à saper le moral des forces combattantes engagées dans la reconquête du territoire« , et « à manipuler l’opinion nationale« . Des « contenus incriminés font d’ores et déjà l’objet d’enquêtes en vue d’identifier et d’interpeller les auteurs qui subiront la rigueur de la loi« , a-t-il rappelé, invitant la population à signaler tous autres contenus sur une Plateforme de la brigade contre la cybercriminalité.

L’apologie du terrorisme et la diffusion de fausses informations, sont des infractions passibles selon le Code pénal burkinabè de peines d’emprisonnement de un à cinq ans. Par crainte de représailles, des médias limitent les commentaires sous des publications sensibles sur les réseaux sociaux, qui traitent de la défense ou de la gouvernance du pays.

Amener les critiques à descendre sur le terrain des Forces du Faso

Un cadre de la Société civile critique de la junte au pouvoir au Burkina a été arrêté à Ouagadougou, a annoncé vendredi 04 avril son organisation, allongeant la liste des voix discordantes réprimées ces derniers jours par les autorités du Faso.

« Le Front patriotique a appris avec consternation l’arrestation de son Secrétaire général adjoint, le camarade Romuald Yaro, survenue le dimanche 30 mars 2025 aux environs de 19 heures, sur son lieu de travail », à Ouagadougou, a écrit cette organisation dans un communiqué. Son « arrestation a été opérée par des individus qui se sont présentés comme étant en mission pour le compte de l’ANR », l’Agence nationale du renseignement burkinabè, poursuit l’organisation qui dit ignorer le lieu et le motif de sa détention.

Créé en août 2022, le Front patriotique, très critique du régime militaire, est un Mouvement citoyen constitué d’organisations de la Société civile et de partis politiques légalement reconnus au Burkina Faso. « Le Front patriotique réaffirme son désaccord avec ces types d’arrestations, hors procédures judiciaires qui s’assimilent à la disparition forcée », a-t-il déploré. Il invite « les services de sécurité à revoir sérieusement leurs méthodes d’interpellations et d’investigations qui évoquent plus un usage abusif de la force et de l’arbitraire que des raisons de sécurité ».

Si les arrestations et enlèvements sont fréquents depuis deux ans et demi au Burkina Faso, ils ont connu une accélération ces dernières semaines. Le 24 mars 2025, le président de l’AJB (Association des journalistes du Burkina) Guézouma Sanogo et son vice-président Boukari Ouoba avaient été arrêtés après avoir critiqué la Transition. Deux jours plus tard, un troisième journaliste, Luc Pagbelguem, avait été à son tour interpellé pour avoir fait un reportage sur ces propos. Ils sont réapparus mercredi 02 avril dans une vidéo, réquisitionnés au front, pour « couvrir la réalité » de la lutte antijihadiste.

Les enrôlements forcés dans l’Armée, grâce à un décret de mobilisation publié en 2023, ciblent régulièrement des détracteurs du pouvoir, qui assume cette politique au nom du combat contre les « ennemis de la nation ». Une semaine plus tôt, le mouvement politique SENS (Servir et non se servir), qui s’était indigné d’un massacre de civils attribué aux Forces de sécurité, avait dénoncé l’enlèvement de cinq de ses membres.  

© Afriquinfos & Agence France-Presse

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